Adrien Couret/Jean-Philippe Dogneton : "2020 sera également une année difficile pour les assureurs"

jeudi 23 avril 2020
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Dans une interview accordée à News Assurances Pro, Adrien Couret et Jean-Philippe Dogneton, respectivement directeur général et directeur général délégué du groupe Macif font le point sur l'activité de la mutuelle durant cette période de crise liée au coronavirus. Ils évoquent également l'après-crise et le rapprochement avec Aésio.

Comment s'est organisé le groupe pour faire face à la crise ?

Adrien Couret : Le premier temps fut d'abord celui de l'urgence pour garantir la sécurité des 11.000 salariés et assurer la continuité de nos activités. Nous avons donc accompagné la généralisation du télétravail. Aujourd'hui, 70% de nos collaborateurs travaillent à distance. Seules quelques dizaines de collaborateurs se rendent sur site dans des conditions sanitaires renforcées. Notre réactivité nous a permis de conserver notre capacité de réponse vis-à-vis de nos sociétaires, de protéger nos collaborateurs tout en maintenant leurs salaires, sans avoir recourt au chômage partiel.

Quel est l'impact de la crise actuelle sur votre activité ?

Jean-Philippe Dogneton : Nous constatons une baisse de la fréquence en automobile de l'ordre de 65%. Pour autant, nous conservons des flux qui demeurent importants, presque équivalents à ceux observés avant la crise. Nos sociétaires ont toujours besoin d'être accompagnés et continuent de gérer leur contrat. La sinistralité en début d'année avait en outre été particulièrement marquée et cela maintient un niveau élevé de flux à traiter. En santé, nous connaissons également une baisse d'activité. Mais la pression sera très certainement durablement plus importante à la sortie du confinement. Beaucoup de Français ont en effet renoncé ou reporté leurs soins durant cette période. Enfin, nous notons une hausse de notre activité en protection juridique.

Adrien Couret : Nous constatons par ailleurs que les Français épargnent beaucoup faute d’alternatives et continuent de nous faire confiance. Cela renforcera nos engagements sur la branche assurance vie dans un contexte de taux qui restent bas malgré le rebond de ces dernières semaines.

Quelles mesures avez-vous mis en place à l'attention de vos sociétaires ?

Adrien Couret : Dès le début de la crise, nous avons débloqué une enveloppe de 20 millions d’euros à destination des personnes les plus fragilisés par cette crise. Cette enveloppe a notamment été destinée aux soignants (par l’AP-HP), aux publics les plus vulnérables et souvent oubliés (au travers de nos partenaires comme les Restos du Coeur, le Samu Social ou encore le Secours Populaire), et évidemment directement à nos sociétaires. Nous consacrons plus de 11 millions d’euros à des dispositifs de solidarité qui ouvrent un secours financier à nos sociétaires les plus touchés par la situation actuelle. Nous recevons à date près d’une centaine de sollicitations par jour concernant ces aides. Bien sûr, nous nous sommes également mobilisés à travers une contribution au Fonds de solidarité mis en place par l'Etat pour les TPE/PME, dans le cadre de la FFA. Cette contribution proche de 10 M€ représente déjà 25% de nos cotisations IARD sur cette clientèle. Nous réfléchissons évidemment à des dispositifs complémentaires.

Prévoyez-vous des mesures de ristournes sur les cotisations comme certains de vos concurrents ?

Jean-Philippe Dogneton : En tant qu’assureur mutualiste, nous cherchons à être utiles à nos sociétaires tout en étant efficaces, c’est-à-dire en étant présents au moment le plus opportun pour eux. Aujourd'hui nous nous adaptons chaque jour aux situations (pas de recouvrement, extension d’usages...) mais nous nous positionnons principalement sur des champs d’actions d’après-crise et sur des enjeux ciblés. La Macif a toujours veillé a proposer les meilleurs tarifs dans le temps et nous orientons actuellement nos réflexions autour d’actions et de dispositifs d’accompagnement pour ceux qui en auront le plus besoin après la crise sanitaire.

