Complémentaire santé : Ces outsiders qui proposent des contrats non responsables
Les plafonnements dans la prise en charge des dépassements d’honoraires des contrats responsables incitent certains assureurs et mutuelles à proposer des contrats individuels non-responsables, même si la taxe de 20,27% reste un frein.
Environ 90% des complémentaires santé sont des contrats dits « responsables », c’est à dire, qu’ils respectent un certain plafond de remboursement et bénéficient ainsi d’une fiscalité avantageuse (13,27% au lieu de 20,27%). Si le médecin, généraliste ou spécialiste, n’a pas adhéré au contrat d’accès aux soins (CAS), la complémentaire santé peut rembourser au maximum 100% du tarif de la Sécurité sociale en 2017. Or, Selon une étude de Mercer, seuls 27% des médecins pratiquant des dépassements ont adhéré au CAS. Les contrats responsables s’avèrent donc insuffisants pour prendre en charge certains dépassements d’honoraires.
« Il y a un côté irresponsable dans les contrats responsables. Ce qui est irresponsable c’est d’avoir laissé les assurés seuls face aux dépassements d’honoraires. Ils sont maintenant obligés de se couvrir de façon individuelle », assène Arnaud Berjon, Directeur Général Adjoint chez Ciprés Assurances, qui revient sur l’origine de la réforme : « Quand Marisol Touraine lance la reforme du contrat responsable, cela paraît intéressant pour limiter les dépenses optiques et les dépassements d’honoraires. Mais aujourd’hui le fait est que très peu de médecins spécialistes ont souscrit le contrat d’accès aux soins. Quand une consultation coûte 80 euros, et que l’on est seulement remboursé de 46 euros, l’assuré a un reste à charge très lourd ».
Pour obtenir une prise en charge des dépassements d’honoraires, le salarié est obligé de souscrire une surcomplémentaire santé. Plus d’un Français sur 4 envisage de recourir à une couverture supplémentaire, selon l’étude santé 2016 de Deloitte. « En passant au contrat responsable, le salarié a perdu une part de sa couverture mais aussi du pouvoir d’achat. Avant il était assuré collectivement et son employeur cofinançait les dépassements d’honoraires. Aujourd’hui, il est obligé de se couvrir de façon individuelle pour faire face à ces dépassements. En plus, le salarié paie aujourd’hui plus de taxes », ajoute A. Berjon.
Alors, pourquoi les assureurs ne proposent-ils des contrats collectifs non responsables ? « Aujourd’hui la cotisation que l’employeur paie pour le salarié est exonéré de charges sociales si le contrat est responsable. Ce qui explique pourquoi la quasi-totalité des contrats collectifs sont responsables », explique A. Berjon. A cela, s’ajoute la fameuse taxe de 20,27%, qui représente encore un frein pour la majorité des acteurs du marché.
Le marché des TNS
Si les charges sont rédhibitoires pour les contrats collectifs, en revanche le marché des TNS offre plus de marge de manœuvre. Depuis 2015, Ciprés Assurances commercialise un contrat santé pour les TNS à deux étages, avec une partie responsable et une partie non responsable. L’étage non responsable pèse environ 10% des garanties, ce qui permet de proposer une couverture des dépassements d’honoraires au delà du contrat responsable. La taxe de 20,27% s’applique donc seulement au 10% de la cotisation. Du côté du TNS, il y a eu une augmentation dans la cotisation globale limitée à 2%, mais le choix de vendre ce deuxième étage par inclusion s’est avéré une stratégie gagnante pour le courtier grossiste. Aujourd'hui, Ciprés Assurances compte un portefeuille de 20 346 TNS, dont 87% ont adhéré à l'offre mixte avec la couverture non responsable.
Des contrats haut de gamme non responsables
D’autres mutuelles ont franchi le pas du côté non responsable. Identités Mutuelle (groupe Umanens) propose à ses adhérents (300 000 personnes protégées) une couverture non responsable en contrat individuel. "Nous avons lancé cette offre pour répondre aux demandes de nos adhérents qui souhaitent conserver leur médecin même si ce dernier n'est pas signataire du contrat d'accès aux soins", explique Véronique Micard, responsable de la communication d'Identités Mutuelle. La nouvelle couverture santé haut de gamme appelée « intégrale » propose des remboursements identiques que le médecin ait signé le contrat d’accès aux soins ou pas, les mêmes forfaits optiques quelle que soit la correction ainsi que des remboursements dentaires allant jusqu’à 350%.
Réintroduire les franchises ?
En plus des critiques concernant le niveau de remboursement, le contrat responsable serait un frein à l’innovation. Gilles Oster, manager du cabinet Crysal, détaille : « Innover sur les garanties devient très compliqué. La seule possibilité que l’on a c’est d’innover sur les services ». G. Oster propose de sortir du contrat responsable pour réintroduire les franchises en santé, ce qui permettrait de baisser le prix de la cotisation : « Je pense qu’il serait intéressant de responsabiliser les français en appliquant un reste à charge systématique et intelligent, en fonction du niveau des revenus". Gilles Oster parle d’introduire des stop-less : « Par exemple, l’assuré paierait les premiers 200 euros en pharmacie et ensuite ce serait à l’assureur de prendre en charge l’intégralité des frais », imagine-t-il.
Si encore très peu d'acteurs se positionnent du côté non responsable de la force, d'autres ont commencé à étudier le sujet et préparent des offres qui devraient voir le jour dans les mois à venir. Cependant, la taxe du 20,27% reste un vrai frein et comme affirme un acteur de la santé : "Cela mérite une vraie réflexion de fond avant de se lancer".
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