100% santé : Entre 5 et 10% de prestations inutiles en audioprothèse

jeudi 24 février 2022
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Sur-appareillage, sur-maillage, publicité abusive… Le Syndicat des audioprothésistes (SDA) appelle à réglementer la profession face aux dérives du 100% santé.

Le nombre de personnes appareillées avec une aide auditive a augmenté de 72% en 2021, première année d’entrée en vigueur de la réforme du 100% santé. Ce gain de 327.000 malentendants s’est traduit par une hausse de 225 millions d’euros de remboursements en audio par l’Assurance maladie sur l'année 2021. Les prestations auditives ont grimpé de 142% en un an.

Ce succès incontestable du 100% santé en audioprothèse est-il excessif ? Le syndicat des audioprothésistes (SDA) se félicité de l’évolution de la prise en charge des personnes malentendantes mais s’inquiète de la concurrence des centres d’optique et de la publicité agressive de certaines enseignes. De 5 à 10% des prestations auditives seraient inutiles, selon les estimations du SDA.

Des indices de sur-appareillage

Un rapport récent de l’IGAS et l’IGESR pointe des « indices de sur-appareillage au détriment des patients et des finances sociales qui peuvent laisser supposer des pratiques contestables », indique Luis Godinho, président du SDA. Par exemple, le taux d’équipement binaural, c’est-à-dire, de personnes équipées de deux aides auditives, atteint 92% en France, contre un taux de 82% en Europe. Par ailleurs, la France pourrait bientôt devenir le pays avec le taux d’appareillage le plus élevé du monde, devant le Danemark qui détient aujourd’hui ce record avec 53%.

Les audioprothésistes pointent du doigt l’appétit des centres d’optique pour aller sur le terrain de l’audition. Luis Godinho rappelle le rôle primordial de l’audioprothésiste dans le succès de la prise en charge car c’est lui qui assure les réglages de l’appareil, l’éducation thérapeutique et le suivi. Le haut niveau d’observance enregistré en France sur les patients équipés d'une aide auditive pourrait être menacé par l’arrivée de nouveaux entrants. « 53% des personnes appareillées ont plus de 75 ans. Nous sommes face à un public vulnérable très différent de celui qui fréquente un magasin d'optique. Le métier d’audioprothésiste aurait davantage de place parmi les métiers de la rééducation plutôt que de l’appareillage », indique Luis Godinho.

Autre inquiétude des audioprothésistes, le sur-maillage territorial dans certaines villes, notamment dans les grandes villes comme Paris, Lyon ou Marseille qui sont d’ores et déjà sur-dotées. « Si les 12.000 magasins d’optique ont un corner, cela va provoquer une suroffre ! », s'inquiète-t-il. Le syndicat propose « d’étudier la mise en place d’un conventionnement sélectif avec des règles spécifiques pour les zones sur-dotées et pour les zones sous-dotées ».

Troisième inquiétude, les promotions publicitaires, réductions, cadeaux… La stratégie des enseignes d'optique qui consister à proposer des prix plus faibles pour attirer des clients se fait au détriment du temps de suivi des patients, selon le SDA. Le rapport IGAS/IGESR juge ainsi « incertain », le bilan qualitatif de la réforme du 100% santé et fait le lien entre publicité agressive et demande non justifiée sur le plan sanitaire.

Le SDA considère que les propositions du rapport IGAS/IGESR pour éviter les dérives sont « trop timorées ». Elles consistent à renforcer les contrôles par les CPAM, les ARS et la DGCCRF. Le SDA souhaite en revanche mettre un terme au régime qui s’applique aux aides auditives en matière de publicité afin d’empêcher les les remises, cadeaux, promesses de résultats. Une option serait de s’inspirer des règles applicables aux pharmaciens.

Les audioprothésistes, libéraux et enseignes craignent par ailleurs les mesures financières. Ils « verraient en effet d’un très mauvais œil un potentiel « retour de bâton » tarifaire si celui-ci devait être la conséquence d’une trop grande dérive de la dépense, induite par les pratiques commerciales déloyales et contreproductives d’une minorité d’acteurs », écrit le SDA.

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