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Cercle LAB : Retour sur la quatrième réunion du club RH (saison 2020-21)

lundi 26 avril 2021
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Le club RH s’est réuni le 6 avril dernier pour explorer les évolutions de la fonction RH suite à la crise du coronavirus.

La fonction RH des entreprises d’assurance sort grandie de la crise du coronavirus. Communication, télétravail, mesures sanitaires, juridiques… les équipes ont travaillé sans relâche pour garantir la continuité d’activité. Et après ? Quels sont les enseignements de cette période et comment la fonction RH peut-elle tirer son épingle du jeu pour continuer à être au cœur des décisions stratégiques de l’entreprise ?

Véronique Jolly, directrice générale adjointe du groupe Matmut en charge des ressources humaines et présidente de la commission des affaires sociales de la Fédération française de l’assurance, considère que la crise a permis d’exprimer les qualités opérationnelles et les fondamentaux régaliens de la fonction RH.

Cette crise a démontré la capacité de la DRH de prendre des décisions opérationnelles rapides afin de garantir la sécurité et la santé des collaborateurs, en associant les partenaires sociaux et en fédérant les autres parties prenantes : l’immobilier, la gestion des risques, les achats de fournitures, la gestion des sites jusqu’à la restauration collective. « C’est important de prendre ces décisions en bonne connaissance de la culture de l’entreprise, de l’écosystème, du niveau d’acceptabilité sociale, du cadre juridique, humain et business et de la sensibilité de la direction générale », indique Véronique Jolly.

La crise a également été « un révélateur de la position RH », notamment sur la relation du binôme DG-DRH. « Quand le binôme existe, avec une vision stratégique partagée, c’est extrêmement puissant pour la gestion de crise. Quand le binôme ne marche pas bien, c’est de l’ajustement, moins puissant et moins efficace et pour autant, le DRH a su gérer la situation », considère Véronique Jolly.

« La crise ne va pas forcément changer l’existence de ces deux écoles. Je pense qu’elles vont perdurer dans la durée, car quand le binôme DG-DRH ne bat pas son plein, c’est souvent du fait d’une volonté du DG ou de sa vision du monde mais c’est aussi souvent une posture du DRH qui ne souhaite pas utiliser son influence sociale. Dans tous les cas, la crise a illustré l’existence ou l’absence du binôme DG-DRH », signale Véronique Jolly.

Un révélateur de l'offre RH

Enfin, la crise a également été un « révélateur de l’offre RH interne, en matière de dématérialisation », selon Véronique Jolly. Avait-on tous les numéros de téléphone des collaborateurs ? Avait-on les moyens d’interagir avec eux hors circuit classique ? Avait-on sécurisé ces circuits dématérialisés en étant prémunis d’une cyber-attaque ? Savait-on maintenir le run (recrutement, évaluation et formation à distance) ? « Les DRH des entreprises du secteur étaient plus ou moins prêtes à gérer à distance la totalité de leur run. Celles qui étaient moins préparées ont quand-même continué à fonctionner, payer, recruter et former leurs collaborateurs. Cela a été plus ou moins rock’n’roll. La fonction RH a su faire preuve de réactivité, même dans les entreprises n’ayant pas suffisamment investi dans la digitalisation de la fonction RH », indique Véronique Jolly.

Est-ce que la fonction RH en sort grandie ?

Véronique Jolly pense qu’il faut maintenir le leadership de la fonction RH que la crise a soit restauré soit éclairé. « Ce serait dommage de ne pas capitaliser sur ce moment. Nous sommes dans un rythme de fonctionnement tel, qu’il n’est pas exclu qu’on ait à connaître « une sortie de crise » sans avoir eu le temps de réflexion nécessaire pour tirer les enseignements de cette période. La DRH devra instruire plusieurs sujets stratégiques dans les prochains mois : le retour à la normale et la nouvelle norme de télétravail, le travail en tout lieu, l’appétence des collaborateurs à retrouver un collectif de travail, le mix entre distanciel et présentiel ».

Véronique Jolly considère qu’il n’y a pas de modèle à suivre et que chaque organisation doit trouver le sien. La fonction RH augmentée adressera des questions de communication, mais également l’IT. « Nous devrons pousser des solutions simples et légères, en étant vigilants sur la cybersécurité, puisque nous allons manipuler des données sensibles », signale la DRH du groupe Matmut.

En étroite collaboration avec l'immobilier et l'IT

Dans ce contexte d’élargissement du télétravail, l’économie globale du système embarque l’immobilier, mais l’entreprise c’est aussi un lieu de vie. Le défi est de rendre attractifs les bureaux pour faire revenir le collectif de travail. « Plus nous sommes dans un univers dématérialisé, plus nous avons besoin de repères physiques pour nous ancrer quelque part. Il faut les deux pour créer le nouveau modèle », signale Véronique Jolly.

La DRH va également se saisir des sujets d’expérience collaborateur, de plus en plus en compétition avec l’expérience client. Cela a un impact sur l’attractivité de la marque employeur car l’image de l’entreprise est de plus en plus véhiculée par le collaborateur.

