Courtage : La résistance face à l'autorégulation s’organise
Alors que le projet d'autorégulation du courtage suit son cours, les voix dissonantes veulent se faire entendre. Entre déni des associations candidates et possibilité de recours juridiques, les opposants au projet organisent la riposte.
Adoptée le 7 février au Sénat dans la cadre de la loi Pacte, la réforme sur l'autorégulation du courtage se poursuit, non sans difficultés. Passée la grogne de l'annonce du projet, plusieurs voix dissonantes veulent désormais passer à la vitesse supérieure.
Le courtier April d'abord, a exprimé officiellement son désaccord, estimant que l’introduction d'associations professionnelles représentatives du courtage d'assurance ajouterait un « niveau supplémentaire de régulation ». Le grossiste a même quitté le syndicat Planète Courtier, actuellement en phase de rapprochement avec la Chambre syndicale des courtiers d'assurances. « CSCA et Planète Courtier sont sur deux sujets qu'ils ont lié l'un à l'autre alors qu'ils n'ont rien à voir. Nous sommes d’accord pour renforcer les deux syndicats dans le but de leur donner plus de poids et défendre la profession. Le faire pour participer à côté du Trésor à la création d'une association de co-régulation, sous prétexte de contribuer à une forme de labellisation du courtage d'assurance en France, m'interroge », lance Roger Mainguy, PDG d'April Prévoyance Santé.
Une position partagée par la FG2A, la fédération des garanties et assurances affinitaires. « Je considère que le principe d'autorégulation est utile et certainement nécessaire, mais à la condition que chaque famille qui intervient dans l’intermédiation soit représentée avec la prise en compte de ses spécificités propres et écoutée au même niveau d'équité », explique Patrick Raffort, son président. « Je rejoins la position d’April en affirmant que ces futures associations ne doivent pas être des émanations syndicales, chaque décision devant pouvoir y être prise de façon collégiale ».
Dans la foulée, la CSCA et Planète Courtier ont publié une note conjointe pour réaffirmer leur soutien au projet de réforme en rappelant que leur future association « offrira toutes les garanties d’indépendance et de professionnalisme que nécessite ce rôle d’accompagnement au quotidien de tous les courtiers d’assurance et de leurs mandataires en dehors de toute considération commerciale particulière ». Interrogé par News Assurances Pro, Bertrand de Surmont le président de la Chambre réplique : « concernant la future gouvernance, rien n'est écrit et nous en sommes au stade de la réflexion et des discussions ».
Recours juridiques
Car si pour le courtier lyonnais, la question de rejoindre ou de créer une de ces structures représentatives ne se pose pas encore, la FG2A, de son côté, dit avoir échangé avec CSCA et Planète Courtier pour évoquer la possibilité de participer positivement à la création d’une association avec une représentativité démocratique, sans aboutir. « Nous n'avons malheureusement pas, à date, de vision commune sur ce sujet », poursuit Patrick Raffort. La fédération, qui participe à toutes les réunions de place à Bercy indique vouloir reprendre contact avec la DG Trésor et l'ACPR pour que soient levées certaines imprécisions de nature à générer d’éventuelles inquiétudes dans l’esprit des intermédiaires. « Nous allons également poursuivre le dialogue avec l’ensemble des parties prenantes qui partagent notre vision, à l’instar du GCAB, du Sycra, etc. ».
Surtout, April et FG2A sont prêts à retarder les décrets d'application de la réforme prévus à la rentrée de septembre. « S'il faut en passer par la voix contentieuse, nous l'avons déjà fait par le passé. (Ndlr : notamment via l'Apac). Nous aimerions à tout le moins et dans un premier temps que les gens se rassoient autour de la table pour discuter de manière plus sereine et moins rapide. Si ces arguments ne sont pas entendus, nous ferons alors ce que nous jugerons nécessaire », ajoute Roger Mainguy. « Si nous ne parvenons pas à obtenir des garanties sur les points essentiels que nous considérons être le respect de la représentativité, de l’indépendance, et d’une saine gouvernance nous devrons alors envisager d’autres réponses opérationnelles ou juridiques », indique de son côté Patrick Raffort.
« Sortir de la table des négociations pour faire cavalier seul ou aller discuter de manière individuelle avec le Trésor, me semble très éloigné de la défense de l’intérêt général de toute une profession. Jeter l'éponge à ce stade ou aller sur le terrain contentieux n'aura pour seule conséquence que de pénaliser le courtage de proximité, qui, je le rappelle, représente 2.000 professionnels sur les 2.200 adhérents au syndicat regroupant CSCA et Planète Courtier. Jouer la montre sur un rétroplanning aussi serré aura des répercussions négatives pour les petits courtiers, notamment sur leur mise à niveau réglementaire », ajoute de son côté Bertrand de Surmont.
Lente avancée des travaux
En parallèle, cette situation fait craindre d'autres départs. « Nous continuons de cotiser, par solidarité, mais la dépendance financière des syndicats au grand courtage est fragile », explique le dirigeant d'un grand courtier. « il suffit qu'un important cabinet claque la porte pour que d'autres suivent. L'autorégulation est donc une bonne chose et permet de créer une organisation du métier unifiée en diluant la part financière des grands courtiers », poursuit-il.
Au-delà de ces inquiétudes, c'est surtout l'avancée des travaux qui inquiète désormais les acteurs de la profession. Malgré plusieurs pistes, « aujourd'hui, nous avons des grandes têtes de chapitres dans lesquels il n'y a rien et qui seront précisés par un décret d’application. C'est opaque !», lance Roger Mainguy. « Depuis le début des réunions avec la DG Trésor, nous n'avons pas le début d'un morceau de décret sur lequel nous appuyer », peste une source proche du dossier. « Le champ d'application et le périmètre de la DSP (ndlr : délégation de service public) ne sont pas suffisamment précis a ce jour . Et nous devons être particulièrement attentifs à toute situation qui serait de nature à stigmatiser un intermédiaire », explique de son côté Patrick Raffort.
Dans leur note conjointe, les deux syndicats rappellent que « sur le plan législatif [...] des textes réglementaires (décrets d’application) viendront compléter et préciser le dispositif d’ici l’été. Préalablement, ce projet avait été discuté et approuvé au sein des instances de la CSCA et de Planète Courtier dans lesquelles toutes les catégories de courtage sont représentées et ont pu s’exprimer », peut-on lire. « Les positions d'April ou de la FG2A me semblent précoces au vue de l'avancée du projet, car tout est encore à écrire. Le cadre de ces futures associations se dessine au fur et à mesure, mais tout peut encore évoluer. Nous avons invité chacune des familles du courtage à venir discuter avec nous de leur vision et approche de ces futures association », ajoute Bertrand de Surmont. « Que certains s'arc-boutent contre le projet est dommageable, mais concernant la CSCA et Planète, nos travaux se poursuivent sereinement », poursuit-il.
Enfin, point de départ du projet de réforme du courtage, le sujet de la LPS avec la volonté de renforcer les sanctions autour des pratiques de certains intermédiaires semble oubliée. « Sont exonérés de ce nouveau niveau de contrôle les courtiers exerçant en LPS », peste Roger Mainguy. « Il n'est pas possible d'obliger les courtiers en LPS à adhérer à une association. Ce serait considéré comme une entrave à la liberté de circulation prévue par les textes européens », conclut un fin connaisseur.
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