Télétravail, dispense d’activité, maintien du salaire, les plans de continuité d’activité des acteurs de l’assurance sont déployés pour faire face à la crise sanitaire provoquée par le coronavirus. Des représentants du personnel craignent le chômage technique, suite à la baisse d'activité.
Sociétés d’assurance, mutuelles et institutions de prévoyance ont fermé leurs portes en début de semaine, suivant les recommandations des pouvoirs publics d’éviter le contact avec le public. Face à cette situation exceptionnelle, les entreprises ont fait preuve de réactivité et souplesse, selon de nombreux témoignages de représentants du personnel qui saluent la gestion de crise de leurs sociétés. « Le dialogue social a été maintenu grâce principalement aux conférences téléphoniques. Le plus important pour nous était de renvoyer rapidement les salariés chez eux. Cela a pris un certain délai, le temps de décliner la décision sur tout le territoire avec en parallèle la mise en place de solutions pour le travail à distance », explique Mickaël Duc, délégué syndical groupe CFE-CGC de la Macif.
Déploiement du télétravail hétérogène
Le travail à distance se déploie de façon hétérogène, y compris pour les salariés qui n’étaient pas éligibles au départ. La Fédération française de l'assurance affirme qu'en moyenne 90% des salariés de la branche sont actuellement en télétravail. Ainsi, dans une société comme Allianz France, sur 9.260 collaborateurs, environ 9.000 sont en télétravail. Le taux de télétravailleurs, qui s'élève à 70% chez Malakoff Humanis, est très inférieur dans les mutuelles d’assurance. Dans le groupe Macif, 60% des salariés sont en capacité de télétravailler. Et à la Maif, uniquement 25% de collaborateurs étaient réellement en télétravail la semaine dernière. « Ce chiffre évolue quotidiennement. Cependant ce pourcentage paraît suffisant pour faire face au volume d'activité actuel », indique Edith Masson, secrétaire syndical CFE-CGC de Maif. Pascal Demurger, directeur général de la Maif a même promis que les salariés qui acceptent de télétravailler seront récompensés. Selon les syndicats, cette récompense pourrait prendre la forme d'une prime exceptionnelle.
Les organisations syndicales ne savent pas en revanche combien de salariés sont en arrêt de travail, dispense d’activité ou chômage partiel. La Macif indique « Jusqu'à présent les salariés n'exerçant pas une fonction dont le maintien est essentiel au fonctionnement du groupe et ne disposant pas de matériel pour travailler à distance sont en dispense d'activité avec maintien de leur rémunération. Nous n'avons donc aucun salarié en chômage partiel dans la mesure où nous maintenons le salaire alors même que les salariés sont en dispense d'activité ».
La course au matériel informatique
Les directions se sont fortement mobilisées pour équiper leurs salariés, mais il n’y a pas assez d’ordinateurs pour tout le monde. Des commandes sont en cours chez Malakoff Humanis. La Maif, en revanche, a fait les fonds de tiroirs, demandé à ses élus et salariés de mettre à disposition tout ordinateur qui ne serait pas pleinement utilisé. La mutuelle conditionne 80 PC par jour pour les livrer ensuite à ses gestionnaires. D’autres entreprises ont demandé à leurs salariés de travaillent avec leur ordinateur personnel, grâce à une connexion en ligne aux outils de l’entreprise. « Nous évitons d’utiliser le VPN pour ne pas encombrer les réseaux », indique un représentant du personnel.
Les employeurs communiquent quotidiennement avec leurs salariés et font preuve de bienveillance avec les salariés qui doivent garder les enfants. A la Macif, par exemple, il y a une certaine souplesse sur les horaires et les collaborateurs n’ont plus besoin de "badger". Un numéro vert a été mis en place pour permettre aux salariés de contacter un membre de la direction des ressources humaines et le réseau d’entre aide entre salariés marche à plein régime.
« Les équipes ont spontanément créé des groupes Whatsapp pour demander des nouvelles, maintenir le lien, et faire quelques blagues afin de dédramatiser un peu sur cette situation exceptionnelle », commente un élu syndical.
