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Cercle LAB : Retour sur la première réunion du club prévoyance (saison 2020-21)

lundi 5 octobre 2020
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Marie-Anne Montchamp, présidente de la CNSA, et Pierre Mayeur, directeur général de l’Ocirp, ont donné le coup d’envoi à la nouvelle saison du club prévoyance du Cercle LAB.

Cette année, le club prévoyance a décidé d’aborder la question de la place des assureurs privés dans le cadre de la cinquième branche de la Sécurité sociale dédiée à l’autonomie.

La nouvelle branche est arrivée au détour d’une loi organique sur le transfert d’une dette sociale à la Cades. La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) a été désignée comme l’institution porteuse de la branche. Laurent Vachey a remis un rapport sur le périmètre, la gouvernance et le financement de la nouvelle branche autonomie. « Le conseil de la CNSA milite pour qu’on aille très loin dans la question de la construction du périmètre de la branche », a indiqué Marie-Anne Montchamp, face aux adhérents du Cercle Lab.

Quel périmètre ?

« La question de l’autonomie est le résultat d’une transversalité et d’une articulation de réponses émanant de l’ensemble des domaines de la protection sociale, à savoir la maladie, la famille, la vieillesse, mais également des politiques publiques qui sont hors champ de la protection sociale. Il est donc extrêmement important de viser la bonne agrégation de dépenses publiques qui concurrent à l’autonomie, faute de quoi on se prive des capacités d’efficience des pouvoirs publics. Par exemple, une politique de logement mal ciblée fait défaut à une réponse en protection sociale pour l’autonomie et génère des besoins de financement inappropriés », selon Marie-Anne Montchamp.

Dans le cadre du PLFSS 2021, un des enjeux du débat parlementaire va être non seulement de calibrer le périmètre « mais de montrer que la branche ne va pas se faire en un jour. Dans les textes qui vont constituer la branche, il ne faut pas se priver d’imaginer ce que sera la branche en 2030 », demande la présidente de la CNSA.

La nature des financements

Le programme de qualité et d’efficience du PLFSS définit un périmètre de 66 milliards d’euros dédiés à la perte d’autonomie (financement public et reste à charge des ménages). « Personne ne le sait, personne ne le pilote, personne ne le calcule, sans compter les autres politiques publiques », indique Marie-Anne-Montchamp.

Face aux querelles idéologiques, qui expliquent le ton modéré et prudent du rapport Vachey entre pro-départementalistes et anti-départementalistes, pro-assureurs ou anti-assureurs, Marie-Anne Montchamp considère que « la prudence n’évite pas le danger ».

Des critiques sur la proposition FNMF-FFA

Interrogée sur la place des assureurs, Marie-Anne Montchamp considère intéressant que « la réponse assurantielle se positionne comme accompagnateur de la personne dans l’expression de son libre choix pour qu’elle soit en mesure de financer ses options personnelles ».

La présidente de la CNSA trouve que la proposition de la FFA et de la FNMF de créer une assurance dépendance obligatoire dans le cadre de la complémentaire santé est « trop généraliste » et « adresse assez mal l’intérêt de nos concitoyens ».

Marie-Anne Montchamp incite les assureurs à se positionner pour défendre l’intérêt de la personne dans l’expression de son libre choix. Ils doivent « construire des réponses qui relèvent de l’intérêt direct de la personne. Il est fondamental que très tôt que ces initiatives s’engagent. Sinon on va se retrouver dans un syndrome du RAC zéro, où face à l’exiguïté des possibilités de financement, surtout en cette période, la question se posera à la barbare, soit pas des effets abruptes de fiscalité particulière soit par des injonctions à agir ».

Dans son rapport remis au gouvernement, Laurent Vachey considère que « ce dispositif adossé à la complémentaire santé à partir d’un certain âge aurait « un double effet de transfert intergénérationnel des actifs vers les retraités âgés et d’enchérissement de la complémentaire santé de l’ordre de 15 à 25% selon les différentes hypothèses ». Patrick Hugon, directeur de mission assurances senior du groupe Vyv, rétorque : « L’hypothèse sur un renchérissement à 25% correspond à une mutualisation à partir de 62 ans. Nous proposons une mutualisation beaucoup plus large, à partir de 22 ans ».

Laure Châtel, de CNP Assurances, affirme que « c’est aux politiques, dans le contexte actuel, de définir quelle est l’acceptabilité sociale d’un transfert intergénérationnel pour mettre en place un dispositif par répartition qui demeure à mes yeux la seule solution accessible pour les classes moyennes, afin de leur apporter un complément de revenus, quand ils seront en perte d’autonomie ».

