Complémentaire santé solidaire : Les ocam, simples figurants

lundi 28 octobre 2019
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Sur le papier, 133 organismes complémentaires se sont portés volontaires pour distribuer la future complémentaire santé solidaire (CSS). Mais en réalité, cette offre ne sera pas un axe de développement pour beaucoup d’acteurs privés.

À compter du 1er novembre 2019, les anciens bénéficiaires de la CMU-C ou de l’ACS pourront basculer leur contrat vers la nouvelle complémentaire santé solidaire. Ils auront le choix de la souscrire auprès de leur Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) ou bien auprès de l’un des 133 organismes complémentaires distributeurs, dont 119 mutuelles. Un choix agnostique pour le bénéficiaire, qui optera probablement pour la simplicité.

Certes, choisir un organisme complémentaire privé permettra de bénéficier d’un contrat de sortie, mais c’est la directrice du Fonds CMU Marianne Cornu-Pauchet qui fait valoir cet argument dans un entretien avec Espace Social Européen, et pas un seul des organismes complémentaires que nous avons interrogés.

Politiquement, les mutuelles souhaitent accompagner les publics les plus fragiles mais elles sont confrontées à des équilibres financiers fragiles. Gênées, elles affirment à demi-mot que « la complémentaire santé solidaire ne sera pas un axe de développement ». Ils disent vouloir « accompagner » leurs assurés vers le nouveau dispositif pour « ne pas les laisser tomber » mais elles ne vont pas aller chercher de nouveaux bénéficiaires.

Suite à la généralisation de la complémentaire santé pour tous les salariés, beaucoup de mutuelles santé ont essayé de compenser la perte d’adhérents grâce à l’ACS. « Jusqu’à présent, nous avons été extrêmement généreux avec cette population. Les bénéficiaires de l’ACS sont reçus physiquement, le temps qu’il faut. Peut-être que demain, nous spécialiserons davantage nos agences. L’ACS a été une priorité commerciale dans un contexte post-ANI mais peut-être que demain nous serons moins offensifs. Nous serons dans une optique de gestion de notre stock plutôt que d’acquisition de flux. Nous ne pouvons plus conditionner la rémunération variable d’un commercial à la part de contrats ACS vendus », indique un dirigeant mutualiste qui affirme avoir une agence qui réalise 70% de son chiffre d'affaires sur du public ACS.

D’autres acteurs évoquent une « équation économique difficile » dans un contexte de taux négatifs qui impose une certaine restriction budgétaire. Dans le nouveau dispositif, les organismes complémentaires ne seront plus porteurs de risque puisque les prestations seront prises en charge intégralement par l’Assurance Maladie. Les organismes complémentaires distributeurs ne percevront que 32 euros par an en 2020 pour chaque bénéficiaire couvert en complémentaire santé solidaire avec participation financière. Cette faible dotation demande beaucoup d’ingéniosité de la part des organismes complémentaires afin de limiter au maximum le coût de la gestion de ces contrats. Des délégataires de gestion vont également revoir leurs process pour s’ajuster au budget serré.

Un effet de ciseaux délétère

"Les publics à revenus modestes demandent plus d'attention et sont plus sollicitateurs que les autres. Les volumes d'appels sur un portefeuille ACS sont sans aucune mesure avec d'autres portefeuilles. Si en plus vous ajoutez des contraintes financières fortes, vous créez un effet de ciseaux non raisonnable", explique un délégataire de gestion. "Paradoxalement, pour réduire au maximum les frais, il faudra automatiser davantage la gestion sur une population qui est en demande de relation humaine", complète-t-il.

L’exemple de la CMU-C

La baisse continue de la présence des organismes complémentaires auprès du public CMU-C ces dernières années pourrait illustrer le comportement des Ocam sur la CSS dans les années à venir. En 2018, 232 organismes étaient inscrits sur la liste des organismes habilités par le Fonds CMU-C à gérer la CMU-C. Cela représente 48% de l’ensemble des organismes complémentaires, tandis qu’en 2010 ils étaient 69%. Malgré cette présence théorique, les organismes complémentaires géraient 530.000 bénéficiaires de la CMU-C sur un effectif de 5,58 millions de personnes, soit 9,14% de la totalité de la population CMU-C. Les bénéficiaires ayant fait le choix de gestion de leurs prestations par un ocam a baissé de 8,2% entre 2017 et 2018, selon le fonds CMU.

Des mouvements à venir

Les 133 organismes distributeurs de la complémentaire santé solidaire ont déjà 80% des bénéficiaires de la CMU-C gérés par un organisme complémentaire et 70% de l’ensemble des bénéficiaires ACS, selon le Fonds CMU. Autrement dit, 390.000 bénéficiaires de l’ACS et 106.000 bénéficiaires de la CMU-C devront changer d’organisme.

En plus de ces bénéficiaires en déshérence, le nouveau dispositif, plus lisible et plus protecteur, devrait attirer de nouvelles personnes à revenus modestes. Si aujourd’hui 7 millions de personnes bénéficient de la CMU-C ou de l’ACS, entre 9,5 et 12,1 millions de personnes pourraient bénéficier du futur dispositif, selon le Fonds CMU. D’autant plus que le gouvernement a pour objectif d’augmenter de trois points par an le taux de recours à la complémentaire santé solidaire, qui aujourd’hui est de 60% dans le meilleur des cas.

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