Les associations de malades s’interrogent sur la mise en application de la grille de référence qui fixe, pathologie par pathologie, le délai au terme duquel les anciens malades peuvent souscrire une assurance emprunteur sans surprime ni exclusion de garantie.
C’est un long combat que les associations d’usagers du système de santé ont remporté le 14 février avec l’entrée en vigueur du "droit à l’oubli". La loi prévoit deux volets bien distincts. D’une part, la loi reconnaît le droit pour les anciens malades de cancer et d’hépatite C de ne plus mentionner leur ancienne pathologie lors d’une demande d’assurance emprunteur 10 ans (délai maximal) après la fin de leur traitement et sans rechute. D’autre part, la loi instaure une grille de référence qui fixe, pathologie par pathologie, le délai au terme duquel les anciens malades peuvent souscrire un contrat sans surprime ni exclusion de garantie, aux mêmes conditions que des personnes considérées en bonne santé.
Une grille de référence évolutive
Les associations de malades réunies au sein du Collectf interassociatif sur la santé (CISS) ont participé activement à l’élaboration de cette « grille de référence », aux côtés de la Fédération Française de l’Assurance (FFA) et de l’Institut national du cancer (INCA). « La grille de référence est un progrès fondamental, mais maintenant il faut la construire. L’idée est de la faire évoluer tous les ans en fonction des progrès thérapeutiques. Pour certaines pathologies cardio-vasculaires, par exemple, nous n’avons pas assez de données disponibles », affirme Marianick Lambert, administratrice du Ciss pour Familles Rurales
L’ACPR est chargée de veiller à la bonne application du droit à l’oubli par les acteurs de l’assurance : "Nous allons laisser les acteurs appliquer le texte et il faut prendre le temps et avoir le recul nécessaire pour décider s’il y a besoin ou pas de faire des préconisations », affirme Mark Beguery, adjoint du directeur du contrôle des pratiques commerciales de l’ACPR, qui rappelle que le régulateur n’a pas la compétence pour traiter les litiges individuels : « Les particuliers peuvent saisir la commission de médiation de la convention Aeras. Cette commission est susceptible de nous signaler si, à partir de cas individuels, elle identifie de possibles pratiques plus généralisées. De notre côté, sur ce sujet comme sur tous les autres, nous sommes susceptibles de mener par exemple des actions de contrôle auprès d'un échantillon d’acteurs représentatifs du marché. En l’espèce, nous pouvons regarder la façon dont les choses sont présentées au client dans les supports de communication (notices, sites d’information, contrats…) afin de vérifier qu’il n’y ait pas de dispositions qui contreviennent au droit à l’oubli."
La transparence sur le tarif de base
La mise en application de la grille de référence soulève quelques inquiétudes au sein des associations de malades : « Comment s’assurer que l’on n’applique pas de surprime aux anciens malades alors que le tarif de base n’est pas connu ? Nous demandons que la prime de base de l’assurance emprunteur soit affichée quelque part. Autrement, tout contrôle devient impossible », réclame Marianick Lambert.
Arielle Dalens, contrôleur des pratiques commerciales à la direction du contrôle des pratiques commerciales de l’ACPR, réplique : "Nous comprenons l’inquiétude des associations sur le fait que les assureurs ne publient pas leur grille tarifaire mais outre qu’il s’agit d’un élément structurant et confidentiel de l’activité de chaque assureur, le tarif d’une assurance emprunteur dépend de plusieurs facteurs (l’âge, l’état de santé, le montant emprunté, la durée et la nature du prêt…). Ce n’est donc pas facile de communiquer une grille tarifaire à cause de sa complexité. Pour l’instant, nous n’avons pas reçu d’alerte concernant l’application de surprimes injustifiées. Il n’y a pas de raison de penser que les assureurs ne respectent pas cette règlementation par principe, car ils ont participé aux négociations sur le droit à l’oubli au sein de la convention Aeras"
Un autre point de vigilance soulevé par le Ciss concerne les maladies chroniques développées suite à un cancer. « Les anciens malades de cancer peuvent développer d’autres pathologies telles qu’une hypertension ou un diabètes suite à leur traitement. De bonne foi, les anciens malades de cancer peuvent omettre de déclarer ces pathologies suite à une mauvaise interprétation du droit à l’oubli. Nous devons faire de la pédagogie parce que nous risquons de créer des déceptions », pointe Marianick Lambert.
La résiliation annuelle et le risque de démutualisation
Les associations de malades considèrent que la résiliation annuelle de l’assurance emprunteur est une « arme à double tranchant », qui risque de faire augmenter le prix des assurances de groupe proposées par les bancassureurs. « Nous voulions avoir une étude d’impact sur la loi Hamon avant d’adopter la résiliation annuelle, car nous craignons que les gens en bonne santé se ruent sur les contrats individuels plus économiques et qu’il ne reste que des gens avec un risque aggravé de santé couverts par les contrats groupe. Le risque est de voir les tarifs des contrats groupe grimper dans les prochaines années », considère Marianick Lambert.
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