Le sujet du temps de travail est également percuté par la crise. C’est parfois un temps élastique, d’ailleurs. La DRH oscille entre son rôle de « gardien du temple du temps de travail » et « la flexibilité donnée au collaborateur pour organiser son emploi du temps ».

Accélérateur de la dématérialisation

Éric Gex Collet, DRH du groupe Aésio, considère que « le virus a eu des effets positifs ». Tous les domaines des RH ont été bousculés, parfois violentés. Le virus a été un révélateur de la fonction RH et un accélérateur d’amélioration continue. Sans cette crise, le niveau de dématérialisation de la mutuelle aurait pris des années. Aésio a déployé Teams en trois semaines, alors que le planning de la DSI de février 2020 annonçait un délai d’entre 18 et 24 mois.

La direction générale s’est rendu compte qu’elle avait besoin de la DRH et que « nous n’étions pas simplement des producteurs de fiche de paie et des distributeurs de tickets restaurant, illustre Éric Gex-Collet. La crise a permis à la DRH de passer d’une fonction support à une dimension plus stratégique, de business partner. Je suis convaincu qu’il n’y a pas de retour en arrière sur le positionnement de la fonction RH au sein de l’entreprise ».

La DRH a dû prendre des décisions importantes en matière de logistique pour acheminer le matériel de protection dans toutes les agences. « La crise a révélé un vrai besoin de communication différente, vis-à-vis de la direction, des collaborateurs et des managers », selon le DRH d’Aésio.

La crise a également amené la DRH d'Aésio à créer des nouvelles fonctions comme celle d’assistance aux collaborateurs. Elle a par ailleurs « aplati les organigrammes et cassé certains codes ». Certaines méthodes de management ont également été remises en question. « La crise nous incite à former davantage les managers, contraints à animer les équipes à distance, sur les problématiques sociales », explique Eric Gex-Collet.

Caroline del Torchio, directrice au sein du cabinet Identité RH, considère que la crise a changé notamment « le regard des autres, collaborateurs et dirigeants, sur la fonction RH. On a souvent reproché aux collaborateurs de la DRH de ne pas être proches du terrain. Cette crise a été l’occasion de prouver le contraire. Le binôme DG-DRH s’est souvent renforcé ». La fonction RH n’est plus perçue comme un « limitateur » mais comme un « facilitateur ».

Le confinement a accéléré un certain nombre de tendances en cours, comme l’orientation business de la fonction RH. Ce repositionnement stratégique de la fonction RH va perdurer car la crise remet en question les méthodes de travail dans la durée. La nouvelle organisation devra s’adapter aux enjeux business, sanitaires tout comme aux aspirations des collaborateurs.

La fragilisation des collaborateurs mis à distance a renforcé le rôle de coach de la DRH, le développement de la proximité, l’accompagnement des collaborateurs dans la mise en place du travail en mode hybride. Parmi les enjeux stratégiques, les DRH devront entretenir l’engagement des collaborateurs dans la durée et donner du sens au travail. « Les DRH ont été confrontés au besoin de faire du sur-mesure qui ne peut passer que par ce rôle de coach-ressource », indique Caroline Del Torchio.

Autre impact majeur de la crise, l’accélération de la digitalisation des ressources humaines. Les DRH ont tiré parti du digital pour gagner en performance. Les modalités de formation ont été transformées. Des coffre-forts numériques sont adoptés dans toutes les grandes entreprises. Cela passe souvent par des partenariats avec des start-up.

En première ligne sur la santé mentale

La fonction RH va toujours plus loin dans l’accompagnement des collaborateurs sur leur santé mentale, selon Caroline del Torchio. Elle est légitime pour intervenir sur des sujets d’hyper-connexion, de fragmentation du travail, d’isolement des collaborateurs.

Depuis des années, la fonction RH intervient sur l’expérience collaborateur : développement des soft skills, mais également sur des sujets de développement personnel et d’intelligence émotionnelle.

Bénédicte Crété Dambricourt, DRH du groupe Groupama, commente : « Cette crise a été un moment de vérité pour la fonction RH. Avec quelques principes directeurs, nous avons avancé groupés avec les DRH de toutes nos entreprises, afin d’inventer ensemble le groupe Groupama de demain. Le contexte actuel est un terrain de jeu incroyable, qui nous permet d’accélérer les transformations. A nous de mettre en place des actions concrètes et participatives pour embarquer les collaborateurs ».

Faire preuve d'agilité

A propos de la réflexion sur le monde d’après, il est important « d’avancer en mode apprenant, d’éviter de normer des environnements qui ont besoin d’être agiles. La norme doit être évolutive. Il faut que les organisations soient souples », signale Bénédicte Crété-Dambricourt.

Les participants s’accordent pour dire que face à « l’océan d’incertitude », il faut faire preuve d’adaptabilité. « On communique moins avec le code du travail qu’il y a un certain temps. Je peux donner des principes mais pas la règle d’application », commente Eric Gex-Collet.

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