Assurance des collectivités : "Non à l’atrophie, oui à la concurrence"
Deux mois après avoir lancé une mission d’information sur les difficultés d’assurance des collectivités territoriales, le Sénat passe du diagnostic aux propositions. Il appelle notamment à la réouverture de la concurrence pour l'heure inexistante.
Fin janvier dernier, la commission des finances a lancé une mission d’information sur les problèmes d’assurance des collectivités. Deux mois plus tard, Jean-François Husson, en tant que rapporteur de la mission passe aux conclusions.
Après des investigations approfondies menées auprès de 30 organismes, assorties de rencontres sur le terrain d’élus locaux du Val-de-Marne, des Hauts-de-Seine et de Meurthe et Moselle ainsi que par le biais d’un questionnaire en ligne ayant récolté 713 réponses, le chef de file tire la sonnette d’alarme. « Le vrai fait préjudiciable des collectivités est l’atrophie du marché de l’assurance avec une quasi-absence totale de concurrence », a martelé le sénateur lors d’une conférence de presse.
Vers une augmentation des risques climatiques
Une situation épineuse alors que les collectivités territoriales font notamment face à une augmentation des sinistres climatiques. Entre 1989 et 2019, 74Mds d'euros d'indemnisations ont été versées au global en France « pour l'ensemble des événements climatiques ». Elles pourraient atteindre 143Mds d'euros entre 2020 et 2050. Aux risques climatiques s’ajoutent par ailleurs la multiplication des mouvements sociaux.
« Sans concurrence, les collectivités se trouvent dans une impasse, lance Jean-François Husson. Elles sont totalement soumises aux décisions de leurs assureurs. En effet, explique le sénateur, la mission a mis en évidence que dans la seconde moitié des années 2010, les tarifs d’assurance des collectivités ont fortement baissé sous l’effet de la politique tarifaire très mordante de la Smacl participant ainsi à une guerre des prix initiée par des assureurs européens qui ont pénétré ce marché pour s’en désengager très rapidement. Cette guerre des prix à fait fuir la concurrence et a conduit à une situation de quasi-monopole : la Smacl pour les collectivités de plus grande taille et Groupama pour les autres ».
De quoi conduire la commission des finances à formuler 15 propositions adoptées à l’unanimité par ses membres, dont la nécessité de garantir la concurrence du marché. À ce titre, les sénateurs ont saisi l’Autorité de la concurrence, « missionnée pour analyser les principales évolutions de la structure et la dynamique concurrentielle du secteur depuis 2010 et de proposer les modalités à même de garantir le bon fonctionnement du marché », détaille Jean-François Husson.
Extension des compétences du médiateur
L’une des propositions urgentes selon le rapporteur est l’extension des compétences du médiateur de l’assurance pour garantir une solution d’assurance aux collectivités qui se retrouvent sans assurance. « Ce dernier pourrait être saisi par toutes les collectivités qui ne trouvent pas d’assureurs », précise Jean-François Husson. Il endossera une obligation de moyens par laquelle il s’engagerait de tout mettre en œuvre pour assurer les biens de la collectivité qui le saisit.
« L’objectif est clair, simple, mais difficile à mettre en œuvre. Il s’agit de trouver une solution d’assurance pour les collectivités qui se trouvent dépourvues de garanties dans les meilleurs délais. La commission des finances propose aussi d’obliger les assureurs à respecter un délai de 6 mois en cas de résiliation unilatérale à l’initiative de l’assureur. Nous demandons par ailleurs que soit justifiée le motif de résiliation », détaille le rapporteur.
En échange, il revient aux collectivités de mieux connaitre le patrimoine à assurer. Car selon la consultation en ligne réalisée par le Sénat du 31 janvier au 28 février 2024, sur les 713 réponses obtenues, 30% des collectivités déclarent ne pas disposer d’inventaire précis de leur patrimoine. « Or quand on connait bien son patrimoine, il est plus facile d’identifier le risque et de renforcer les actions de protection. Cela permettra de réduire les risques et de négocier les conditions du marché au plus près des besoins et au meilleur tarif possible », commente Jean-François Husson.
Un dispositif d'indemnisation du risque d'émeutes
Pour les sénateurs, l’État a également un rôle à jouer car « il lui revient de sécuriser les conditions juridiques des marchés publics d’assurance ».
Face à l’augmentation des émeutes, les sénateurs envisagent par ailleurs, de créer « un dispositif d'indemnisation du risque d'émeutes », en cas de reste à charge ou de non-assurabilité, à l’image de la dotation de solidarité sur les événements climatiques exceptionnels.
Enfin, la mission d’information a réalisé un guide pratique a destination des collectivités territoriales pour la passation des marchés de l’assurance et leur relation avec les assureurs. « Ce guide ne se substituera pas au dialogue que j’appelle de mes vœux entre les différentes parties prenantes », indique Jean-François Husson.
Le sénateur n’écarte pas la possibilité de déposer une proposition de loi. « Si le gouvernement choisit de ne pas vouloir accélérer le processus , nous ferons le nécessaire par voie législative. Mais pour l’heure, je fais confiance à l’État et au gouvernement pour être au rendez-vous de ces propositions », a conclu le rapporteur.
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