Qu’elle soit liée à la radiation de l’Orias, la faillite ou encore au décès, la disparition du courtier a plusieurs conséquences sur les contrats d’assurance qui étaient gérés par lui.
Les assureurs tenant des risques ou encore les courtiers grossistes distributeurs doivent être particulièrement vigilants en pareil cas, au risque, en l’absence de réaction, de se voir sanctionnés ou de supporter la responsabilité du courtier direct.
Plusieurs évènements sont susceptibles d’impacter la vie d’un portefeuille d’assurance, en dehors de la cession à laquelle on pense de prime abord.
Nous envisagerons les différentes hypothèses de disparition du courtier et les conséquences pour les différents acteurs du marché.
La radiation d’un courtier par l’Orias tout d’abord peut advenir dans plusieurs hypothèses.
En dehors d’une démarche volontaire de la part du courtier en cas de cessation d’activité, la radiation peut également intervenir à l’initiative de l’Orias, lorsque l’intermédiaire ne remplit plus les conditions d’exercice. Ainsi, par exemple, le défaut d’assurance de responsabilité civile professionnelle en raison du non-paiement des primes ou encore le prononcé par une juridiction pénale d’une condamnation incompatible avec l’exercice de cette activité conduira l’Orias à radier l’intermédiaire.
La radiation peut également être ordonnée par la commission des sanctions de l’ACPR dans le cadre de son pouvoir disciplinaire.
Une telle radiation signifie que l’intermédiaire radié n’est plus habilité à exercer l’intermédiation en assurances. Cela signifie également qu’il n’est plus habilité à gérer les contrats d’assurance dont il était créateur ou gestionnaire.
Cette situation a des conséquences à plusieurs titres.
Cela impacte avant toute chose les souscripteurs des contrats d’assurance qui ne pourront plus recevoir les conseils de ce courtier ou lui demander d’accomplir un acte de gestion de leur contrat.
Cette situation doit conduire les assureurs ou les courtiers grossistes à prendre plusieurs dispositions.
Avant toute chose, l’assureur ou le courtier grossiste ne pourra plus exécuter aucun acte à la demande de ce courtier.
Lorsque la radiation sera due à des agissements frauduleux, les partenaires du courtier concerné, informés de la radiation devront, par précaution, résilier les accords de partenariat ou de co-courtage qu’ils avaient conclus avec cet intermédiaire et informer le public que cet intermédiaire n’est plus habilité à distribuer leur contrat.
L’information pourra par exemple prendre la forme d’un communiqué publié sur le site internet de l’assureur ou du grossiste.
Il s’agit là d’éviter, au grossiste notamment, de voir par la suite sa responsabilité recherchée en tant que civilement responsable sur le fondement de l’article L 511–1 III du Code des assurances.
A des fins de mise en garde, l’assureur ou le grossiste pourra également inviter les clients à leur faire connaître le nom du nouvel intermédiaire à qui ils souhaiteraient que la gestion de leur contrat soit transmise.
Il n’en demeure pas moins que selon les accords pris, dans la plupart des cas, le courtier radié restera propriétaire de sa clientèle et donc des contrats de son portefeuille et pourra alors vouloir le céder à un autre intermédiaire en raison de son incapacité à pouvoir les gérer. Cela ne lui est pas interdit.
C’est pourquoi il est opportun de prévoir dans les accords de partenariat le sort des contrats en pareille hypothèse et la possibilité pour le courtier de céder son portefeuille à un tiers régulièrement immatriculé.
Si le courtier radié ne fait rien pour céder sa clientèle ou si aucun autre courtier ne notifie à l’assureur un ordre de remplacement, le contrat va se retrouver dans une situation de déshérence qui conduira l’assureur ou le grossiste à l’affecter temporairement à son propre nom ou code. Cette situation de déshérence (à ne pas confondre avec les contrats d’assurance vie en déshérence non réclamés) a parfois tendance à se pérenniser et ces contrats ne sont bien souvent pas réaffectés à un autre courtier.
Cela a deux conséquences principales : la première concerne le versement des commissions, la seconde la responsabilité et le devoir de conseil vis-à-vis du souscripteur.
Cela implique tout d’abord que le courtier créateur des polices qui a été radié n’est plus habilité à recevoir le paiement de ses commissions.
L’article R. 511–3 II du code des assurances indique que la rémunération allouée au titre de l’activité d’intermédiation ne peut être rétrocédée qu’à l’un des intermédiaires mentionnés au I de l’article R.511–2.
Dès lors que le distributeur exerce « une activité d’intermédiation en assurances » contre rémunération, il devient un intermédiaire en assurances au sens de l’article L. 511–1 du code des assurances et tombe sous le coup de l’article L. 511–2 qui impose aux intermédiaires d’être « immatriculés sur un registre unique des intermédiaires ».
Des commissions ne peuvent donc être versées qu’à un intermédiaire régulièrement immatriculé à l’Orias.
Cela signifie que l’assureur ou le grossiste doit cesser tout versement de commissions au courtier radié. A défaut, il encourrait une sanction de la part de l’ACPR.
L’assureur ou le courtier grossiste doit donc mettre en place des procédures internes permettant de s’assurer régulièrement de la bonne immatriculation de ses distributeurs.
Il peut également être utile de prévoir dans les accords la possibilité pour l’assureur de séquestrer les commissions suspendues dans l’attente d’une régularisation de sa situation par le courtier.
