Cercle Lab : Retour sur la 3ème réunion du club RH (saison 2020-21)
Le club RH du Cercle Lab s’est penché sur l’engagement des collaborateurs dans un contexte de travail à distance provoqué par la crise Covid-19.
Le 5 février, le club RH s’est réuni pour sa troisième réunion de l’année. Alors que le télétravail généralisé devait être exceptionnel et à durée déterminée, en février 2021 il n’y a pas de perspective de fin pour ce mode de travail à distance. Une certaine lassitude s’installe mais le moral des collaborateurs de l’assurance semble résister par rapport à d’autres secteurs plus impactés par la crise, selon les spécialistes des ressources humaines du club. Cependant, certains publics semblent souffrir plus que d’autres. « Nous avons pris des mesures pour prévenir les risques psycho-sociaux des jeunes salariés et pour rappeler le droit à la déconnexion et l’importance du respect des temps de décrochage », indique Bénédicte Crété-Dambricourt, DRH du groupe Groupama et marraine du Club RH cette année.
Parmi les bonnes pratiques évoquées pour maintenir le moral des collaborateurs, il y a les rituels d’équipe qui se mettent en place spontanément, sans forcément intégrer le management, comme par exemple l’apéro zoom du vendredi soir, le rituel de la galette à distance ou encore le concours de fond d’écran avec décorations de Noël. Dans le secteur de l’assurance, une entreprise a même fait livrer des galettes individuelles chez chaque collaborateur. D’autres entreprises comme Groupama ont promis d’organiser la traditionnelle galette des rois en juin prochain.
Quand le moral fait le yoyo
Pour Claire Silva, DRH d’AG2R La Mondiale, l’attachement des collaborateurs à l’entreprise c’est ce qui permet de supporter cette situation dans la durée. Autre facteur positif, le fait d’être occupé, d’avoir des projets, permet de garder le cap. « Si on avait eu recours à l’activité partielle, ce serait extrêmement différent », considère la DRH du groupe de protection sociale. « Le moral des collaborateurs fluctue d’une semaine à l’autre et c’est normal dans cette période d’adaptation permanente. Il est nécessaire de faire confiance à chacun car nous avons tous des ressources pour vivre cette situation d’incertitude et de stress, tout en étant attentifs aux situations de fragilité », commente Claire Silva.
Les salariés du secteur en général et les commerciaux en particulier souffrent également des attaques dont fait l’objet le secteur de l’assurance. Les DRH ont donc un rôle important de pédagogie pour rappeler que le secteur a versé des aides financières en faveur des entreprises les plus touchées.
Motivation et engagement
David Autissier, directeur de la chaire du changement et de la chaire d’innovation managériale et excellence opérationnelle à l’ ESSEC, a rappelé la différence entre les notions de motivation et d’engagement. « La motivation relève de l’intention alors que l’engagement implique une action », explique-t-il.
David Autissier identifie 3 besoins de la part des collaborateurs. Le premier, le besoin de sécurité, s’explique d’un point de vue contractuel, physique et psychosociologique. C’est ce besoin de sécurité qui a incité les entreprises à donner des gages aux collaborateurs sur le retour sur site après le premier confinement, en matière de matériel de protection et distanciation sociale.
Le deuxième c’est le besoin d’avenir, la possibilité de se projeter dans le futur, de travailler dans des projets. Enfin, le besoin de reconnaissance est également primordial dans le management des équipes.
Veiller à l'équité
David Autissier alerte également sur le sentiment d’équité et d’iniquité au sein des entreprises par rapport à l’impact de la crise entre ceux qui peuvent télétravailler et les autres, ceux qui doivent continuer à prendre les transports et ceux qui peuvent rester à la maison.
La notion d’engagement se manifeste grâce à trois leviers. David Autissier cite des chercheurs qui ont démontré l’importance de la qualité relationnelle au sein des équipes ainsi que de la fierté en fonction du métier, et du sentiment d’appartenance à l’entreprise comme des vecteurs importants pour mobilier l’engagement.
David Autissier distingue également les boucles de l’engagement structurelles (avoir un nouveau projet structurant tous les 3/5 ans) et conjoncturelles (le management de proximité) qui poussent les collaborateurs à apporter leur supplément d’âme au travail. Parmi les boucles conjoncturelles, il a cité les travaux de la canadienne Céline Bareil, qui mettent l’accent sur l’importance pour le manager d’être à l’écoute des préoccupations personnelles des collaborateurs.
Organisation hybride
« Cette période de travail à distance est contrainte pour les entreprises, mais elle brise des plafonds de verre et permet d’expérimenter de nouvelles organisations. C’est dans ces conditions difficiles que le bon management peut se révéler car la période est propice à la prise des décisions », selon David Autissier qui constate que le travail à distance fonctionne bien dans le run mais pas dans le build. D’où l’importance d’aller vers une organisation hybride qui intègre des temps en présentiels favorables au travail collectif.
