Cercle LAB : Retour sur la 2ème réunion du club santé (saison 2020-2021)
Le club santé du Cercle LAB a analysé le 19 janvier le traitement des données de santé par les organismes complémentaires dans l’optique de préserver la santé des assurés.
Après une première réunion consacrée au cadre légal, le club santé s’est penché sur les applications concrètes de traitement des données de santé qui permettent aux organismes complémentaires de proposer des services santé.
Virginie Femery, directrice Santé et Prévention chez Groupe Vyv et directrice générale de Vivoptim Solutions, a présenté un retour d’expérience sur le programme de prévention du risque cardiovasculaire de Vivoptim. « Les données de santé nous permettent de mesurer l’impact de nos services de prévention, en matière d’amélioration de la santé », explique-t-elle. « Il est important de travailler avec les data scientists afin d’aller jusqu’au bout de ce qu’on a mis en place, de voir si le service est pertinent et répond au besoin. Pour cela, on collecte de la donnée qui est anonymisée. Tout ce que l’on fait vise à améliorer l’état de santé de l’assuré. Si on arrêtait la chasse aux sorcières de la complémentaire santé concernant l’exploitation des données, on ferait avancer le débat sur la prévention santé », considère Virginie Femery.
Dans une démarche d’amélioration des services, Vivoptim travaille sur les « Pain points » du parcours : où est-ce que l’usager bloque ? comment le retenir le plus longtemps possible dans le programme de coaching ? Le traitement des données de santé permet de personnaliser les programmes de prévention, par rapport à la démarche plus généraliste des pouvoirs publics.
L’analyse d’impact au travers d’études médico-économiques est essentiel afin de prouver les gains économiques d’un programme de prévention, à la fois pour l’entreprise, pour le système de santé public et pour l’organisme complémentaire. Cependant, « le manque de culture scientifique de la population explique que ces démonstrations économiques ne représentent pas un argument commercial suffisant pour convaincre les entreprises de lancer un programme de prévention auprès de ses collaborateurs », selon Isabelle Hébert, directrice stratégie, digital, marketing et relation client chez AG2R La Mondiale et marraine du club santé.
« Il est intéressant d’analyser les taux d’abandon (à quel moment, à quelle étape l’adhérent a quitté le programme), à cause de problèmes techniques ou bien d’un défaut d’accompagnement. C’est très important de savoir à quel moment on perd de la motivation », indique Virginie Femery.
Une évaluation clinique et médico-économique a permis de savoir combien de sessions de coaching sont nécessaires pour obtenir un résultat optimal en termes d’accompagnement d’un patient atteint d’obésité.
L'Espace numérique de santé
La groupe Vyv comme Malakoff Médéric ont répondu à l’appel d’offres de l’Espace Numérique de Santé afin d’y héberger des services santé. L’objectif pour Vivoptim est de proposer des services selon un modèle fremium. « Nous souhaitons pouvoir récupérer les données de traitements médicamenteux afin de pouvoir enrichir nos analyses », indique Virginie Femery. « Ce qui est probable, c’est que l’ENS ne retienne que les services en santé. La notion de la gestion en complémentaire santé ne pourra pas faire partie de l’ENS », explique Laurent Borella, directeur santé de Malakoff Humanis.
L'accès des complémentaires aux codes détaillés
La polémique autour de l’accès des organismes complémentaires aux codes affinés a été largement commentée par les membres du club santé. « Ces données sont nécessaires à notre métier de complémentaire santé. Suite au courrier de la Cnil de juillet 2020, nous avons eu beaucoup d’échanges entre fédérations et ministères. Nous ne pouvons pas nous contenter des codes de regroupement. Nous avons besoin des informations précises pour faire du contrôle, c’est notre meilleur argument. Sinon, on revient à une situation de payeur aveugle. Sans l’accès à ces données, la valeur ajoutée de la complémentaire est en question et on deviendra une sorte d’Agirc-Arrco de la santé. Pendant un temps, nous avons demandé ces codes afin de pouvoir rembourser des garanties fines, mais cela n’a pas été compris par le gouvernement ni pas la Cnil, qui peuvent être tentés de nous interdire de rembourser ces garanties fines. En revanche, l’argument du contrôle est imparable, car le régulateur nous impose de bien dépenser l’argent de nos assurés », indique Laurent Borella.
Le directeur santé de Malakoff Humanis considère qu’il faudrait réécrire la loi 2016 sur les finalités interdites, qui interdit de fait aux organismes complémentaires l’accès aux données du SNDS. Il plaide également pour que les organismes complémentaires puissent faire de l’éducation thérapeutique.
