Donat Nobilé, auteur récemment de "Gérer le zapping de ses clients/Réflexions innovantes en assurance pour 2014 et au-delà…", revient sur l’avenir de la complémentaire santé.
A quand un urgentiste au chevet de la complémentaire santé… pour éviter de l’achever.
Depuis plus de 20 ans, la complémentaire santé tient haut le crachoir dans l’actualité assurantielle, au gré de l’emploi du temps des ministres intermittents de la santé, qui se sont succédé au chevet du malade. Brandissant l’étendard de la réforme, avaient-ils conscience que l’assurance maladie des vieillissants n’a que faire de liftings épidermiques ? Entre les inconditionnels de la suppression de la complémentaire santé, partisans du remboursement au premier franc et ceux qui revendiquent le remboursement au dernier euro, "surcomplémentarisé", tout a été dit ou presque.
Sans oublier en toile de fond, une dose d’ANI, au passage, pour modifier la répartition de la manne entre les familles d’assureurs qui s’entredéchirent. Pardon, qui se concurrencent dans l’hexagone où la solidarité a remplacé la mutualité… le militant, l’adhérent et le partenariat stratégique, la mort programmée des mutuelles santé indépendantes. Il n’y a pas que les assureurs qui opèrent en exécution d’un contrat ! Et oui, ceux qui ont des affinités intellectuelles ou lucratives ne pourront plus avoir leur petite mutu… de quartier !
De plus, après s’être attaqué aux coulisses du théâtre, on vilipende, tour à tour, ses acteurs. Toutes les professions médicales et paramédicales ont droit à leurs quatre vérités médiatiques, chaque fois que les assureurs se sont crus légitimes d’interférer dans les comptes d’apothicaires des praticiens et des prestataires. Il est sans doute plus aisé de mettre en exergue les marges de ceux qui sont en amont, pour éviter de faire état des siennes, sans doute… C’est de bonne guerre. Après les hôpitaux qui gaspillent, les chirurgiens-dentistes qui prothèsent et les médecins qui dépassent, voici les opticiens qui margent... Au pays des borgnes, les aveugles sont toujours des proies… Et puis, il y a tellement d’états sur la planète, que les comparateurs trouveront toujours un paradis où l’herbe est plus verte ou la température plus clémente !
Mondialisation et internetisation obligent, la complémentaire santé fâche et fauche. Quand la machine bloque, on tente de faire bouger les lignes (de la main sans doute pour y voir plus clair). Premier obus d’artillerie lourde : plafonner autoritairement le montant des remboursements des contrats santé en espérant baisser le tarif des intervenants ! Par exemple, sous le prétexte que deux millions de patients reportent leurs frais de soins optiques, le gouvernement entend réduire par la loi la marge des opticiens ou mieux inciter les clients à limiter leurs achats d’optique de confort. Mais il y a aussi des millions de patients qui reportent leurs soins dentaires ou auditifs, voire, tous ceux qui rechignent à consulter par paresse, par manque de temps, par procrastination ou par superstition, partant du principe que plus on scanérise, plus le fouille-bobos trouvera d’occasions à planifier une chimiothérapie… Second missile dans le catalogue des intrusions entrepreneuriales : persuader les victimes des hausses d’impôt, que le tireur a lui-même générées, qu’en changeant de crèmerie, on va compenser durablement le pouvoir d’achat assuranciel des ménages. Mais à quoi bon baisser le prix des produits et des services que le consommateur ne souhaite pas acquérir !!!
Enfin, sous prétexte que les consommateurs ne peuvent pas faire jouer la concurrence face à une offre peu lisible et peu comparable, alors que le marché compte plusieurs centaines d’assureurs, on entend vouloir uniformiser l’offre à sa plus simple expression : un contrat pour tous avec un panier de soins a minima. Une bonne raison, sans doute, pour mettre au pilori les opticiens qui se targuent d’améliorer notre vue… Mais rien ne garantit que le reste à charge des assurés baissera…
A moins que le législateur, inquiet du financement de notre santé, n’ait préparé l’arme ultime : une bombe atomique qui consisterait à promouvoir l’auto-assurance… Pour terminer, je ne peux m’empêcher de suggérer aux opticiens d’imiter leurs confrères boulangers. A l’instar de la baguette en attente, les opticiens solidaires proposeraient une monture neuve en attente, pour les assurés en difficultés financières ou pour ceux qui se seraient auto-assurés. Cela ne devrait pas être un problème pour la profession quand pratiquement toutes les enseignes offrent une deuxième monture… gratuite ou pour l’euro symbolique. Voire, une troisième pour les plus pré-voyants…
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