Optique, dentaire et audioprothèse : Le déconfinement se prépare
Les remboursements en optique, dentaire et audioprothèse sont presque inexistants depuis mi-mars. Alors que certains acteurs s’inquiètent du renoncement aux soins, opticiens, dentistes et audioprothésistes s’apprêtent à ouvrir leurs portes le 11 mai.
Depuis six semaines, les Français restent chez eux, consultent moins leur médecin, n’achètent plus de lunettes, ne vont plus chez le dentiste, sauf en cas d’urgence. Le confinement a provoqué une baisse importante de la consommation de soins. Les consultations chez les généralistes sont en chute de 40%, et chez le spécialiste, de 50%, selon Nicolas Revel, directeur général de l’Assurance Maladie.
Maigre effet Covid sur la consommation de soins
Certains acteurs de la complémentaire santé, enregistrent une baisse des remboursements santé de 80%, selon Céline Blattner, CEO d’Addactis. D’autres préfèrent ne pas partager les chiffres « parce qu’ils sont volatiles. Il y a un décalage entre l’urgence sanitaire que l’on voit à la TV, à la radio et dans les journaux, et la façon dont cela se traduit sur l’ensemble des activités prestations. Nous pensons qu’il est encore tôt pour évaluer l’impact du coronavirus sur les prestations en hospitalisation », confie une source.
L’exemple de l’Alsace, territoire fortement touché, n’est pas représentatif. « Nous imaginions que nous allions avoir un afflux de prestations hospitalières dans cette région, mais le régime local alsacien, qui remboursement 100% des prestations hospitalières n’est pas représentatif. Sur d’autres régions, il n’y a pas non plus d’impact significatif sur la partie hospitalière. Certaines cliniques nous ont confirmé qu’il existe un décalage entre la prise en charge médicale et la prise en charge administrative. C’est pourquoi il est encore tôt pour en tirer des conclusions », explique un opérateur de tiers payant. La sortie d’hospitalisation peut également amener à une augmentation des soins médicaux, puisque les personnes qui sortent de réanimation sont extrêmement fragilisées. « Les soins de réadaptation seront lourds et concerneront l’AMO et l’AMC », indique un observateur.
Faut-il craindre une dégradation de l’état de santé ?
« Certains patients n’osent plus se rendre en établissement de santé ou appeler leur médecin, pour des motifs autres que des symptômes liés au coronavirus. Ces renoncements aux soins peuvent engendrer de graves dommages, particulièrement pour des pathologies chroniques ou aigües », s’inquiète France Assos Santé.
Report ou renonciation aux soins ?
La téléconsultation a compensé en partie la baisse des consultations en tête à tête, mais elle ne représente aujourd’hui que 25 - 30% des consultations médicales. Les soins non effectués pendant le confinement seront-ils reportés ou pas ? Certaines interventions chirurgicales planifiées vont être reportées, mais peut-être que d’autres ne seront jamais effectuées. Il n’y aura pas d’effet de rattrapage sur tous les soins non effectués, selon plusieurs spécialistes. Par exemple, une personne atteinte d’une gastro-entérite aurait probablement consulté un médecin pour obtenir un arrêt de travail en période normale tandis qu’en période de confinement, elle a attendu que cela passe.
Optique, dentaire et auditif à l'arrêt
L’assurance santé complémentaire est particulièrement présente sur les soins optiques, dentaires et auditifs. Malgré la possibilité de rester ouverts pendant le confinement, la majorité des magasins d’optique et des cabinets dentaires et auditifs ont baissé le rideau pendant le confinement. Il était difficile de maintenir la distanciation sociale et la clientèle n’était pas présente. En optique, un système d’urgence s’est organisé par département, pour permettre de refaire des lunettes.
« La plupart des usines de fabrication de verres ont fermé. L'immense majorité des magasins d’optique vont rouvrir le 11 mai, avec des mesures barrière qui seront facilitées. Par exemple, les petits magasins vont limiter le nombre de clients présents au magasin », explique Marianne Binst, directrice générale de Santéclair.
