Suite à la crise sanitaire, les organisations syndicales représentatives de la branche de l'assurance ont demandé à la Fédération française de l’assurance (FFA) une ouverture des négociations sur le télétravail.
La CFE-CGC et la CFDT l’ont demandé oralement, FO a formalisé la requête par écrit et les autres ont suivi. Les organisations syndicales de l'assurance souhaitent un accord cadre sur le télétravail au niveau de la branche. La Fédération française de l’assurance a accepté de faire un diagnostic en septembre ou octobre, dans le cadre d’une commission paritaire exceptionnelle. « A la rentrée, nous allons faire un bilan à froid avec les partenaires sociaux, au sortir de cette période de crise, sur l'expérience du télétravail dans les entreprises d'assurance. Nous devons faire la part des choses et distinguer ce qui relève de la crise et ce qui relève du télétravail en période normale. Est-ce qu’on aura suffisamment de matière pour engager une négociation avant la fin de l’année ? C’est possible, mais cela doit être encore validé par la commission sociale de la FFA. Dans tous les cas, ce ne peut être qu’un accord cadre non normatif, avec des bonnes pratiques et des recommandations. Presque toutes les grandes entreprises du secteur ont déjà des accords sur le télétravail. Nous n’avons pas vocation, au niveau de la branche, à venir imposer des règles aux entreprises en la matière – ce serait contre-productif », indique Alexis Meyer, directeur des affaires sociales de la FFA. Le futur accord pourrait s’inspirer de l’accord de télétravail signé par les sociétés de courtage en 2018 et du guide de bonnes pratiques en cours de discussion par les partenaires sociaux au niveau interprofessionnel.
Les salariés de l'assurance bénéficient d’un accord sur la qualité de vie au travail de 2016, qui contient un chapitre sur le télétravail. Mais cet accord est devenu obsolète, suite à la situation inédite qu'a généré la crise sanitaire et le confinement. L’objectif des organisations syndicales est d’avoir un accord à part entière sur le télétravail qui contemple le scénario d'un télétravail généralisé et prolongé.
Double volontariat
En effet, les grèves de fin 2019 et la crise du coronavirus ont conduit la majorité des salariés à télétravailler à plein temps pendant une longue période, parfois sans organisation préalable, dans des conditions dégradées et avec les moyens du bord. Les syndicats voudraient que le nouvel accord fixe des limites claires au télétravail en période normale d'un côté et en période exceptionnelle (en cas de grève ou de pandémie) de l'autre. Salariés comme employeurs sont très attachés au principe de double volontariat, c’est-à-dire, que le télétravail ne puisse pas être imposé ni aux entreprises ni aux salariés.
« Une partie de salariés est enchantée de faire du télétravail, d’avoir plus d’autonomie, de réduire le temps de trajet, d’améliorer la conciliation entre vie privée et vie personnelle. D’autres ont très mal vécu cette expérience pendant le confinement. Nous avons constaté une hausse des risques psychosociaux et quelques tentatives de suicide », indique Georges de Oliveira, secrétaire général de la section fédérale des assurances de FO.
Le futur accord pourrait encadrer davantage la pratique du télétravail. Ce serait un accord cadre qui fixerait des grands principes et s’appliquerait à minima aux entreprises qui n’ont pas signé d’accord spécifique sur le télétravail.
Le droit à la déconnexion
Les organisations syndicales sont très attachées au droit à la déconnexion du salarié et au respect des horaires de travail, « parce que beaucoup de salariés ont travaillé plus que ce que prévoit la loi. Le grand souci est l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle. Nous allons mettre des bornes, demander un temps de pause obligatoire, le respect des 2 jours de repos consécutifs... Nous avons constaté une augmentation des risques psycho-sociaux post-confinement. Certains salariés sont extrêmement fatigués et nous avons des cas de burn-out liées à la période », indique Thierry Tisserand, secrétaire national de la CFDT Banques et Assurances.
Assurer les conditions matérielles
Les organisations syndicales demandent également que les entreprises assurent les conditions matérielles pour les salariés en télétravail. Car « dans certaines entreprises pendant le confinement c’était la course à l’équipement », selon Thierry Tisserand. « Nous allons demander des contreparties pour les salariés qui font du télétravail. Ce n’est pas normal que le salarié fournisse son matériel, nous ne sommes pas au XIXe siècle ! Nous demandons un dédommagement pour l'utilisation des espaces privés du salarié, ainsi que des tickets restaurant pour les salariés qui ne peuvent pas bénéficier du restaurant d’entreprise lorsqu’ils font du télétravail », réclame Georges de Oliveira.
« Nous craignons que certains employeurs profitent de cette situation pour faire des économies. L’accord doit rappeler les droits fondamentaux des salariés. Quand l’entreprise met tous les salariés en télétravail, c’est au moindre coût. S’il y a quelques frais liés au télétravail, ils ne doivent pas être supportés par le salarié. Nous demandons un dédommagement du salarié qui accepte de travailler de chez lui. Par exemple, Axa prend en charge 60% des frais de connexion internet de ses salariés commerciaux nomades », explique Joël Mottier, président de la fédération assurance de la CFE-CGC. Pour cette organisation syndicale, l’accord devrait contenir un volet formation : « Le télétravail, ça s’apprend. Les managers qui encadrent les équipes ont besoin d’être formés au télétravail ».
Des désaccords sur l'indemnisation des frais
Muriel Tardito, vice-présidente de la Fédération Commerce, Services et Force de Vente (CSFV) de la CFTC, pense que l’accord de branche sera très basique et indique qu’il y a par ailleurs des négociations en cours dans certaines entreprises. « Nous souhaitons que le télétravail puisse aller de 1 à 4 jours par semaine, suivant les désidérata des salariés », exprime-t-elle.
Muriel Tardito explique que la majorité d’entreprises ne veulent pas indemniser les salariés, tandis que dans certains cas comme Generali ou Swiss Life, il existait jusqu’à présent une indemnisation qui couvrait les frais d’électricité, de chauffage et d’internet. Suite à la crise, ces entreprises souhaitent supprimer cette indemnisation. « C’est difficile comme négociation. Si l’on considère uniquement la sécurité du salarié et la qualité de vie au travail, le télétravail contribue au confort du salarié et l’indemnisation n’est pas justifiée. Cependant, cette indemnisation est considérée comme un avantage acquis dans ces entreprises et il est difficile de passer d’une indemnisation à zéro », avance Muriel Tardito.
Chez Generali, par exemple, sur 3.500 salariés, uniquement 600 étaient indemnisés à raison de 20 euros par mois. Si le télétravail était étendu à l’ensemble des collaborateurs, le surcoût de 58.000 euros par mois serait insupportable pour l’entreprise. En revanche, Muriel Tardito indique qu’un télétravail à grande échelle permet à l’entreprise de faire des économies sur les surfaces de bureau et demande de prendre en compte ce paramètre dans le calcul, ainsi que l’augmentation de la productivité lorsque les salariés sont en télétravail.
Chez Swiss Life, chaque jour de télétravail est rémunéré à hauteur de 10 euros, à raison de 3 jours maximum par semaine. Pendant la crise du coronavirus, cette indemnisation a été suspendue car tous les salariés ont travaillé à distance. « Aujourd’hui, nous assistons à une rupture des négociations chez Swiss Life parce que l’entreprise ne souhaite plus indemniser, partage Muriel Tardito. Nous souhaitons que cette indemnisation soit maintenue en période normale et acceptons qu’elle soit suspendue en période exceptionnelle. Mais dans l'échelle des priorités, nous préférons que la santé des salariés soit préservée et que l’entreprise fournisse le matériel approprié ».
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