Vente à distance : Provitalia devant la commission des sanctions de l'ACPR
C'est un fait suffisamment rare pour être souligné : la commission des sanctions de l'ACPR tenait ce mercredi une séance ouverte au public. Elle a examiné une procédure disciplinaire lancée à l'encontre de Provitalia, courtier spécialisé dans la vente à distance de contrats prévoyance et santé.
Créé en 2014, Provitalia distribue des contrats pour le compte de courtiers grossistes. En question, un grief unique : l’absence de transmission des documents précontractuels et contractuels avant la conclusion du contrat au téléphone qui serait, selon le rapporteur et le collège, imposé par l'article R520-2 du code des assurances. Ce dernier stipule que l'intermédiaire doit fournir une information claire et exacte « sur support papier ou tout autre support durable à la disposition du souscripteur et auquel celui-ci a facilement accès ». Le rapporteur invoquait également l'article L222-6 du code de la consommation retenant que « le consommateur reçoit, par écrit ou sur un autre support durable à sa disposition et auquel il a accès en temps utile et avant tout engagement, les conditions contractuelles ».
De son côté, Lionel Lefebvre du Cabinet Orid Avocat a pointé les principes de légalité des délits et des peines n’autorisant ni interprétation ni sanction sur la base de dispositions invoquées par le collège mais abrogées depuis. Même si une partie du texte a été reprise par une nouvelle disposition, l’absence de reprise à l’identique créait une incertitude qui, selon la défense, devait aussi profiter à Provitalia.
Une proposition de sanction
Toujours selon la défense, la vente à distance bénéficie en outre d'une dérogation sur la fourniture des documents pré-contractuels. Ainsi, si le contrat « a été conclu à la demande du souscripteur, alors les informations peuvent être fournies après la conclusion du contrat". La commission des sanctions ne livre pas la même analyse des textes. « Accepter d'être contacté pour une étude personnalisée ne relève pas d'une demande de souscription, lance Jean-Luc Guillotin. Provitalia fait bien du démarchage et est bien à l'initiative de la souscription. Il était de toute façon impossible pour les clients de recevoir les documents précontractuels puisque sur les plus de 31.000 adresses mails clients renseignées auprès des courtiers grossistes, 98% étaient pas ou mal remplies. La plupart étaient d'ailleurs des adresses mail de Provitalia qui recevaient donc les-dits documents à la place des clients ». Le Collège considère que le régime dérogatoire n’est pas applicable lorsque l’entretien a été sollicité par le courtier. En cas d’appel sortant, même en plusieurs temps, le courtier doit toujours transmettre les documents avant la conclusion du contrat.
« Ce n'était pas pour contourner le système, s'est défendu Alain Ohayon, président de Provitalia, mais simplement pour limiter les reprises sur commissions. Je vous rappelle que les conventions de courtage passées avec les grossistes prévoient que nous remboursions les commissions versées par ces derniers si un événement, comme un impayé de cotisation, survenait dans les 24 mois suivant la signature du contrat par le client. Il s'agissait donc pour nous de mieux suivre la vie des contrats en disposant de toutes les informations ».
Jean-Luc Guillotin a formulé une proposition de sanctions à la commission. Il préconise une interdiction de commercialiser de nouveaux contrats par Provitalia et tout autre succursale durant deux mois, un blâme, une sanction financière d'au moins 50.000 euros, ainsi qu'une publication nominative et publique de la décision de la commission.
« Ces sanctions signeraient la fin de Provitalia »
Selon Alain Ohayon, « ces sanctions signeraient la fin de Provitalia. Notre modèle économique ne nous permet pas de nous passer de deux mois d'activités. Sans affaires nouvelles pour compenser les reprises de commissions, nous ne pourrions pas survivre ».
Ce dernier a d'ailleurs fait valoir que depuis le contrôle in situ de l'ACPR, les procédures ont été modifiées. Les adresses mails sont désormais renseignées, sans quoi la vente ne se poursuit pas. Les documents précontractuels sont par ailleurs envoyés aux prospects.
Pour Lionel Lefebvre, le doute sur l'interprétation des textes sur lesquels s'appuie le rapporteur de la commission doit bénéficier à l'accusé. Il s'est, de surcroît, interrogé sur la proportionnalité des sanctions proposées par M. Guillotin, arguant qu'elles sont plus lourdes que pour d'autres acteurs de la vente à distance déjà sanctionnés par l'ACPR.
La commission des sanctions a mis sa décision en délibéré. Elle devrait être rendue dans les prochaines semaines. En fin de séance, Benoît Lapointe de Vaudreuil, du Cabinet Orid Avocats, a tenu à rappeler que cette affaire soulevait « une problématique de place » dont l’issue pourrait affecter sensiblement une activité économique importante concernant plusieurs milliers d’employés et d’assurés.
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