Complémentaire santé : La résiliation à tout moment est adoptée par le Sénat

jeudi 2 mai 2019
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Le Sénat a adopté le 2 mai en première lecture la proposition de loi sur la résiliation à tout moment des contrats de complémentaire santé après une année de détention.

La résiliation à tout moment des contrats complémentaire santé après une année de détention devrait entrer en vigueur au plus tard le 1er décembre 2020. La proposition de loi a été adoptée par le Sénat avec 225 voix pour et 102 voix contre. La commission mixte paritaire doit maintenant examiner le texte, qui a été modifié par le Sénat.

Les sénateurs ont rétabli en séance publique les articles de la proposition de loi qui avaient été supprimés par la commission des affaires sociales du Sénat. Ceci a été possible grâce au changement d’avis de certains sénateurs du groupe Les Républicains qui, le 10 avril dernier, se prononçaient pour la suppression des principaux articles du texte et, le 30 avril, proposaient des amendements visant à rétablir le texte. Cette « cabriole sénatoriale », pour reprendre l’expression du sénateur Stéphane Artano, témoigne de la forte division que la résiliation à tout moment a suscité sur les bancs du Sénat.

Les sénateurs s’attaquent aux réseaux de soins

Le 10 avril, la commission des affaires sociales avait vidé le texte de sa substance et introduit l’article 3 bis AA proposé par le sénateur Daniel Chasseing visant à supprimer le remboursement différencié des réseaux de soins. Cet article a été maintenu par les sénateurs en séance publique le 2 mai.  C’est la principale modification du texte introduite par le Sénat. Les organismes complémentaires sont attachés à la possibilité d’offrir un meilleur remboursement aux assurés qui passent pas le réseau de soins. Reste à voir si l’assemblee nationale maintient cet article. Le Sénat avait déjà tenté en vain de bannir le remboursement différencié des réseaux de soins lors de l’examen du PLFSS 2019.

Les contrats santé-prévoyance concernés

Le Sénat n'a pas soutenu un amendement visant à étendre la résiliation à tout moment aux contrats prévoyance également. En revanche, la ministre Agnès Buzyn, lors de l'explication de son vote, a indiqué que les contrats qui proposent à la fois une couverture santé et prévoyance seront concernés par la résiliation à tout moment. Cela sera précisé par décret, selon la ministre. En revanche, elle a indiqué que les contrats qui intègrent uniquement des garanties de prévoyance ne seront pas concernés.

Des nouvelles obligations de transparence

Les sénateurs ont également voté l’amendement 23 du gouvernement visant à préciser les obligations d’information des organismes complémentaires. Les Ocam devront communiquer aux assurés avant la souscription du contrat et puis, tous les ans, deux indicateurs : d’un côté, le rapport prestations/cotisations et de l’autre le rapport frais de gestion/cotisations.

Agnès Buzyn a soutenu la résiliation à tout moment : « Cette mesure ne va pas augmenter le coût des primes, mais inciter les complémentaires à réduire les coûts de gestion », a-t-elle déclaré, en citant les effets de l’ouverture du marché de l’assurance emprunteur sur la baisse des tarifs. « Cette mesure ne va pas déstabiliser le marché ni modifier drastiquement la situation actuelle », a signalé cette dernière, en citant les effets limités de la loi Hamon de 2014 sur l’assurance automobile et habitation.

Michel Amiel, rapporteur de la commission des affaires sociales, a indiqué que cette mesure « n’est pas une nouveauté mais une souplesse donnée aux assurés » car aujourd’hui entre 15 à 20% des assurés changent déjà d’assurance santé tous les ans. Le rapporteur a relayé certaines « craintes de nomadisme » ou des « comportements opportunistes, au détriment des assurés les plus âgés ». « Faut-il voir un risque majeur de déstabilisation du secteur ? Permettez-moi d’en douter », a-t-il ajouté. Le rapporteur a parlé d’une « insuffisante efficience de ces opérateurs » en appelant à « une baisse des frais de gestion et à plus de transparence ».

Opposé à la mesure, Yves Daudiny, du groupe socialiste, a critiqué le manque d’étude d’impact. « Aujourd’hui, personne n’est prisonnier de sa complémentaire santé », a-t-il déclaré. « L’adoption de la résiliation va augmenter les frais d’acquisition, au détriment des assurés. Elle déstabilisera le principe de démutualisation. Les perdants seront les plus fragiles, couverts à 60% des mutuelles », a-t-il martelé. « Ce projet encourage l’individualisation des droits. Pourquoi pas moduler par exemple la taxe TSA en fonction de l’âge des assurés, voilà une mesure qui viserait à réduire la cotisation des assurés les plus âgés », a-t-il suggéré.

Stéphane Artano (RDSE) a dit que son groupe était divisé sur cette question. « Nous avons été interpellés à plusieurs reprises sur les risques. Ce texte n’offre qu’une souplesse à une mesure qui existe déjà. Ce n’est pas une révolution, mais une évolution », a déclaré.

Olivier Henno, Union Centriste, a dit : « Je voterai ce texte pour une question de cohérence juridique en matière de résiliation et pour sa portée symbolique ». Daniel Chasseing, Les Indépendants, s’est également dit favorable à la résiliation à tout moment. « Il apparaît légitime aux mutuelles de demander de faire un effort en faveur du pouvoir d’achat des Français »

Alain Milon (Les Républicains), a déclaré que « les mieux portants sont mieux couverts à moindre coût ». Il a reconnu qu’une évaluation de l’impact « est difficile ». La mesure va conduire à une « baisse des coûts pour les uns, et à une augmentation du nomadisme et de la démutualisation pour les autres. Le marché ne devrait pas s’en trouver bouleversé, les cotisations ne devraient pas baisser drastiquement », a-t-il prédit.

Laurence Cohen (CRCE) a fortement critiqué le texte qui, selon elle, va « favoriser les mastodontes de la bancassurance et une segmentation du risque au détriment des plus fragiles ».

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