En dentaire, le Conseil de l’Ordre a demandé aux chirurgiens dentistes de fermer leurs cabinets, car les risques de contamination étaient trop importants. Suite à la réquisition de masques, les dentistes, pourtant consommateurs assidus, ont également rencontré des problèmes d’approvisionnement de matériel de protection. Ils n’étaient pas prioritaires. Pendant le confinement, un système d’urgence a été organisé par département.
Certains dentistes ont prévu de rouvrir dès le 4 mai, et puis à partir du 11, ils vont être tous pratiquement ouverts, selon Santéclair. Il reste le problème de la désinfection entre chaque client. L'Ordre national des chirurgiens dentistes a préconisé des normes d'hygiène accrues qui vont réduire la capacité d'accueil des cabinets dentaires. Il faudra désinfecter le matériel pendant au moins 30 minutes entre deux clients. « Ces durées de stérilisation entre deux patients vont provoquer une baisse d'activité en dentaire. Les grands cabinets vont pouvoir s'organiser et travailler en mode bloc opératoire. En revanche, les petits cabinets vont avoir du mal à rattraper le niveau d'avant », pense Marianne Binst.
L'accès au matériel de protection
Les audioprothésistes espèrent pouvoir rouvrir leurs centres d'accueil le 11 mai, à condition d'avoir du matériel de protection nécessaire. "Nous avons demandé d'être inclus dans la liste des professionnels de santé éligibles à la délivrance des masques en pharmacie", indique Luis Godinho, président du syndicat national des audioprothésistes (Unsaf). "Nous serons parmi les derniers à y avoir accès, car 75% de notre patientèle a plus de 65 ans", craint-il. A partir du 11 mai, l'activité reprendra progressivement, avec des restrictions pour éviter la contamination des patients. "Nous allons devoir être extrêmement vigilants et protecteurs. Pendant les premiers mois, l'activité ne devrait pas dépasser 40% par rapport à la normalité", selon Luis Godinho.
« Nous étions mieux préparés au 100% santé qu’à une pandémie », affirme en plaisantant Marianne Binst. Santéclair confirme faire face à un très faible volume de remboursements, de l’ordre de dix fois moins que d'habitude. « Nous avons remboursé les ventes effectuées avant le confinement. Nous avons accepté que les opticiens puissent facturer, même si les équipements n’ont pas encore été délivrés aux clients », explique Marianne Binst. En optique, Santéclair ne sait pas s’il y aura un effet de rattrapage mais espère retrouver les flux habituels de remboursement à partir du 11 mai.
Parallèlement à la baisse des remboursements, Santéclair a vu le recours à la plateforme de téléconsultation MesDocteurs multiplié par 8, le recours à la plateforme de deuxième avis médical à distance Deuxièmeavis.com augmenter de 30%, le service d'infirmerie à domicile Medicalib augmenter de 30%... Le service de coaching sportif Trainme qui propose de l'activité physique pour les personnes confinées a également connu une hausse de 30%.
La crainte des faillites
Les opticiens et audioprothésistes risquent d’être touchés par la baisse d'activité et les faillites ne sont pas à exclure, notamment chez les petits magasins d'optique et chez les 1.200 audioprothésistes libéraux. En effet, le confinement arrive au mauvais moment pour les opticiens, déjà atteints par le 100% santé, et après un début d’année au ralenti suite à certains problèmes informatiques lors du lancement de la réforme sur le reste à charge zéro. « Nous allons faire en sorte que les opticiens puissent rouvrir le plus vite possible. Nous allons les encourager à ouvrir le 11 mai et nous allons rassurer les clients sur les précautions prises par nos partenaires », indique Marianne Binst.
Deux tiers des effectifs de Santéclair, environ 200 collaborateurs, sont actuellement au chômage partiel. Le réseau de soins a prévu de réintégrer tous ses salariés dès le 4 mai, afin de pouvoir être pleinement opérationnels à partir du 11 mai, pour accompagner la reprise.
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