Claire Silva, DRH d’AG2R La Mondiale, a expliqué comment son entreprise a répondu au « besoin de sécurité » des collaborateurs pendant le premier confinement. « Mi-mars, nous avons mis en œuvre le travail à distance généralisé afin de préserver la santé de nos collaborateurs. Nous nous sommes engagés à maintenir leur rémunération à 100%, à ne pas avoir recours au chômage partiel et à préserver l’emploi dans la durée », rappelle-t-elle.
Inquiétudes à propos du retour sur site
Claire Silva soulève de nombreuses interrogations à propos du retour sur site. « Certains de nos collaborateurs n’auront peut-être pas envie de revenir au bureau, et ce sera d’ailleurs un des nombreux sujets que nous aurons à traiter au sortir de la crise. A propos des différences entre motivation et engagement, je pense que certains collaborateurs seront peu motivés pour revenir, car trop habitués à une forme de confort développé pendant cette période à la maison, mais en revanche, une fois sur site, ils croiseront leurs collègues et retrouveront le plaisir des moments informels, qui contribuent à nourrir leur engagement », considère-t-elle.
« Quand nous sortirons de cette situation, nous aurons très certainement des demandes des syndicats et des collaborateurs, pour intensifier le télétravail dans la semaine. Je m’interroge aussi sur des situations individuelles de décrochage. En effet, dans plusieurs de nos métiers, les collaborateurs maintiennent leur niveau de productivité, mais pour d’autres métiers c’est bien plus difficile de le mesurer. Quand il s’agira de se remettre en mouvement, il y aura à nouveau la fatigue des transports et un rythme différent à adopter. Il nous faudra faire preuve de tolérance et être à l’écoute des différents signaux pendant cette période de réadaptation », souligne Claire Silva.
Réparer les traumatismes
Les professionnels des ressources humaines seront attendus sur la prise en compte des traumatismes liés au confinement, plus particulièrement la situation des collaborateurs en situation de fragilité et souffrant davantage de l’isolement contraint. « Certains de nos collaborateurs auront probablement perdu cette ouverture que nous développons dans la relation aux autres et il y aura forcément une période de réadaptation. Nous aurons également à travailler la mise en dynamique de nos collectifs de travail . Nous devrons recréer le sens du collectif », anticipe la DRH d’AG2R La Mondiale.
A propos du sentiment d’équité, « les entreprises s’orientent vers une indemnisation des frais professionnels des collaborateurs qui font du télétravail, il sera important de bien considérer la question des inégalités supplémentaires entre les salariés en télétravail et les autres », souligne la DRH d’AG2R La Mondiale et vice-présidente de la commission des affaires sociales de la FFA.
Télétravail et mobilité interne
Enfin, selon Claire Silva, la généralisation du télétravail à deux voire trois jours par semaine doit aussi être interrogée du point de vue de la gestion des compétences et de l’employabilité des collaborateurs. Comment gérer la mobilité interne pour accompagner la transformation et la disparition de certains métiers, dans un contexte où les collaborateurs deviendront plus attachés encore au nombre de jours de télétravail qu’ils peuvent pratiquer dans un métier plutôt que dans un autre ?
Bénédicte Crété-Dambricourt pense qu’« il est important de ne pas prendre des décisions qui puissent venir percuter des politiques RH qui favorisent l’employabilité, parce qu’en voulant bien faire sur le télétravail, on risque de mettre des collaborateurs en difficulté et de rigidifier l’organisation de l’entreprise pour la suite. Dans cette période de changement de paradigme, on essaie de nouvelles organisations, on évolue, on s’adapte, dans une logique d’agilité et d’apprentissage. »
Les syndicats en manque de proximité
Joël Mottier, représentant CFE-CGC au niveau de la branche de l’assurance, souligne les impacts de la crise et du télétravail généralisé sur les organisations syndicales, dans un contexte de réduction des moyens et du nombre de délégués. « Il manque la proximité, l’écoute des salariés. Il est difficile de prendre la température, d’identifier les signaux faibles et de repérer les salariés en souffrance », regrette-t-il.
Les participants du club RH ont également parlé des outils à disposition pour mesurer l’engagement des collaborateurs : des enquêtes quantitatives qu’il convient de prendre avec précaution, car seulement les plus heureux et les plus malheureux vont être amenés à s’exprimer. David Autissier a également évoqué l’intelligence artificielle et les neurosciences qui permettent de croiser plusieurs indicateurs quantificatifs et qualitatifs afin de déterminer si le salarié est engagé dans son travail ou pas.
La prochaine réunion du club RH aura lieu le 6 avril et abordera les évolutions de la fonction RH.
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