100% santé : Désaccords entre FNMF et DSS sur le coût de la réforme

vendredi 19 août 2022
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La Cour des Comptes propose des mesures pour contenir le coût de la réforme du 100% santé en dentaire et audioprothèse. La DSS et la FNMF ne partagent pas les mêmes prévisions sur le coût de la réforme.

La Cour des Comptes a publié un rapport sur le 100% santé le 28 juillet. Le coût de la réforme, en intégrant les mesures de la convention dentaire, devait atteindre 735M d’euros pour la sécurité sociale et 260M d'euros pour les organismes complémentaires.

Les équilibres de la réforme étaient fondés sur une hausse des prestations dentaires et auditives, partiellement compensées par une baisse des prestations optiques. Or, le taux de recours au panier 100% santé en dentaire est largement supérieur aux prévisions : 55% sur le panier sans reste à charge en 2021, contre 46% selon les hypothèses. En optique, en revanche, la DSS s'attendait à un taux de recours au panier A de 26% sur la monture et 55% sur les verres, contre un recours constaté de 14% et 16% respectivement.

Désaccords sur le niveau d'économies en optique

Selon les prévisions de la direction de la Sécurité sociale, le coût prévisionnel des prestations liées à la réforme du 100% santé (hors autres mesures de la convention dentaire) était estimé à 167M d’euros, dont 87M d’euros pour l’AMO et 80M d’euros pour l’AMC.  Selon les calculs de la DSS, les organismes complémentaires devraient supporter un surcoût de 320M d’euros en dentaire et de 275M d’euros en audioprothèse, en partie compensés par 515M d’euros d’économies en optique.

Cependant, la FNMF n’est pas d’accord sur ce niveau d’économies en optique. Les mutuelles évoquent « des hypothèses très volontaristes » et estiment plutôt à 445M d’euros le montant des prestations optiques en moins, soit un delta de 70M d’euros par rapport aux estimations de la DSS.

Coût prévisionnel à la hausse selon les ocam

Aujourd’hui, la FNMF estime à 338M d’euros le coût prévisionnel annuel de la réforme pour les complémentaires, après montée en charge. Cette estimation est 194M d’euros plus élevée par rapport à celle effectuée par la fédération mutualiste avant l’entrée en vigueur de la réforme.

Pour l'assurance maladie obligatoire, en revanche, le coût réel de la réforme demeure inférieur aux prévisions, selon la Cour des Comptes. A ce stade, le surcoût cumulé des dépenses sur le champ de la réforme entre 2019 et 2021 pour l'assurance maladie est de 127M d'euros, contre 150M d'euros initialement prévus. Ceci s'explique par la baisse des prestations pendant le confinement, en 2020.

Des mesures pour contenir la dépense

La Cour des Comptes recommande de baisser les prix limites de vente (PLV) sur les audioprothèses. Une telle baisse est prévue dans l’accord conclu le 7 juin 2018 entre les syndicats d’audioprothésistes et le ministère, si le seuil de 650.000 audioprothèses sur 9 mois ou 935.000 sur l’année 2021 est franchi. L’accord prévoit dans ce cas que le PLV des audioprothèses soit réduit de 50 euros et passe donc à 900 euros. Malgré l’existence de cette clause, les PLV sont restés inchangés, chose que regrette la Cour des Comptes.

Parmi les autres recommandations, la Cour préconise la mise en place d’« un partage des données entre l’assurance maladie obligatoire et les assurances complémentaires, en veillant à la mise à disposition de données de remboursement par ces dernières ».

