Santé et prévoyance : La résiliation à tout moment sème la zizanie
La Mutualité française (FNMF), la Fédération française de l'assurance (FFA) et la Fédération nationale indépendante de mutuelles (Fnim) partagent l'opposition du Ctip à la résiliation des contrats santé et prévoyance à tout moment. Alan et l'UFC Que choisir soutiennent la mesure.
Le projet du gouvernement de rendre les contrats santé et prévoyance résiliables à tout moment au bout d'un an de contrat n'est pas du goût des organismes complémentaires. Ce projet cristallise la première rupture entre les représentants du secteur et le gouvernement depuis l'élection d'Emmanuel Macron. La mesure devrait s'inscrire dans un amendement déposé prochainement par le gouvernement à la loi Pacte dans le cadre du prochain examen au Sénat.
Le CTIP s'est exprimé en premier vendredi 18 janvier en évoquant une « rupture de confiance avec l'exécutif ». La résiliation à tout moment concernerait les contrats santé et prévoyance, individuels et collectifs.
Ce week-end diverses personnalités mutualistes ont exprimé leur rejet au projet du gouvernement.
Une telle mesure ne profiterait qu'aux plus avertis et aux plus favorisés qui gagneront à changer souvent de complémentaire santé, et sûrement pas aux personnes âgées, aux assurés les plus atteints par la maladie ou aux publics les plus en difficulté. @mutualite_fr https://t.co/mw32R9eVf0
— Albert Lautman (@AlbertLautman) January 20, 2019
Encore un contresens ministériel et une atteinte aux principes mutualistes. Pouvoir résilier sa mutuelle en cours d’année atteint le principe même de mutualisation des risques, et fait de la protection sociale un bien de consommation. Entier soutien @mutualite_fr https://t.co/5iFOXiB0Gq
— Jerome Saddier (@jsaddierESS) January 19, 2019
Oui, la résiliation des contrats #mutuelles peut avoir des conséquences négatives sur les frais de gestion mais le plus grave est qu’elle ne répondra pas aux véritables enjeux #AccèsSoins qui sont la priorité des Français et sur lesquelles #mutualistes agissent. #FausseBonneIdée pic.twitter.com/xRFiuoCUHX
— Stéphane JUNIQUE (@junique_s) January 21, 2019
#Santé #Mutuelle Nouvel acte de destruction d'un modèle qui a fait ses preuves même s'il est fragile mais pour proposer quoi ? Une couverture des plus fragiles par la solidarité nationale et une assurance individualisée pour ceux qui peuvent le financer. https://t.co/iAlYFXisPq
— Pascal Pigot (@P_Pigot) January 21, 2019
La FNMF a envoyé un communiqué lundi 21 janvier pour accuser le projet du gouvernement de « fausse bonne idée » et de « mauvais coup porté à la solidarité ».
« Si l’objectif est de baisser les cotisations des mutuelles, cette réforme passe à côté du sujet », déclare Thierry Beaudet, président de la Mutualité française.
Aux yeux des complémentaires, cette mesure paraît contredire l'objectif du gouvernement de baisser les frais de gestion des organismes complémentaires : « Si l’objectif est de baisser les frais de gestion, c’est une fausse bonne idée parce que cette mesure va au contraire les augmenter quasi automatiquement au moins dans un premier temps », pointe Thierry Beaudet. En effet, l'augmentation de la fréquence des résiliations aurait un impact sur les coûts de gestion et la plus forte concurrence induirait à augmenter les frais d'acquisition.
La résiliation à tout moment serait également un obstacle au tiers payant sur la partie complémentaire, selon la FNMF. En effet, les mutuelles s'étaient engagées à donner des garanties de paiement aux professionnels de santé, mais avec la résiliation à tout moment « le risque d'indu deviendrait considérable et rendrait inapplicables les engagements mutualistes », explique la FNMF.
Cette mesure mettrait à mal également les mécanismes de mutualisation et de solidarité et remettrait en cause les actions de prévention et d'action sociale qui ne peuvent s'inscrire que dans le temps long.
Pour la Mutualité Française cette mesure « réduit la complémentaire santé à un bien de consommation courante où la seule question est le calcul coût/avantage immédiat pour soi-même et rien que pour soi-même ».
La FFA émet des réserves
La Fédération française de l'assurance partage la position des autres familles d'assureurs. « Cette mesure ne répond pas aux objectifs du gouvernement et des assureurs de baisser les frais de gestion des contrats. Au contraire, la résiliation à tout moment introduirait une complexité supplémentaire dans un secteur déjà lourdement impacté par une réglementation évolutive. Nous avons des réserves car il n'y a pas eu de discussion préalable ni d'étude d'impact », explique un membre de la FFA.
La Fnim craint un effet d'aubaine
La Fnim intègre d'autres arguments : « Permettre la résiliation en dehors de la date anniversaire du contrat aurait automatiquement comme conséquence la hausse des provisionnements requis par la norme Solvabilité II ». La Fnim pointe également un éventuel « risque d'aubaine », qui conduirait à se couvrir uniquement lorsque la nécessité de soins approche et à résilier son contrat lorsque le soin est remboursé.
« Ce dont les Français ont besoin pour leur complémentaire santé, c’est de la qualité et de la sécurité. Permettre une résiliation à tout moment, au motif de libérer, est une mesure parfaitement démagogique qui enfermera les Français, et notamment les plus fragiles d’entre eux, dans une spirale inflationniste à l’opposé des objectifs officiellement affichés » précise Philippe Mixe, président de la Fnim.
Alan soutient la mesure
Malgré cette opposition généralisée, la résiliation à tout moment rencontre le soutien de l'association de consommateurs UFC Que Choisir. Dans le secteur de l'assurance, Alan, seul contre tous, déclare que « la résiliation à tout moment est une excellente mesure pour les entreprises, les salariés et tous les particuliers, comme la Loi Hamon qui a simplifié la vie des particuliers sur l’assurance automobile et l’assurance habitation en leur permettant de changer ou de négocier avec leur assureur ». Dans un billet de son blog, Jean-Charles Samuelian, son fondateur, qualifie cette mesure comme « la meilleure solution » aux obstacles auxquels les assurés font face lorsqu'ils souhaitent résilier un contrat. Alan qualifie de « simple » et « efficace » cette mesure car « elle effacera toutes les rigidités actuelles du système, supprimera toute tentation de jouer avec la complexité des règles et redonnera le pouvoir aux assurés ».
Alan permet déjà aux entreprises de résilier le contrat à tout moment et aux assurés individuels, après un an de contrat effectif. Dans un billet paru sur son blog, Jean-Charles Samuelian, son fondateur, balaie les arguments contre la résiliation à tout moment. Selon lui, « le risque de voir des passagers clandestins ne s'assurer que quelques mois pour se faire rembourser des lunettes ou une opération est complètement maîtrisé par le fait que la résiliation ne serait possible qu'après un an de contrat effectif », écrit-il.
A propos d'une éventuelle hausse des frais de gestion, le fondateur d'Alan compare ce discours avec celui des acteurs des télécoms face à l'arrivée de Free et des offres sans engagements.
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