Les services santé
Mise à part la gestion du risque, les données médicales sont utiles pour proposer des services en santé, toujours avec le consentement de l’assuré. Les possibilités d’automatisation de ces données permettent aujourd’hui de faire des services de prévention personnalisés.
« Paradoxalement, aujourd’hui, il est difficile d’accéder aux données pour exercer notre métier de complémentaire, mais en revanche il devient de plus en plus facile d’accéder aux données pour proposer des services, sous réserve qu’on fasse bien notre métier (qu’on soit irréprochables sur la sécurité des systèmes d’information, sur l’éthique et le sens des services). Je pense que pas beaucoup d’organismes se sont donné les moyens pour traiter les données dans une optique de service de façon sérieuse. Cela risque de jeter un doute sur la qualité et la sécurité des services en santé qui pourraient être produits par certains. Il y a un enjeu de place sur notre capacité à mettre en place des services sérieux », alerte Laurent Borella. « Il y a de l’espace en matière de prévention pour les organismes complémentaires, car la Sécu est centré sur les soins et l’état sur l’organisation de l’offre », affirme Laurent Borella.
« Dans nos maisons, nous pouvons faire de la prévention personnalisée et de la prévention communautaire, en complément de la prévention populationnelle et grand public faite par les pouvoirs publics. La communauté s’entend au niveau de l’entreprise ou d’une convention collective. Cela marchera s’il y a de la confiance et de la sécurité », selon Laurent Borella.
Malakoff Humanis a prévu une enveloppe budgétaire de 50 millions d’euros sur le traitement des données et l’intelligence artificielle dans les prochains 5 ans. Les enjeux autour des infrastructures sont importants. Malakoff Humanis investit dans l’entrepôt des données. Laurent Borella alerte sur le « monopole des structures américaines de ces solutions. Nous encourons un risque de dépendance de géants américains sur des solutions d’IA et de data demain ».
Sur les cas d’usage, Malakoff Humanis travaille sur la détection de fraude automatique sur certains traitements, sur le risque de résiliation des clients, sur des solutions autour de la voix pour améliorer la relation client afin de trouver le bon canal d’orientation, sur l’automatisation de la gestion pour réduire les frais de gestion. Le groupe de protection sociale lancera bientôt une application qui permet de lire de façon automatique des photos de factures ou devis, avec une gestion 80% automatisée. L’objectif est de réduire les frais de gestion.
La vision des actuaires
Le troisième intervenant de la réunion, Norbert Gautron, associé de Galéa, a expliqué ce qu’il était possible de faire en matière de traitement des données de santé aujourd’hui. Il a parlé des exemples de la compréhension de l’absentéisme ou de l’anticipation des résiliations comme des illustrations d’applications de la gestion de la donnée en matière de gestion du risque (lutte contre la fraude, meilleure anticipation des consommations santé, notamment lors de réformes complexes et des crises actuelles) et d’élaboration des lois comportementales des assurés santé (choix d’option ou choix effectués dans le cadre du 100% santé par exemple).
Norbert Gautron a invité les acteurs à utiliser les données déjà disponibles au sein des organismes d’assurance et de leurs entités partenaires, malgré les freins qui existent parfois sur la qualité de la donnée. L’utilisation de données de qualité et pertinentes (« smart data ») pour des études concrètes est parfois préférable à la recherche difficile de « big data » et permettra de montrer aux décideurs les apports des nouvelles données santé dans la gestion des risques, la prévention et également la meilleure appréciation de la valeur client. L’importance de la formation des clients et partenaires sociaux aux apports des nouvelles technologies a également été soulignée ; à ce propos, le rapport annuel « loi Evin » pourrait constituer un outil de communication utile.
Dans le cadre du Health Data Hub, les organismes complémentaires peuvent améliorer les analyses sur la prévention des pathologies graves (AVC, cancers, diabète), sous réserve d’accessibilité à ces données. Il est également possible de mieux comprendre le parcours de soins, les ALD et détecter des signaux faibles. Enfin, Norbert Gautron a invité les actuaires et data scientists à faire preuve de pédagogie sur la transparence des algorithmes afin d’améliorer la confiance des assurés.
En conclusion, ces présentations « ont bien montré à la fois l’intérêt mais aussi la difficulté de collecter, traiter, exploiter la donnée de santé au profit de la santé des individus. Contraintes SI, réglementaires, mais aussi difficulté à créer l’usage et à trouver un modèle économique pérenne pour l’assureur. Pourtant, la capacité à utiliser la donnée au profit de l’assuré constitue un élément clef de la nécessaire transformation du modèle actuel de couverture santé complémentaire », selon Marie-Sophie Houis, associée de PMP Conseil et du Cercle LAB.
La prochaine réunion du club santé aura lieu le 1er avril et portera sur la confiance des assurés dans le traitement des données de santé.
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