Le groupe Vyv insiste sur l’intérêt de l’assurance généralisée car « elle permet l’accessibilité à tous, sans sélection médicale, quel que soit le niveau de revenu et l’état de santé. Cela permettrait de combattre l’anti-sélection. L’intérêt de cette proposition portée par la FFA et la FNMF c’est qu’il peut apporter un début de réponse à la question du reste à charge immédiat », ajoute Patrick Hugon.

L’approche sur les territoires

Marie-Anne Montchamp pense que cette proposition « n’épuise pas le sujet ». « Les assureurs, dans leur grande diversité, ont quelque chose d’important à apporter dans le débat. Ce n’est pas qu’une question de financement mais une question de philosophie. Nous avons besoin de la mutualisation. Encore faut-il le positionner sans ambigüité. La proposition des assureurs ne doit pas être en compétition avec la solidarité nationale. Ce sont deux sujets différents. C’est pourquoi ma préconisation c’est que les assureurs embrassent l’intérêt de leurs clients. J’appelle de mes vœux à une créativité politique et technique. En particulier, dans le domaine des territoires, les assureurs sont pertinents, dans la mise en œuvre des plans autonomie ».

Appel à la créativité

Les assureurs ont un rôle à jouer sur la prévention dès la cessation de l’activité, sur la transition entre la vie active et la retraite, sur les bilans autour des questions de santé et de projets de vie. « L’assureur doit être l’avocat de la personne dans la branche, c’est un discours politique qu’il faut très vite tenir ».

Marie-Anne Montchamp a transmis avant l’été un questionnement du conseil de la CNSA aux trois familles d’assureurs « pour leur demander en quoi ils sont à côté de la personne et pas simplement reprendre les mécanismes assurantiels classiques. Le pire serait d’en rester à une solution généraliste qui par ailleurs, n’investirait pas les autres modèles. Si nous sommes dans une réponse obligatoire, on ne fait qu’augmenter les prélèvements obligatoires de manière indirecte. L’enjeu de la prévention c’est beaucoup plus intéressant que de se dire qu’on va financer les deux dernières années de vie en Ehpad. Vous n’aurez pas de clients avec ce positionnement, je vous le prédis », insiste-t-elle.

Aux yeux des responsables politiques et du gouvernement, la cinquième branche ne peut se construire que sur la solidarité nationale. Aborder l’assurance privée c’est politiquement inacceptable pour un dirigeant public.

« Le film est en train de s’écrire. On va essayer de réintroduire le débat sur l’assurance parce qu’aujourd’hui, il en est sorti pour des raisons politiques. Je sens venir le gros loupage car en vérité la personne attend de son assureur de ne pas avoir à payer 2.000 euros par mois. Elle serait prête à payer 500 euros maximum mais les autres 1500 euros, elle les considère comme illégitimes », poursuit-elle.

Marie-Sophie Houis, associée de PMP, commente : « Nous savons que le financement public ne suffira pas à financer la dépendance, qu’il y a une place pour la mutualisation, cela fait des années que le marché est figé parce que le contexte public n’est pas stabilisé. La cinquième branche va enfin stabiliser le contexte. Il faudrait faire preuve de créativité pour trouver une solution avant qu’on nous l’impose. Nous avons l’impression qu’une partie des assureurs ont envie d’avoir un cadre contraint qui ressemblerait à celui de la santé, avec des lignes de service, un tarif conventionné. Je trouve que le pire qui pourrait arriver c’est de reproduire ce modèle-là ».

Face aux critiques émises par Marie-Anne Montchamp, les assureurs s’interrogent « Faut-il une solution de place concernant l’assurance dépendance ? ». D’autres pensent que la proposition d’assurance dépendance généralisée sur le modèle de ce que font déjà certaines mutuelles de la fonction publique pourrait se mettre en place, de façon volontariste par d’autres acteurs du marché, en complément de la solution publique, sans attendre que le caractère obligatoire soit imposé par les pouvoirs publics. Dans ce cas-là, en revanche, la mutualisation serait moindre et le rendement aussi.

Par ailleurs, Pierre Mayeur, directeur général de l’Ocirp : « J’ai l’impression qu’on souffre des deux grilles, la grille AGGIR et les AVQ. Cela ne fonctionne pas. Si on veut être crédibles, on doit avoir une grammaire commune, quitte à ce que les assureurs soient associés à l’évolution de la grille AGGIR ».

Le reste à charge en établissement, le nerf de la guerre

Pierre Mayeur s’est exprimé ensuite sur les différences entre les politiques d’handicap et celles sur la perte d’autonomie. Sur le handicap il y a une logique de « compensation » qui varie peu en fonction des revenus de la personne, tandis que sur les personnes âgées dépendantes, le montant de l’allocation personnelle autonomie (APA) varie en fonction du niveau de dépendance et du niveau de revenus. En revanche, lorsque la personne bascule en établissement, les plus favorisés bénéficient de l’aide sociale à l’hébergement et les autres perçoivent un niveau très faible d’APA en établissement. Le sujet c’est le financement de l’hébergement. « Vous allez finir votre vie à l’hôtel », indique Pierre Mayeur.

