Complémentaires : Le projet d’avis du HCAAM foisonne de pistes de réforme
Le projet d’avis du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie propose une multitude de pistes pour réformer l’articulation entre l’assurance maladie obligatoire et complémentaire.
Le projet d’avis du HCAAM circule depuis hier. Le document encore confidentiel que nous avons pu consulter pointe les défis à surmonter par le système d’assurance maladie français. Le premier concerne la régulation. L’assurance maladie peut se désengager de la prise en charge de certaines dépenses sans que cela soit visible sur le reste à charge des ménages, même si cela renchérit les cotisations de la complémentaire santé. L’augmentation des primes d’assurance n’augmente pas le taux de prélèvements obligatoires. Le rôle des complémentaires dans l’accès aux soins s’est accru ces dernières années, le contenu des contrats a été davantage encadré et cela a engendré une complexité règlementaire.
Le deuxième défi est celui de « la soutenabilité des dépenses de santé à la charge des ménages, et notamment des plus âgées et des plus modestes », selon le rapport. Le taux d’effort des ménages de retraités les plus pauvres passerait de 11% aujourd’hui à 13% en 2030 et 16% en 2040.
Le troisième défi est celui de l’équité. Le HCAAM alerte sur l’existence de populations non couvertes en situation sociale fragile, à cause du non recours aux dispositifs comme la complémentaire santé solidaire. Autre inégalité, celle liée au statut professionnel entre les actifs couverts par un contrat collectif d’un côté, et de l'autre les retraités, chômeurs ou jeunes couverts par un contrat individuel à leur charge.
Le défi de la couverture de la prévoyance est également mise en avant par le Haut Conseil. Il soulève des inégalités en fonction du secteur d’activité, de la taille de l’entreprise et même entre les cadres et les non cadres. La prévoyance a été « laissée pour compte » de la régulation par les pouvoirs publics.
Le HCAAM écrit que le modèle d’articulation entre l’assurance maladie obligatoire et complémentaire est « perfectible ». Il pointe les charges de gestion de 6,9Mds pour l’AMO et de 7,6Mds d’euros pour l’AMC qui font de la France le deuxième pays après les Etats-Unis où les frais de gestion du système de santé sont les plus élevés.
Première scénario : Statu quo et des modifications à la marge
Le premier scénario de réforme prévoit de maintenir l’architecture actuelle du système et d’apporter quelques corrections ponctuelles. Par exemple, un mécanisme de type bouclier sanitaire permettrait de plafonner le montant annuel du reste à charge des ménages. Cela conduirait l’Assurance maladie à couvrir les restes à charge les plus lourds, au-delà d’un certain montant par an.
Toujours dans le cadre de ce premier scénario, le HCAAM suggère de simplifier et harmoniser les règles de participation financière des patients sur les soins de ville et à l’hôpital. L’idée est de réduire la diversité des taux de remboursement, ou de forfaitiser la participation financière des patients à la dépense hospitalière. Troisième piste de réforme, la modification du seuil d’éligibilité à la complémentaire santé solidaire pour élargir son champ d’application. Il s’agit ici de relever le seuil d’éligibilité à la C2S au-delà d’un certain âge.
Afin d’améliorer l’accès à la complémentaire santé d’entreprise des salariés précaires, le HCAAM propose de supprimer les critères d’exclusion des salariés à temps partiels et CDD de plus d’un mois. Le HCAAM propose également que les CDD qui font valoir une dispense d’adhésion au contrat d’entreprise en raison d’un contrat individuel puissent bénéficier du versement de la part employeur pendant la durée du contrat de travail. Autre mesure envisagée, limiter et encadrer la possibilité d’exclusion groupée de la couverture collective par les entreprises. Pour favoriser la couverture des salariés les plus précaires, le HCAAM propose de mettre systématiquement à la charge de l’employeur la part salariale lorsqu’elle représente au moins 10% de la rémunération brute du salarié. Et pour les cas de non-couverture collective, l’employeur serait obligé de cofinancer la couverture individuelle de son salarié, sous forme d’un « versement santé ».
Par ailleurs, le HCAAM propose d’encourager la souscription d’une couverture complémentaire santé pour les micro-entrepreneurs et les exploitants agricoles. Comment ? Via un mécanisme de déduction du bénéfice imposable des sommes dédiées payer la complémentaire santé responsable.
Le deuxième scénario : La Grande Sécu
Étendre le champ d’intervention de la sécurité sociale consisterait, selon le HCAAM, à généraliser le dispositif des affections de longue durée à l’ensemble des patients et prises en charge. L’idée est d’introduire de la progressivité, en fonction des revenus de chacun, dans le financement du système de santé et de rendre la couverture plus accessible en fonction des besoins de chacun, sans avoir besoin de recourir à une complémentaire santé. Cela permettrait de simplifier les règles de remboursement, de diminuer la charge administrative des assurés et des offreurs de soins et de confier à l’Assurance maladie un champ plus large des dépenses. Cela permettrait également de rendre aux ménages, « sous forme d’augmentation de leur pouvoir d’achat, une fraction importante des charges de gestion des complémentaires (qui représentent 7,6 Mds € en 2019) », selon le document.
Le Haut Conseil considère que dans le cas d’un scénario de Grande Sécu, « la régulation devrait être renforcée dans l’objectif de maîtrise des dépenses de santé et d’accès financier aux soins ». Cela devrait permettre de « faciliter les réformes des modes de rémunération des professionnels et des établissements vers des formes mixtes ainsi que la généralisation du tiers payant ».
