Le superviseur bancaire français a infligé à La Banque Postale une amende record de 50 millions d'euros pour des manquements dans son dispositif de lutte contre le financement du terrorisme, une sanction contre laquelle la banque a décidé lundi d'engager un recours.
Il s'agit de la plus lourde sanction pécuniaire décidée à l'encontre d'une banque par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), qui régule les secteurs de la banque et de l'assurance. L'autorité a également assortie cette amende d'un blâme.
"Ces sanctions répriment une carence grave du dispositif de détection" des opérations réalisées par ou pour des personnes ou entités visées par des mesures de gel des avoirs suite à leur implication dans des activités terroristes ou des violations du droit international, a expliqué l'ACPR dans un communiqué.
Pour l'instance, ce dispositif "n'était pas conforme aux obligations applicables dans ce domaine et (...) pas à la hauteur de ce qui est attendu d'un organisme de taille significative appartenant de surcroît au secteur public".
La Banque Postale a indiqué de son côté avoir décidé d'engager un recours devant le Conseil d'Etat contre cette sanction qu'elle estime "particulièrement sévère".
Les faits reprochés par l'ACPR concernent le fonctionnement des mandats cash nationaux (MCN), qui permettaient de transférer très rapidement jusqu'à 1.500 euros à un tiers, et le gel des avoirs, qui oblige un établissement à bloquer les actifs de toute personne ou société sanctionnée par les autorités.
Ce service de mandat cash nationaux, qui était accessible à tous les particuliers, a été supprimé par La Banque Postale dès le 1er janvier 2018.
Des manquements longtemps ignorés
Dans le détail, le superviseur bancaire reproche notamment à La Banque Postale de ne pas s'être "dotée d'un dispositif lui permettant de détecter, avant leur exécution, les opérations de MCN au bénéfice de personnes faisant l'objet d'une mesure européenne ou nationale de gel des avoirs".
La banque "a, entre le 1er décembre 2009 et le 13 mars 2017, exécuté au moins 75 opérations de MCN pour le compte de 10 clients dont les éléments d'identité (nom, prénom et date de naissance) correspondent à ceux de personnes qui faisaient l'objet, à la date des opérations, d'une mesure de gel, dans 9 cas sur 10 en raison d'activités terroristes", détaille l'autorité de contrôle dans sa décision.
En outre, bien que La Banque Postale ait dès début 2013 identifié cette carence au niveau des mandats cash, "aucune action correctrice n'avait encore été mise en oeuvre au moment du contrôle sur place effectué par l'ACPR de mars à juillet 2017", pointe l'ACPR.
"En raison du nombre des opérations exécutées et des montants totaux en cause, cette carence affectait l'efficacité du dispositif français de gel des avoirs", poursuit-elle.
L'ACPR rappelle ainsi que sur la seule année 2016 ce service de MCN a représenté un total de 5,5 millions d'opérations pour un montant d'environ 1,3 milliard d'euros.
Derniers faits aggravants pour l'ACPR, les lacunes détectées et les informations "s'y rapportant n'avaient pas été soumises au comité des risques du conseil de surveillance de cet établissement et celles transmises aux services de l'ACPR à ce sujet étaient erronées".
Pour sa défense, La Banque Postale rappelle dans un communiqué avoir pour "caractéristique d'être le seul établissement bancaire du territoire dont les services sont accessibles à tous, clients ou non".
"Les mandats suspectés par l'ACPR représentent ainsi 0,00027% du montant total des mandats nationaux sur la période étudiée, soit seulement quelques dizaines de mandats pour un montant global de quelques milliers d'euros", se défend l'établissement.
"En outre, aucun des faits reprochés n'est en soi constitutif d'une opération de blanchiment ou de financement du terrorisme. Tous les contrôles effectués ont permis de mettre en évidence l'absence de telles opérations", garantit La Banque Postale.
L'an dernier, l'ACPR avait signalé à la justice ces mêmes dysfonctionnements qui avaient conduit à l'ouverture par le parquet de Paris d'une enquête, confiée en septembre 2017 à la brigade financière.
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