Un nombre réduit de salariés sont mobilisés sur le site des entreprises pour assurer les fonctions régaliennes (informatique, comptabilité, paie). A la Maif, il y a une cinquantaine de collaborateurs sur le siège social. Les collaborateurs du service juridique des « affaires graves » qui gère des contentieux a également été mobilisé au siège. Sur l’île de la Réunion, peu touchée par le Coronavirus, le pôle gestion de sinistres de la Maif continue à accueillir des salariés volontaires, dans le plus strict respect des normes sanitaires.
« Nous avions alerté à multiples reprises sur les désagréments provoqués par les open space. Nous nous apercevons qu'ils peuvent favoriser la propagation des épidémies. Il nous faudra revoir ce point à la rentrée », souhaite Edith Masson.
Pendant la première semaine du confinement, les entreprises ont fait preuve de souplesse. Le chômage partiel a été imposé à certains salariés d’Apicil ou Maif. Chez Malakoff Humanis, la direction a annoncé que le chômage partiel n’était pas pour l’heure d’actualité. Elle s’est également engagée à maintenir le salaire pour tout le monde, y compris pour les collaborateurs en arrêt de travail.
Ces promesses en période de crise pourraient être remises en question si le confinement se prolonge. "Après la crise sanitaire, vient la crise financière et la crise économique. Nous craignons que les entreprises aient recours au chômage technique. Nous ne pouvons pas imaginer que des collaborateurs peu occupés aujourd'hui ne soient pas touchés par le chômage technique à moyen terme. Je sens nos employeurs très inquiets", partage Joël Mottier.
Maintien de la rémunération
Toutes les organisations syndicales ont demandé un maintien de la rémunération. Certaines entreprises ont obtenu un engagement de la direction, mais sans des garanties sur la durée. La commission des affaires sociales de la Fédération française de l’assurance affirme que la branche ne peut pas se substituer aux entreprises et que les décisions doivent être prises dans chaque entreprise.
La CFE-CGC a beaucoup insisté auprès des employeurs pour garantir la rémunération variable des commerciaux en abaissant les seuils de production. Selon Joël Mottier, président de la fédération assurance CFE-CGC, Generali, Groupama, Axa et Allianz et Macif se sont déjà engagées à préserver la rémunération des commerciaux. Dans d’autres sociétés comme Malakoff Humanis, la rémunération variable des commerciaux, les conditions de l’accord d’intéressement font partie des sujets à traiter dans les prochains jours.
La prime d’équipe variable dont devaient bénéficier les salariés commerciaux de Macif fin mars sera versée avec du retard. « Il est trop tôt pour dresser la liste de nos revendications mais nous demanderons, entre autres, déjà que les effets négatifs de cette crise soient neutralisés pour les salariés : par exemple sur la rémunération variable de l’année prochaine, le cumul des jours de congés payés pour les salariés en arrêt de travail, l'intéressement, la participation… Il faudrait que la crise soit neutre notamment sur tous ces dispositifs », souhaite Mickaël Duc.
Réorganisation de l'activité
Dans cette période de déplacements limités, les mutuelles d’assurance constatent une baisse d’activité, notamment sur les sinistres automobile, l’assistance voyage ou l’épargne retraite, mais en revanche « les sociétaires sont confinés chez eux et prennent le temps de relancer ou faire avancer leurs anciens dossiers, envoyer les pièces manquantes… », selon Edith Masson.
Les congés posés doivent être pris
La seule demande qui n’a pas été suivie de la part des employeurs c’est la possibilité d’annuler une demande de congés. Les salariés qui ont posé des congés pendant cette période de confinement devront les prendre, même si leurs billets d'avion ont été annulés et ceci est vrai pour l’ensemble des sociétés que nous avons interrogées.
La loi d’urgence sanitaire adoptée le 22 mars autorise les employeurs à imposer 6 jours ouvrés de congés à leurs salariés, modifier de façon unilatérale les dates de RTT ou de jours du Compte épargne-temps (CET). Pour l'instant, aucune entreprise d'assurance n'a manifesté vouloir recourir à ces dispositifs, mais les décrets n'ont pas encore été publiés.
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