100% santé : Les délégataires de gestion en ordre de marche
La réforme du 100% santé rajoute de la complexité dans la gestion des contrats. Les acteurs de la gestion déléguée anticipent une hausse de la délégation et une concentration du marché.
À quelques mois de l’entrée en vigueur de la réforme sur le 100% santé, les gestionnaires se préparent à recevoir une avalanche d’appels téléphoniques. Et cette situation est amenée à se reproduire puisque le 1er janvier 2020 n’est que le premier palier d’une réforme qui entre en vigueur de façon progressive pendant deux ans. « Chaque changement dans le remboursement provoque de nouvelles interrogations chez les assurés », indique Philippe Simon, président de Cegedim.
Au contact direct avec l’assuré, les gestionnaires craignent de revivre le « cauchemar » de la dernière réforme du contrat responsable, qui avait provoqué un collapse de leurs lignes téléphoniques.
Le 100% santé complexifie davantage la gestion. « Nous devrons véhiculer et analyser, pour un même acte, beaucoup plus de données techniques et médicales avec des contraintes de protection des données personnelles très fortes », explique William Feurté, président de GFP.
« Le 100% santé crée un socle commun à tous les contrats responsables. Pour se distinguer, les assureurs proposent une multitude d’options supplémentaires, responsables ou non responsables, qu’il convient de paramétrer », explique Emmanuel Joly, directeur commercial de Cogevie. « Nous échangeons beaucoup avec les assureurs et les courtiers. Nous attendons d’eux un maximum d’anticipation dans la mise en conformité des garanties. Nous savons que cette nouvelle réforme sera l’occasion pour un certain nombre d’entreprises de revoir leurs garanties et aura pour conséquence, pour nous, de reparamétrer les contrats », indique William Feurté.
Deux stratégies se dessinent, selon Cegedim : « Certains acteurs ont choisi d’appliquer le reste à charge zéro à minima et de proposer le coût le plus bas possible, avec éventuellement des surcomplémentaires en option, d’autres ont choisi de ne pas baisser les prestations et de revaloriser les tarifs ».
Les logiciels de gestion ont évolué pour intégrer le contrôle du prix limite de vente ainsi que le contrôle des périodes de renouvellement des équipements au sein d’un même portefeuille.
La réforme ajoute donc de la complexité dans le libellé des garanties mais également dans la gestion des devis. « Nous devrons traiter un devis reste à charge zéro et un devis hors RAC0. Et donc conseiller l’assuré sur la meilleure solution », indique Emmanuel Joly. De plus, l’assuré aura la possibilité de mixer des verres et des montures de paniers différents. Tous les gestionnaires investissent dans des outils de communication pour faciliter la compréhension de la réforme. Enfin, des efforts importants ont été consentis dans la formation des téléconseillers.
La gestion déléguée a beaucoup évolué. D’un côté la matière assurable s’est complexifiée suite aux réformes successives, et de l’autre les technologies sur l’analyse des données et l’automatisation des processus ont permis d’obtenir des gains de productivité et de réduire les frais de gestion.
L’automatisation dépend du recours des professionnels de santé au tiers payant. Si chez les pharmaciens et les opticiens, le tiers payant est majoritaire, le taux de pratique du tiers payant chez les dentistes est encore inférieur à 10%. Les délégataires sont demandeurs des codes de nomenclature détaillés fournis par la Caisse nationale d’assurance maladie afin de pouvoir contrôler le respect des prix limites de vente de la part des professionnels de santé.
Améliorer le risque
« Il faut qu’on travaille de plus en plus sur la gestion du risque. Notre métier est en train de se déplacer grâce au traitement des données. Nous avons un rôle à jouer dans le contrôle de la fraude, la remontée des informations à l’assureur sur le taux de recours au reste à charge zéro. Demain, l’intelligence artificielle nous permettra de travailler en amont du remboursement. Cette compréhension fine des données ajoute de la valeur à notre métier », signale Philippe Simon.
Cette réforme va-t-elle accroître la délégation de gestion ? « La délégation de gestion n’est plus un sujet tabou, notamment parmi les acteurs de l’économie sociale, qui ont été longtemps réfractaires. Les assureurs préfèrent concentrer leurs investissements dans l’élargissement de l’offre assurantielle, la distribution, les services… et céder la gestion à des spécialistes », considère Philippe Simon.
Consolidation du marché
Contenu du niveau d’investissement nécessaire pour rester dans le marché de la gestion, certains petits acteurs risquent d’intégrer de grands groupes, selon plusieurs observateurs. Dans les prochaines années, les assureurs vont donc davantage déléguer leur gestion mais à un nombre plus réduit d’acteurs.
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