Assurance vie : Les assureurs sereins face aux rachats
Malgré la hausse des rachats constatés sur le marché de l'assurance vie, les assureurs gardent leur calme.
Les sorties en assurance vie s’intensifient. Au premier semestre, les rachats ont crû de 24% pour atteindre 43,9Mds d’euros tous supports confondus. Selon les chiffres de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), ils ont progressé de 22% sur les supports en unités de compte et de 32% sur le fonds général. De quoi peser sur la collecte nette. Sur les six premiers mois de l’année, elle s’est inscrite à 4,1Mds d’euros. Soit, trois fois moins que le niveau enregistré un an plus tôt.
Pour Odile Ezerzer, directrice générale de Mutavie, directrice de Macif Finance Épargne, cette décollecte s’explique de plus en plus par la volonté de financer un projet immobilier. Face aux contraintes pesant sur l’octroi des prêts, les Français misent sur un apport personnel et piochent dans leurs « réserves ». Surtout, la dirigeante attribue les rachats à la baisse du pouvoir d’achat. Face au contexte inflationniste, les épargnants optent pour un bas de laine afin de faire face aux aléas de la vie. La concurrence d’autres produits tels que les livrets ou les dépôts à terme arrive en troisième position.
Un phénomène massif
« Nous avons observé un phénomène massif d’arbitrage et/ou de rachats des contrats si bien que depuis le début de l’année, les livrets et les dépôts à terme ont respectivement engendré 57Mds et 55Mds d’euros », constate Fabrice Bagne, directeur général adjoint de BNP Paribas Cardif. Et bien que ces produits ne soient pas assimilables avec l’assurance vie, ils vont de pair dans l’imaginaire collectif. L’augmentation du taux du Livret A à 3% n’a pas joué en la faveur de l’assurance vie.
Si les rachats en assurance vie augmentent, l’heure n’est pas à la panique. « Nous n’observons pas de changements drastiques de comportements de nos assurés », commente Guillaume Borie, directeur général d’Axa France. Par ailleurs, « les taux de rachats moyens sur le marché français depuis le début de l’année sont inférieurs à 10%. Or, le choc de rachats massifs prévus dans Solvabilité II est un choc de rachats instantané de 40% », ajoute Benoit Courmont, directeur de l’épargne, de la clientèle patrimoniale et de l’épargne retraite, récemment nommé responsable des activités liées au bien vieillir et à la monétisation du patrimoine des seniors. « Nous sommes donc très loin du compte. Chez AG2R La Mondiale, nous avons déjà le capital pour faire face à ces rachats massifs qui seraient 4 fois supérieur aux rachats plus importants qu’on a eu aujourd’hui. Par ailleurs, depuis l’été dernier, nous sommes revenus à des niveaux de rachats habituels ».
Vent d'optimisme
De quoi balayer tout recours à la Loi Sapin II. Adopté en 2016, ce texte vise notamment à « limiter, suspendre ou retarder » les rachats et versements sur les contrats d'assurance vie pendant trois mois, avec une période renouvelable de trois mois supplémentaires. « Il faudrait un scénario extrême pour y recourir », explique Benoit Courmont.
« Si on se place d’un point de vue théorique, le premier impact de la hausse de taux est la matérialisation de moins-values latentes sur le portefeuille d’obligations. En cas de retraits massifs, cela obligerait l’assureur à honorer les rachats ce qui fragiliserait la société d’assurance. Plus il y a de sorties, plus il y a de risques. Dans ce cas, activer la loi Sapin II ferait sens », ajoute le dirigeant. Selon les chiffres de l'ACPR, le taux de moins-values latentes est de -2% au deuxième trimestre 2023 contre +15% au quatrième trimestre 2021. Sur les obligations il passe de 11% à -8% sur la même période.
Pour autant, le superviseur français reste optimiste. « Les assureurs ont d’ores et déjà commencé à accompagner la hausse des taux en augmentant la rémunération de leur taux de rendement à travers des réserves confortables », a expliqué Nathalie Aufauvre, secrétaire générale de l'ACPR. La hausse des taux d’intérêt permet aux assureurs de faire évoluer à terme la composition de leurs portefeuilles vers des actifs plus rémunérateurs. En 2022, le taux moyen servi sur les contrats en assurance vie s’est élevé à 1,91%, contre 1,28% un an plus tôt.
Vers une hausse des taux
Les assureurs comptent par ailleurs continuer à accompagner la hausse des taux. Le cabinet Facts & Figures vise une rémunération moyenne de 2,50% au titre de 2023. Contactés par News Assurances Pro, BNP Paribas Cardif, Axa France, AG2R La Mondiale ou encore Mutavie ont confirmé la tendance haussière des taux.
Chez AG2R La Mondiale par exemple, Benoit Courmont affirme que le groupe continuera à puiser dans ses réserves. « Comme nous l’avons déjà fait et ce sera certainement encore plus fort cette année. Nous avons une PPB qui représente plus de 4,5% des encours qui a été constituée pour accompagner la hausse des taux. Ce qui nous permet d’être assez sereins ».
Encore un peu de patience. À moins de deux mois avant la fin de l'année, le compte à rebours sur les taux de rendement est lancé.À voir aussi
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