Apref : La réassurance à la recherche de la rentabilité technique
La réassurance dans le monde et en France fait face à une sinistralité en nette hausse. Elle pèse sur les résultats techniques, selon l'Apref.
« Nous vivons des évènements climatiques hors normes : inondations record en Australie et en Afrique-du-Sud, plus importantes chutes de grêle en France... », égrène Nicolas Boudias, délégué général de l'Apref. 2022 s'annonce, une nouvelle fois, comme un mauvais cru sur le plan de la sinistralité mêlant intensité et fréquence. Le tableau dressé par l'association des professionnels de la réassurance n'est guère réjouissant.
A cet égard, l'année 2022 pourrait marquer une rupture du point de vue des capacités. En hausse continue depuis 2018 pour atteindre 675Mds de dollars fin 2021, elles pourraient retomber aux alentours de 600Mds de dollars. Soit un retour 6 ans en arrière. Par ailleurs, depuis 2017, le ratio combiné de la réassurance mondiale tangente les 100%. En 2021, il atterrissait ainsi à 97,6% selon les données livrées par l'Apref. « Nous avons des ratios combinés de compagnies d'assurance alors que nous ne faisons pas face à la même volatilité du risque, constate Bertrand Romagné, président de l'Association et qui vient de prendre de nouvelles fonctions chez Axa XL. Un ratio combiné autour de 96%/97%, ce n'est pas un bon résultat pour nos métiers ».
Les bonnes années ne compensent plus les mauvaises
Cette situation ampute la rémunération du capital. Certes, en 2021, le ROE publié au niveau mondial était au-dessus du coût moyen du capital. Mais c'était l'inverse en 2020 et « les bonnes années ne compensent plus les mauvaises années, alerte Bertrand Romagné. Les résultats financiers permettent de dégager des bénéfices, mais nous perdons de l'argent sur la technique ».
« Le risque c'est que les investisseurs délaissent la réassurance pour aller chercher des secteurs plus rémunérateurs. Cela grèverait encore plus nos capacités », s'inquiète un professionnel. Certes, l'activité mondiale de la réassurance est en hausse. Le chiffre d'affaires grimpe ainsi à 326Mds d'euros en 2021, contre 289Mds d'euros 1 an plus tôt. « Mais cela ne représente que 6% des primes mondiales d'assurance. Cela signifie que la réassurance ne peut pas supporter toutes les crises mondiales », lance le président de l'Apref. Cette hausse est toutefois imputable à une augmentation de la matière réassurée combinée à des majorations tarifaires. « De l'ordre de 5 à 10% », précise Nicolas Boudias.
Le cocktail inflation, guerre et pandémie
Alors que les négociations tarifaires vont s'ouvrir à Monte Carlo dans le cadre des RVS, l'Apref souligne « que tout mène vers une augmentation des tarifs ». Une hausse qui devra vraisemblablement être supérieure à celle enregistrée pour les renouvellements 2021 et 2022. Car, aux catastrophes naturelles, s'ajoutent d'autres éléments conjoncturels de nature à faire exploser la sinistralité.
Tout d'abord la guerre en Ukraine. « Certains observateurs évoquent un coût de 13Mds à 35Mds de dollars. Dans les faits, les sinistres sont en développement et ne sont pas encore véritablement constatés dans les comptes des réassureurs », souligne Bertrand Romagné. Reste que dans les secteurs de l'aviation et de la marine, la facture pourrait être salée. Pour l'heure, la bataille se joue sur le plan juridique pour déterminer ce que couvrent réellement les contrats.
L'inflation vient également percuter le secteur de la réassurance. « Nous travaillons majoritairement en non-proportionnel. Autrement dit, avec l'inflation, nos seuils d'interventions baissent mécaniquement », indique le président de l'Apref. Par ailleurs, « l'inflation des biens et services couverts par la réassurance est souvent plus importante que celle des prix à la consommation (dépenses médicales, coûts de réparation et de reconstruction, coûts d’expertises, inflation des salaires », pointe l'association. Enfin, le risque pandémique reste d'actualité. Les 4 premiers réassureurs mondiaux ont ainsi provisionné 500M d'euros au premier trimestre de cette année.
Hausse des prix à plus de deux chiffres en France
En France, l'Apref estime que la hausse des tarifs devrait être, au moins, à deux chiffres. Car sur le front des catastrophes climatiques, l'année 2022 s'annonce d'ores et déjà extrêmement coûteuse. « Nous estimons que la sinistralité pourrait atterrir aux alentours de 5,5Mds d'euros. Et encore c'est très optimiste. Cela pourrait aller jusqu'à 8Mds d'euros », avance Bertrand Romagné. Soit le deuxième exercice le plus salé depuis le passage des tempêtes Lothar et Martin en 1999 (environ 13Mds d'euros).
Ainsi, pour les seules intempéries de grêle du début de l'été, la facture s'élève à près de 4Mds d'euros pour le secteur. S'y ajoutent les 500M d'euros de la tempête Eunice du mois de février, ainsi que les conséquences des incendies et de la sécheresse de cet été.
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