Concrètement, le HCAAM envisage la suppression de tous les tickets modérateurs qui seraient pris en en charge par la sécurité sociale. Cela faciliterait la mise en place des paiements forfaitaires ou à la performance.
A l’hôpital, la Sécu prendrait en charge le forfait de 24 euros, le forfait journalier hospitalier et le futur forfait de passage aux urgences de 18 euros. En revanche, la chambre particulière serait toujours prise en charge par les complémentaires santé. Pour les autres participations financières à l’hôpital, le HCAAM évoque la création d’une « franchise annuelle forfaitaire », ce qui permettrait aux assurés d’éviter des restes à charge élevés.
Concernant l’optique, le dentaire et les audioprothèses, la Sécurité sociale ne prendrait en charge que les actes du panier 100% santé, de façon intégrale, ainsi que le panier maîtrisé pour le dentaire.
A propos des dispositifs médicaux, la Sécurité sociale définirait une liste des produits et prestations pour lesquels les prix limites de vente est égal au tarif de responsabilité et les prendrait en charge à 100%.
L’assurance maladie aurait un rôle renforcé dans la régulation des prix des tarifs conventionnels, des tarifs de la LPP mais aussi des tarifs libres afin de garantir l’accès financier aux soins et la maîtrise des dépenses.
Le HCAAM s’attaque également à l’épineuse question des dépassements d’honoraires. « Il faudrait aligner les remboursements de la Sécurité sociale sur le tarif de responsabilité et remettre à plat les rémunérations des professionnels libéraux », écrit le haut conseil. Les dépassements d’honoraires pourraient toujours être remboursés par les complémentaires santé lors d’une phase transitoire, mais les pénalités fiscales associées à des niveaux élevés de remboursement des dépassements par les complémentaires seraient maintenues.
Le HCAAM considère que le modèle économique des actions de prévention est plus facile à trouver pour l’AMO que pour l’AMC étant donné que l’AMO couvre l’essentiel des dépenses tout au long de la vie. Le Haut Conseil propose d’intégrer des dépenses de prévention en ambulatoire dans le manier de soins et de créer de nouvelles prestations dans la nomenclature en particulier sur l’éducation thérapeutique, psychologues et nutritionnistes.
Quid des organismes complémentaires ? Leur champ d’intervention serait réduit aux exigences particulières des patients. La réglementation des ocam pourrait être largement allégée. Le HCAAM parle même de supprimer « l’obligation de souscription des employeurs, mécanismes spécifiques pour la fonction publique et les travailleurs indépendants, exonérations socio-fiscales des con- trats collectifs. En revanche, les contrats aux garanties inflationnistes ou recourant au question- naire médical resteraient pénalisés financièrement via un taux majoré de TSA ».
Le HCAAM aborde l’impact de ce scénario sur les salariés des organismes complémentaires. Il évoque comme solution de reclassement des salariés en interne, la reprise des salariés par les organismes de sécurité sociale ou la renconversion professionnelle.
Comment financer la grande Sécu ? Pour financer l’augmentation des dépenses prises en charge par l’AMO, il conviendrait d’augmenter les prélèvements obligatoires, en s’appuyant sur plusieurs sources. les cotisations patronales pourraient augmenter d’autant plus que la participation des employeurs au financement des primes d’AMC disparaîtrait. La CSG pourrait également être mise à contribution et enfin, le HCAAM suggère de mobilier la TVA et les ITAF.
Assurance complémentaire universelle
Le HCAAM se penche également sur le scénario de création d’une assurance complémentaire obligatoire, universelle et mutualisée. Cela consiste à aller au bout de la logique de la généralisation de la complémentaire santé. Toute personne résidente en France devrait avoir une complémentaire. Cela conduirait inévitablement à la normalisation des contrats y compris sur les tarifs. Le HCAAM envisage plusieurs types d’encadrement, avec la possibilité de proposer des tarifs réduits pour les jeunes et les retraités. Les complémentaires deviendraient des délégataires de gestion de l’Etat, comme c’est le cas au Pays-Bas, en Suisse ou en Slovaquie. Le Seul terrain de liberté pour les complémentaires serait celui des services et des sur-complémentaires. « Un mécanisme de péréquation des risques, conduisant à verser aux organismes sup- portant un sur-risque une compensation, est indispensable. En s'inspirant des systèmes néerlandais et suisse, le calcul de la péréquation se ferait sur la base de critères tels que l’âge, le genre, le nombre d’enfants et le recours passé aux soins », écrit le HCAAM.
Dernier scénario : l’assurance supplémentaire
Dans ce scénario, les assureurs ne viennent plus compléter un remboursement de l’assurance maladie mais interviennent seuls sur certains domaines comme l’optique, le dentaire ou l’audioprothèse, certains médicaments et les dépassements d’honoraires. Ils deviennent des assureurs supplémentaires et ce serait la fin du co-paiement puisqu’il y aurait un panier de soins public et un panier privé. Dans ce scénario, les acteurs privés auraient plus de liberté pour contractualiser directement avec les professionnels de santé. Les assurés seraient libres de s’assurer ou non et le cadre règlementaire de l’assurance complémentaire pourrait être simplifié, avec un allègement de la notion de contrat responsable. Toutefois, le HCAAM souhaite conserver une TSA réduite pour les contrats responsables, maintenir la loi Evin, décourager les questionnaires médicaux. Ce scénario s’inspire du modèle canadien, australien ou chilien. Les auteurs du HCAAM alertent sur le fait que ce scénario pourrait provoquer une diminution de la mutualisation sur les soins qui seraient remboursés au premier euro par les organismes privés. Il pointe également le risque de l’augmentation des inégalités d’accès aux soins.
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