Les sages de la rue de Cambon recommandent par ailleurs, dans le cadre des négociations conventionnelles avec les chirurgiens-dentistes, de prévoir une clause permettant d’agir en cas de dérapage de la trajectoire des dépenses de prothèses dentaires. Par ailleurs, ils appellent au renfort des contrôles auprès des chirurgiens dentistes afin de s'assurer de la bonne application de la réforme. Si les opticiens et les audioprothésistes ont fait l’objet de contrôles, les dentistes ont été pour l’heure épargnés. Cette situation ne devrait pas durer. La Cnam envisage de « mener une analyse des pratiques de facturation des dentistes, à la suite d’anomalies identifiés dans des devis dentaires parvenus aux CPAM », selon le rapport.

Succès de la réforme en dentaire et audioprothèse

L’objectif du 100% santé était de réduire le renoncement aux soins pour des raisons financières en proposant des lunettes, des prothèses dentaires et des aides auditives entièrement remboursées. L’entrée en vigueur de cette réforme a été perturbée par la crise sanitaire, mais la Cour des Comptes souligne des résultats variables en matière de restes à charge et de recours.

En dentaire, 55% des actes prothétiques concernent le panier sans reste à charge en 2021. Le panier modéré concentre 21% des actes prothétiques. Le 100% santé a donc trouvé son public en dentaire, notamment pour les dents visibles (incisives et canines) qui bénéficient de couronnes en céramique et d’un taux de recours de 84% au panier sans reste à charge. En regardant de plus près, la réforme a surtout bénéficié les patients ayant eu recours à une prothèse dentaire par le passé. L’incidence de la réforme porterait donc sur le nombre de prothèses par patient consommant plutôt que sur le nombre de nouveaux patients équipés.

En audioprothèse, le taux de recours au panier 100% santé est de 40% à fin 2021, contre 46% selon les prévisions de la direction de la Sécurité sociale. La réforme a eu un impact sur le nombre de patients appareillés (700.000 en 2021 contre 450.000 en 2020).

Quid de la visite de suivi en audioprothèse ?

En revanche, la Cour des Comptes souligne que 88% des patients appareillés en 2021 n’ont bénéficié d’aucune visite de suivi pendant l'année alors que 4 visites sont recommandées au cours de la première année. Les Sages de la rue de Cambon écrivent que si la situation n’évolue pas, il appartiendra au ministère de la Santé et de la Prévention « de définir un tarif pour cette prestation de suivi afin de prévoir le remboursement par les professionnels n’y recourant pas ».

En optique, uniquement 14% des montures et 16% des verres sont issus du panier A. La réforme a eu plus de succès auprès des bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire, qui affichent des taux de recours au panier A bien supérieurs : 87% sur des montures et 96% sur les verres.

La Cour des Comptes souligne une augmentation des restes à charge en optique, en dehors du panier 100% santé. L’Unocam avait déjà fait ce constat dans son observatoire sur le 100% santé. La part financée par les ménages était de 23% sur la finance optique en 2019, selon la Cour des Comptes. Elle atteint 33% en 2020 et 35% sur les équipements du panier libre.

La diffusion de la réforme auprès des Français se heurte à plusieurs obstacles, selon la Cour des Comptes : la faible connaissance de la réforme par les patients, la qualité des équipements sans reste à charge et l’absence de généralisation du tiers payant pour les patients à faibles revenus.

L’enquête de la DGCCRF

Plusieurs contrôles effectués par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) auprès d’opticiens et audioprothésistes ont permis de constater que 72% des établissements contrôlés présentaient une non-conformité, dont 40% étaient en relation avec le 100% santé. Par exemple, 21% des opticiens et 20% des audioprothésistes indiquaient la présence d’un reste à charge dans l’offre 100% santé !

Quelle évolution pour le 100% santé ?

Parmi les pistes d’évolution de la réforme, la FNMF plaide pour l’extension des prix limites de vente sur les piles des audioprothèses. La Cnam, de son côté, étudie l’extension de la réforme du 100% santé aux prothèses capillaires, à certaines semelles orthopédiques ou encore à l’orthodontie. Sur ce dernier domaine, la Cnam évoque une « phase préalable de fixation d’honoraires limites de facturation ».

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