Assurance récolte : Le Parlement adopte la réforme
A la veille du Salon de l'Agriculture, le Parlement a adopté jeudi par un ultime vote du Sénat une réforme de l'assurance récolte attendue de longue date par le monde agricole, en première ligne face aux conséquences du changement climatique.
Le projet de loi avait été adopté une dernière fois mardi par l'Assemblée nationale, dans la version de compromis obtenue en commission mixte paritaire. Face à "un système à bout de souffle" et une multiplication doublée d'une intensification des aléas climatiques, le ministre de l'Agriculture Julien Denormandie a vanté "une réforme historique, fruit d'un travail parlementaire nourri".
Esquissée en septembre par le président Emmanuel Macron lors d'un rassemblement de jeunes agriculteurs, elle doit être opérationnelle au 1er janvier 2023. Concrètement, le texte crée "un régime universel d'indemnisation" à trois étages: un premier niveau relève de l'agriculteur, qui aura à assumer les pertes les plus modestes, jusqu'à un seuil de franchise; un deuxième niveau relève de l'assureur, et un troisième incombe à l'Etat, qui, au-dessus d'un seuil de pertes, mobilisera les fonds publics pour répondre à des situations de catastrophe.
Un guichet unique est créé pour simplifier les démarches. Le texte prévoit la création d'un pool d'assureurs. Y adhérer serait obligatoire pour les assureurs du secteur, permettant ainsi un partage de données et une mutualisation des risques, pour établir une prime d'assurance la plus juste possible. L'indemnisation des pertes de récolte reposait jusqu'ici sur le fonctionnement parallèle de deux régimes. Le premier, celui des calamités agricoles, existe depuis les années 1960. Cofinancé par les agriculteurs et l'État, il exclut certains pans de l'agriculture (viticulture et grandes cultures) et ses délais sont jugés trop longs.
Le second est le système assurantiel, privé, mais subventionné à 65% par l'État, déficitaire et encore peu souscrit par les agriculteurs (environ 18% toutes cultures confondues, selon le ministère). L'épisode de gel tardif du printemps 2021 a clairement montré les limites du système: l'État avait dû annoncer un financement exceptionnel d'un milliard d'euros et rendre éligibles à l'indemnisation les zones viticoles. "A quelque chose malheur est bon", a relevé Bernard Buis (RDPI à majorité En Marche) pour qui ce désastre "a contribué à la convergence de tous les acteurs".
Garantir la "confiance"
Les sénateurs ont bataillé pour transformer le texte "en une ambitieuse loi d'orientation", en introduisant des éléments chiffrés. Sera ainsi inscrit dans la loi l'engagement à hauteur de 600 millions d'euros annuels de dépenses publiques pour accompagner le déploiement de la réforme, sur la période 2023-2030, et en annexe, les objectifs à atteindre de surfaces agricoles assurées, par type de culture, à l'horizon 2030, ainsi que des objectifs indicatifs pour les niveaux d'intervention de l'État par production.
Il s'agit de garantir la "confiance", a insisté le rapporteur Laurent Duplomb (LR). "Si nous entendons déjà une petite musique qui consisterait à nous dire que ça ne serait pas spécialement respecté, je le redis de façon solennelle, ces taux nous obligent (...) parce que ces taux parlent aux agriculteurs", a-t-il ajouté. "Vous avez donné du coffre à ce qui est désormais une loi d'orientation", a salué le socialiste Denis Bouad.
Le ministère ambitionne qu'environ la moitié des cultures soient assurées d'ici à 2030. Les agriculteurs sont largement incités à s'assurer: les indemnisations versées au titre de la solidarité nationale seront minorées pour les exploitants non assurés. Un dispositif de "modulation" de l'aide à l'installation incitera les jeunes agriculteurs à souscrire une assurance multirisque climatique dès leur entrée en activité.
Deux groupes politiques ont voté contre le texte, qui selon Fabien Gay (CRCE à majorité communiste) "s'enferre dans le choix de l'assurance privée". L'écologiste Daniel Salmon a lui aussi déploré un "désengagement de l'Etat au profit du secteur assurantiel". Maryse Carrère a rappelé qu'une majorité du groupe RDSE à majorité radicale était favorable à une assurance récolte obligatoire. Néanmoins les sénateurs du groupe ont voté le texte car "attachés à la protection du travail et des investissements des exploitants et surtout de leurs revenus".
Pour la FNSEA, "le travail doit se poursuivre", sans "perdre de temps". "Dès la promulgation de la loi, la concertation avec les représentants des filières et l'ensemble des parties prenantes devra s'engager au sein de la commission chargée de l'orientation et du développement des assurances", a déclaré la première organisation agricole dans un communiqué.
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