Cette analyse est confirmée par l’Autorité de tutelle, l’ACPR.
Dans une décision n°2009–10 du 11 février 2009 rendue l’époque sous l’égide de l’ACAM, la société courtage contrôlée s’est vue sanctionnée pour avoir versé des commissions à des intermédiaires non immatriculés. L’ACAM indique expressément que la rémunération allouée au titre de l’activité d’intermédiation ne peut être rétrocédée qu’à l’un des intermédiaires mentionnés au I de l’article R.511–2. Cette décision confirme également que ces derniers doivent, en application des dispositions combinées des articles L. 511–1 et L. 512–1 du code des assurances, être immatriculés au registre unique des intermédiaires.
Dans son rapport d’activité 2009, l’ACAM se prononce clairement sur le sort des commissions en indiquant : « La rémunération allouée au titre de l’activité d’intermédiation ne peut être rétrocédée, en totalité ou en partie, qu’à un intermédiaire en assurances dûment immatriculé par l’Orias. » L’autorité de contrôle profite d’ailleurs de l’occasion pour préciser que la radiation de l’Orias « doit entraîner l’arrêt de toute collaboration avec les organismes d’assurances » et implique donc « l’impossibilité pour l’intermédiaire de proposer des contrats d’assurance ». Il apparaît donc que, dès lors qu’un distributeur ne respecte plus les conditions relatives à l’accès à l’activité d’intermédiaire et à son exercice, l’entreprise d’assurances doit suspendre le versement des commissions dans l’attente d’une régularisation de sa situation par le courtier ou d’une cession de son portefeuille.
Une exception cependant, il semble que l’on puisse envisager le versement des commissions au courtier radié si celles-ci sont nées du temps où l’intermédiaire était encore immatriculé.
Il paraît en effet logique de considérer que les commissions sont dues au distributeur dès lors que le fait générateur de celles-ci est intervenu durant la période pendant laquelle il était apte à exercer une « activité d’intermédiation », c’est-à-dire tant qu’il était encore immatriculé. (Cf Article l’Argus de l’assurance n°7316 du 7 juin 2013 « les conséquences d’une perte de l’immatriculation à l’Orias).
L’autre conséquence de cette déshérence pour l’assureur ou le grossiste concerne la responsabilité du devoir de conseil vis-à-vis du souscripteur.
On sait que le devoir de conseil ne cesse pas pour le courtier créateur au jour de la souscription mais dure tout au long de la vie de contrat. Cela est rappelé régulièrement en jurisprudence.
Or on observe qu’un certain nombre de contrats « parce qu’ils ont perdu leur courtier créateur » demeurent rattachés à l’assureur ou au courtier grossiste faute de cession ou faute pour le client d’avoir manifesté le souhait de le voir transférer à un autre conseiller.
Cela implique que les assureurs ou les grossistes, même si leur politique n’est pas de faire de la souscription en directe, vont pour ces contrats-là devoir assumer les obligations en matière de conseil vis-à-vis du souscripteur au même titre que s’ils étaient courtiers directs.
Cela signifie également qu’en cas de manquement à ce devoir de conseil, ils encourent une responsabilité civile professionnelle.
Il leur appartiendra donc de veiller à ce que le contrat soit toujours adapté à la situation et aux besoins de souscripteurs ou des assurés selon les cas.
De même dans l’hypothèse de la survenance d’un sinistre, dans la mesure où il appartient au courtier de mettre en garde son client sur le délai de prescription biennale de l’article L114–1 du Code des assurances, on peut supposer qu’il appartiendrait à l’assureur d’assumer cette obligation en cas de disparition du courtier, quand bien même cela irait contre ses intérêts.
La DDA va vers un durcissement de ces exigences puisqu’elle met l’accent sur l’intérêt du client.
On pense alors aussi à l’adaptation de la police d’assurance RCP de ces professionnels s’ils ont déclaré à leur assureur ne jamais faire de souscription (et par conséquent de gestion) en direct et déléguer ces tâches à des intermédiaires. Dans une telle hypothèse, faute d’une correcte déclaration du risque, l’assureur RCP pourrait être amené à refuser sa garantie en cas de mise en cause de leur responsabilité par un souscripteur pour défaut de conseil.
Outre la radiation de l’Orias, d’autres évènements sont susceptibles de créer des situations similaires.
Le courtier, qui est un commerçant, peut faire l’objet d’une procédure collective et voir sa société liquidée en raison de résultats négatifs et d’un passif trop élevé. Dans cette hypothèse le portefeuille pourra toujours être cédé de gré à gré.
Mais si tel n’est pas cas alors le portefeuille se retrouvera vacant et l’assureur assumera les mêmes conséquences que dans l’hypothèse d’une radiation de l’Orias.
En cas de décès du courtier, le portefeuille d’assurance fera partie des biens transmis aux héritiers. Si l’un d’eux ne disposent pas des compétences pour exercer l’intermédiation, il leur appartiendra d’organiser la cession du portefeuille ou de la société du défunt selon le cas. Pendant le temps de transition et en l’absence d’héritier habilité, il appartiendra là encore à l’assureur ou au courtier grossiste selon le cas d’assurer la gestion et d’assumer les obligations vis-à-vis des souscripteurs ou des assurés.
Par Morgane HANVIC Avocat au Barreau de Paris 32 rue de Londres 75009 PARIS Tél. : +33 1 86 95 56 62À voir aussi
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