Il y a un consensus sur le fait que la solidarité nationale doit financer les dépenses de soins des personnes en perte d’autonomie. D’où 9 à 10 milliards d’euros de dépenses supplémentaires du rapport Libault en 2030, qui correspondent uniquement aux dépenses d’Assurance Maladie (45% sur la revalorisation des salaires des intervenants, 55% sur l’effet démographique).

Sur l’hébergement, en revanche, la logique se pose en des termes différents. Le cinquième risque exprime une demande d’équité car des taux d’attribution de l’APA sont très hétérogènes selon le département. La cinquième branche doit tenir également la promesse de l’équilibre dans la durée.

La prévention, domaine à investir

Selon Pierre Mayeur, les assureurs pourraient donc investir le champ de la prévention, de l’accompagnement de la personne dans des systèmes médicaux et sociaux complexes, le domaine des services et pour ceux qui le souhaitent ou encore l’aide au financement des dépenses d’hébergement. « La réponse assurantielle ne s’adresse pas aux plus défavorisés, qui auront droit à des aides publiques, ni aux plus aisés, qui auront suffisamment de revenus et de capital pour pouvoir s’auto-assurer. Elle s’adresse à la classe moyenne », pointe le directeur général de l’Ocirp.

Suite aux incidences du vieillissement en volume, on aura besoin de financement supplémentaires. Les modes de financements qu’ils soient fiscaux ou bien qu’ils soient liés au libre choix par l’intermédiaire l’assurance sont dépendants du modèle. « Aujourd’hui, si on demandait à nos concitoyens d’augmenter la CSG pour financer la cinquième branche, je pense que la rétractation serait immédiate parce que le modèle n’est pas au rendez-vous. Qui est client pour aller en Ehpad ? Ceux qui sont en Ehpad sont captifs, ils n’ont pas le choix. Il y a un sujet structurel, un sujet de gouvernance et bien évidement la progression de ressources dans le temps, jusqu’à arriver à une solution en maturité pour 2030 », commente Marie-Anne Montchamp.

Elle imagine des sources fiscales, comme la CSG avec l’assiette la plus large, et puis la mutualisation sur ce qui va relever du libre choix. Elle propose d’agréger ces deux sources de financement, « sur la base d’un consentement de nos concitoyens, et d’une désirabilité du modèle, car dire aux gens qu’on va les accompagner uniquement sur les deux dernières années de vie pendant lesquelles ils iront en Ehpad, cela ne marchera pas ».

Concernant la gouvernance, il convient de mobiliser de façon plus homogène et équitable les financements locaux. Il y a autant de modèles que de territoires, avec leurs spécificités. « Il convient de trouver un niveau de consensus suffisant pour que les départements contractualisent », pense Marie-Anne Montchamp. Le nerf de la guerre c’est les services d’aide à domicile.

Quelle gouvernance ?

Une gouvernance centrale du « type agentielle », selon Marie-Anne Montchamp, capable d’aller vers la contractualisation, capable d’embarquer le nouveau modèle et d’aider à sa transformation, avec un mode de pilotage pour embarquer non seulement les services de l’Etat et les ARS mais également toutes les collectivités locales. Le principe retenu est celui de la « réunion des parties prenantes », associant autour de la table tous ceux qui ont à connaître le risque autonomie, y compris les assureurs. « Il faut que ce modèle de gouvernance se répercute en animation, pilotage et contractualisation, sur l’ensemble du territoire afin d’obtenir de nouveaux leviers en financement, parce qu’on pourra allouer l’aide et obtenir d’eux qu’ils allouent de manière plus équitable leur capacité de financement. La question de la dotation de l’État aux collectivités n’est pas étrangère, quand je parle de périmètre », note M.A. Montchamp.

A propos du financement des besoins, Marie-Anne Montchamp identifie quatre fonctionnalités : la santé (qui relève de la solidarité nationale), la compensation financière pour les personnes atteintes de perte d’autonomie (par exemple, la politique du handicap), le logement, et le présentiel (lien social, relations, prévention de l’isolement et la solitude, soutien aux aidants. « Nous avons besoin d’introduire cette quatrième dimension dans la politique du care », soutient-elle. Les assureurs peuvent intervenir sur les quatre dimensions, en complémentaire santé, comme opérateurs de services ou bien pour réduire le reste à charge en établissement. La dimension de prévention doit être présente dans les 4 volets et les assureurs ont un rôle important à jouer.

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