Adrien Couret : Après le temps du secours, le temps de la reconstruction du pays va vite venir. Le groupe Macif sera un acteur de cette reconstruction. Ce sera alors le bon moment pour rendre du pouvoir d'achat et accompagner nos sociétaires dans leur retour à l’activité.

Depuis le début de la crise, le secteur de l'assurance est régulièrement critiqué pour son manque d'implication dans la solidarité nationale. Comment réagissez-vous à ces polémiques ?

Jean-Philippe Dogneton : Les crises génèrent toujours une recherche de responsables. La période est donc propice au haro sur les assureurs. Mais je suis convaincu que l'on appréhendera pleinement le rôle joué par le secteur au sortir de la crise. D'autant que les assureurs seront des acteurs majeurs de la relance économique via leurs capacités d’investissement et la couverture de risques nouveaux.

Adrien Couret : Je trouve pour ma part que le secteur a été globalement au rendez-vous. Dans des circonstances exceptionnelles, la continuité de service aux assurés a été garantie, avec un recours très répandu du télétravail qui a participé à la lutte contre le virus. L’assurance est aussi le secteur qui s’est le plus engagé financièrement dans la crise. Au-delà des 3,2 milliards d’euros communiqués par la FFA, les initiatives individuelles des assureurs sont nombreuses, significatives et continueront probablement. Pour parler du monde mutualiste que je connais le mieux, on verra au moment du bilan de cette crise qu’il aura eu un engagement cohérent avec son idéal de redistribution aux sociétaires comme avec ses propres contraintes prudentielles.

Comment envisagez-vous l'après-crise ?

Jean-Philippe Dogneton : L'année 2020 n'est pas écrite d'avance et contrairement à ce que je peux lire ou entendre, elle va être également difficile pour les assureurs. Le marché devrait rester neutre et nous n'avons pas encore mesuré tous les impacts économiques et sociales de la crise, sans oublier les turbulences qui touchent les marchés financiers. Je rappelle que lorsque la société va mal, le secteur de l'assurance également. En 2021, nous ne devrions pas retrouver l'effet cotisation, car il pourrait y avoir un mouvement dépressif sur les tarifs, doublé d’une contraction de marché. En revanche, l'effet charge de sinistres pourrait revenir au même niveau qu'avant la crise. Concilier temps présent et temps long, crise et reconstruction résument l’équation de l’assureur et de la société.

Faut-il mettre en place un régime d'indemnisation des catastrophes sanitaires ?

Jean-Philippe Dogneton : J'observe que le régime Cat' Nat', très critiqué avant la crise, est aujourd'hui devenu une référence. Je trouve que c'est un juste retour des choses pour un modèle fondé sur la solidarité.

Adrien Couret : Le vécu de la crise va changer la perception des Français face aux grands risques. L’idée qu’il y ait des situations "inassurables" va devenir politiquement difficile à expliquer. L’ouverture rapide par la FFA de travaux sur un régime "Cat San" est une excellente nouvelle. Mais derrière, il y aura probablement d’autres réflexions à faire aboutir sur la couverture de grands risques par des partenariats public-privé. Je pense bien sûr au risque dépendance, mais aussi au risque cyber qui présente lui aussi un potentiel systémique.

Cette crise a-t-elle ralenti les travaux sur le rapprochement avec le groupe Aesio ?

Adrien Couret : Nous restons sur une bonne dynamique avec des repères inchangés, à savoir la constitution du groupe au 1er janvier 2021. Après avoir reçu l’autorisation de l’Autorité de la concurrence concernant notre rapprochement, nous avons lancé l'appel d'offres pour notre réseau de soins commun. La crise que nous vivons renforce le sens de créer un grand groupe mutualiste multi-métiers, protégeant 8 millions de français.

Ces travaux doivent être validés en Assemblée générale. Dans quelles conditions allez-vous les tenir ?

Adrien Couret : Les pouvoirs publics ont assoupli par ordonnances les modalités de tenue des Assemblées générales en permettant notamment qu'elles se tiennent à distance. Ce sont des sujets sur lesquels nous travaillons actuellement, mais nous n'avons pas encore tranché.

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