A l'occasion de la présentation de l'évolution de la sinistralité en assurance construction, le groupe SMA a fait un point sur la Libre prestations de service (LPS). Au-delà du cas de la construction, les faillites et les mises en run off interrogent le marché français sur le modèle de la LPS.
En plein cœur de l'été, Elite, compagnie d'assurance anglaise basée à Gibraltar annonçait la mise en run-off de tous ses portefeuilles, dont une partie concerne la France et plus particulièrement l'assurance construction sur les segments de la décennale et de la dommages-ouvrage. Quelques jours plus tard, le GFSC, régulateur de Gibraltar, indiquait que « au cours de la surveillance régulière exercée par le superviseur, le GFSC a identifié les risques découlant de la gouvernance, des processus de souscription déléguée et des processus de mises en réserve d'Elite ». Une analyse du plan de run-off et de solvabilité est actuellement en cours sous l'égide de PwC UK.
Si l'assureur britannique assure que les engagements seront tenus, l'affaire a réveillé des mauvais souvenirs au secteur de l'assurance construction, marqué par plusieurs faillites de compagnie opérant en LPS. Gable basé au Lichtenstein, Enterprise à Gibraltatr, Hill Insurance Company, également à Gibraltar, Lema Insurant Company Limited, toujours à Gibraltar, Quinn en Irlande ou encore Setanta à Malte. Toutes ont perdu leur agrément et certaines ont été placées en liquidation judiciaire entre 2010 et 2016.
L'une des premières difficultés réside dans le contrôle de ces opérateurs. La supervision est en effet assumée par le régulateur local et non par le régulateur du pays dans lequel ils souscrivent des contrats. Un certificat de solvabilité fourni par le régulateur du pays d'origine est toutefois demandé pour obtenir l'autorisation d'opérer. Mais bien que les règles de solvabilité 2 s'appliquent à tous les Etats membres de l'Union européenne, elles peuvent s'avérer plus strictes dans un pays que dans un autre, notamment en matière de provisionnement.
Un trou de 500M d'euros au moins
En France, les règles sont ainsi particulièrement drastiques. Les opérateurs ont l'obligation de constituer des Provisions pour sinistres non encore manifestés (PSNEM) pour les garanties décennales de responsabilité civile et les garanties décennales de dommages ouvrages. Les règles de calcul sont fixées par un arrêté publié au journal officiel en 1995.
Le marché français de l'assurance se retrouverait ainsi avec un provisionnement équivalent à 11,6 années de primes, soit 24.379M d'euros pour un rapport sinistres à primes de 85% selon des chiffres livrés par SMA.
SMA s'est livré au même jeu de la simulation pour un S/P de 40% correspondant à celui affiché par certains opérateurs en LPS. Il en ressort un écart de provisions constituées de 400M d'euros, correspondant donc à un défaut de couverture potentiel du même ordre. « Aujourd'hui, nous serions plus proches des 500M d'euros », nous confie un observateur.
Lobbying auprès de l'Eiopa
Le système reposerait en fait sur des encaissements rapides les premières années à travers une approche tarifaire agressive du marché. Mais lorsque la croissance des primes enregistrées commence à ralentir et que les premiers sinistres se manifestent, en moyenne au bout de 7 à 8 ans, le manque de provisionnement se fait sentir. « On est quand même proche d'un système madoffien », lance un connaisseur du marché.
En conséquence, le lobbying s'intensifie auprès de l'Eiopa pour tenter de mieux encadrer le système de la LPS. « Il ne s'agit pas de la remettre en question. Des acteurs français l'utilisent également pour opérer sur des marchés étrangers. Mais il faudrait que les mêmes règles soient applicables pour tous ou que le contrôle soit partagé entre les différents régulateurs », estime une source. Car la construction n'est pas le seul segment de marché impacté. En responsabilité civile médicale également, il existe des dérives. « Le sujet est arrivé dans le radar de l'Eiopa, car in fine, ce sont les assurés qui sont perdants », conclut notre source.
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