AMF/ACPR : Le nombre de sites sur listes noires double
Le pôle commun constitué de l’AMF et de l’ACPR a présenté, le 16 juin, son rapport d’activité pour l’exercice 2020. Les autorités ont dénombré près de 1.200 noms supplémentaires sur listes noires.
Le 16 juin, le pôle commun de l'AMF et de l’ACPR avait convoqué la presse, place de la Bourse, pour la présentation de son rapport d’activité de l’année 2020 publié à l’occasion de ses 10 ans. Sans surprise, le rapport fut largement consacré à une année marquée par la crise sanitaire, mais surtout à « l’explosion » de l’usage du numérique. « L’usage numérique est un paradoxe à double tranchant. Les contraintes de temps et de lieu sont effacées, les relations sont plus fluides et laissent place à un souci de clarté de l’information et au besoin d’un consentement éclairé des clients », indique Benoît de Juvigny, secrétaire général de l’AMF.
Les listes noires s’allongent
Bien que les bénéfices de l’usage du numérique aient été pointés par le secrétaire général de l’AMF, le rapport montre une intensification des arnaques financières. « Le contexte de crise a également provoqué une perte de repères qui a participé à l’accroissement des escroqueries », précise Dominique Laboureix, secrétaire général de l’ACPR. Près de 1.200 noms supplémentaires ont été ajoutés sur les 5 listes noires ABEIS (Assurance Banque Épargne Info Service) en 2020. Au total, le pôle commun dénombre 2.400 noms, « soit plus du double par rapport à 2019 », ajoute Nathalie Beaudemoulin Mouratille, directrice du contrôle des pratiques commerciales à l’ACPR. Dans son rôle de lanceur d’alerte, elle évoque « un véritable phénomène d’industrialisation des arnaques », bénéficiant notamment des confinements et de la montée de la digitalisation comme « terreau favorable ».
« Phénomène de clonage »
Parmi les arnaques, l’usurpation d’identité a été un point recensé sous plusieurs formes durant l’année, allant de l’usurpation de mention légale, de signature, d’URL et d’identité d’autorité autorisée. Le pôle commun a également mis l’accent sur le « phénomène de clonage » de site internet autorisé. La pratique consistant à « cloner » en tout ou partie un site en y ajoutant des noms et mentions différentes pour se jouer des personnes vulnérables.
ACPR et AMF sont d’autant plus vigilantes que les arnaques ne s’arrêtent pas là. Le pôle commun a dénombré un chiffre important d’offres de livrets frauduleux, présentés sous forme d’alternatives au livret A avec des promesses de rendements élevés, ou encore des propositions d’investissements dans des parkings d’aéroports européens et des chambres d’Ehpad.
Assurance vie et bourse, terrains de jeux ?
L’appel à la vigilance s’accroît d’autant plus que les autorités établissent le surplus d’épargne des Français entre 140Mds et 150Mds d’euros à fin mars 2021. Avec l’accroissement de la digitalisation en 2020, AMF et ACPR évoquent l’effet gamification mais aussi « l’illusion du jeu ». En effet, le marché des actions enregistre un afflux de plus de 410.000 investisseurs particuliers en 2020. La tendance se poursuit au premier trimestre de l’année 2021, avec « plus de 600.000 acheteurs d’actions » sur le marché. Les deux autorités ont remarqué un rajeunissement des investisseurs particuliers avec un âge moyen de 46 ans, alors que ceux déjà présents avaient 12 ans de plus.
Du côté de l’assurance vie, AMF et ACPR ont renouvelé leurs appels à la vigilance fait lors de la présentation du rapport de l’année 2019. Ils ont notamment pointé du doigt la tendance des épargnants à rediriger leurs placements en assurance vie vers des fonds en unités de compte plutôt que des fonds euros. Ne présentant pas les mêmes profils de risque, « cette tendance dynamique appelle à se poser des questions sur la manière dont ces produits ont été commercialisés », indique Dominique Laboureix. Pour rappel, le fonds euros a subi une décollecte de 30,9Mds d’euros en 2020, contre une collecte de 23,9Mds d’euros pour les fonds en unités de compte.
En plus des travaux menés sur les pratiques de commercialisation de produits auprès des personnes âgés et vulnérables, le pôle commun avait annoncé en 2020, le lancement de tests sur les parcours digitaux d’acteurs proposant des produits financiers et d’assurance.
Des tests consommateurs en complément
Les tests digitaux ont tenté d’examiner l’accessibilité, la lisibilité, la clarté et la capacité à pouvoir assimiler les informations pré-contractuelles et contractuelles disponibles en ligne. In fine, AMF et ACPR ont retenu des pratiques permettant une meilleure commercialisation des produits comme la mise en place de message d’alerte pour avertir le client d’une inadéquation de l’investissement vis-à-vis de son profil, des systèmes rendant la lecture des conditions pré-contractuelles obligatoire, des ruptures dans le parcours permettant un possible retour en arrière pour l’épargnant.
« Cette première étude est actuellement complétée par des tests consommateurs, pour réaliser des parcours digitaux en réel jusqu’à la souscription et évaluer en qualité de client les avantages et inconvénients de ces parcours », précise Nathalie Beaudemoulin Mouratille. Toujours en cours de traitement, les premières conclusions ont montré que le délai de rétractation, les possibilités de réclamation et les informations pré-contractuelles comme les frais et les performances sont encore difficilement accessibles dans les parcours en ligne. Enfin, le pôle commun souhaite « un recueil complet » sur les souscripteurs notamment un approfondissement de leurs situations patrimoniales.
Lors de la présentation, Nathalie Beaudemoulin Mouratille, directrice du contrôle des pratiques commerciales à l’ACPR a été remerciée. Elle vient d’être nommé contrôleuse générale adjointe de la Banque de France. Elle sera remplacée par Grégoire Vuarlot, aujourd’hui chef de mission à la Banque de France.
À voir aussi
J.P Faugère : "Garantir la sécurité des échanges de données"
François Villeroy de Galhau : "Simplifier n’est pas déréguler"
Devoir de conseil : L’ACPR publie une recommandation