Déficit de la Sécu : La Cour des comptes s’attaque aux arrêts de travail
Réduire la durée maximale d’indemnisation, prolonger le délai de carence, ne pas indemniser les arrêts de moins de 8 jours… La Cour des Comptes propose de modifier les règles sur l’indemnisation des arrêts de travail afin de réduire le déficit de la Sécurité sociale.
Dans son rapport sur l'application des lois de financement de la Sécurité sociale de 2024, la Cour des Comptes pointe « une perte de maîtrise des comptes sociaux ». Si la loi de financement de 2023 prévoyait une légère amélioration du déficit dans les prochaines années, la LFSS 2024 table sur une dégradation continue. Le déficit devrait atteindre 17,2Mds d’euros en 2027, « sans plus de perspective de stabilisations et encore moins de retour à l’équilibre », s’inquiète la Cour.
Une trajectoire optimiste
Sur la branche maladie, le déficit passerait de 11,1Mds d’euros en 2023 à 9Mds d’euros par an de 2025 à 2027, encore une fois « sans perspective de retour à l’équilibre ». Pour y parvenir, il faudrait maintenir un ondam de 3% par an. Or, « la Cour estime que cette nouvelle trajectoire, confirmée dans le programme de stabilité 2024-2027, reste trop optimiste, en l’absence de réformes se traduisant par des économies pérennes pour la sécurité sociale », écrivent les sages de la rue de Cambon.
Leur rapport pointe également une forte augmentation de l’ondam ces dernières années. Entre 2019 et 2023, il a augmenté de 5,4% par an, hors dépenses liées au Covid, contre 2,4% pour la période 2015-2019.
Pour endiguer ces déficits, la Cour propose de mener plusieurs réformes. Dans le chapitre 5 du rapport, l’institution suggère de revoir l’indemnisation des arrêts de travail par le régime général. En 2022, la Sécurité sociale y a consacré 12Mds d’euros et les entreprises, 11,6Mds d’euros. Pour leur part, les organismes assureurs ont versé 6,6Mds d’euros, au titre du risque incapacité des couvertures prévoyance.
Pour la Sécu, ce coût a augmenté de 56% de 2017 à 2022, notamment sous l’effet de la crise sanitaire, de la hausse du smic, de l’augmentation de la population active, ou encore de l’extension du régime général aux indépendants et aux professions libérales. Mais également, en raison du vieillissement de la population active et du prolongement des arrêts pour motif psychologique.
Généraliser la télétransmission
L’Assurance maladie incite les médecins à utiliser la télétransmission des arrêts de travail, mais un tiers des arrêts sont encore prescrits au format papier. Or, la télétransmission permet de mieux lutter contre la fraude. C’est la raison pour laquelle la Cour demande d’ajouter « un régime de sanctions si la télétransmission ne progresse pas au rythme attendu ». En 2022, l’Assurance maladie a détecté 12,8M d’euros de fraudes aux indemnités journalières, un montant jugé « faible » par la Cour. « Les nouvelles conventions devraient fixer aux médecins de ville des objectifs globaux de télétransmission assortis d’un calendrier prédéfini et déterminer les sanctions applicables, sauf exceptions prévues, à ceux qui ne télétransmettent pas, si ces objectifs collectifs ne sont pas atteints. À défaut, la loi devrait préciser ces sanctions », détaille le rapport.
Par ailleurs, la Cour propose de « modifier les paramètres d’indemnisation des arrêts de travail, notamment en vue de mieux en répartir la charge entre la sécurité sociale, les entreprises et les assurés ». Une concertation avec les partenaires sociaux devrait permettre de définir les nouvelles règles.
Réduire la durée maximale d’indemnisation
Première mesure d’économie envisagée, porter la durée maximale d’indemnisation de trois à deux ans. Seule exception, les patients souffrant d’une pathologie lourde sévère qui pourraient calculer leur droit à indemnisation sur trois ans glissants. La Cour justifie cette réduction car un arrêt continu de trois ans « augmente le risque de désinsertion professionnelle et retarde la mise en invalidité des personnes dont l’état est stabilisé ». Cela permettrait de faire 756M d’euros d’économies par an. Cependant, cette mesure conduirait à un surcoût de dépenses au titre de l’invalidité, qui serait à déduire de l’économie brute estimée par la Cour.
Pas d’indemnisation pour les arrêts de moins de 8 jours
Parmi les autres recommandations, la suppression de l’indemnisation des arrêts de travail de moins de 8 jours. Cela permettrait de faire 470M d’euros d’économies par an. Ou encore le rallongement du délai de carence de 3 à 7 jours, y compris pour les personnes atteintes d’une ALD. Un tel rallongement serait source de 945M d’euros d’économies pour l’Assurance maladie. Par effet de ricochet, ces mesures auraient également une répercussion sur les charges des entreprises de 330 et 660M d’euros, le solde était supporté par les salariés qui ne bénéficient pas d’un maintien de salaire.
Un jour sans salaire
La Cour des comptes revient également sur la proposition du Medef d’introduire un jour de carence d’ordre public. Cela consisterait à interdire aux entreprises de verser le salaire du jour suivant immédiatement l’arrêt de travail. Un délai de carence d’ordre public ne serait pas source d’économie pour le régime général, pointe la Cour. Au contraire, la mesure conduirait à une perte de recettes de 0,4M d’euros pour la sécurité sociale en raison de l’absence de cotisations pour les salaires non versés.
Les entreprises feraient 1M d’euros d’économies. Les salariés devraient supporter une perte de revenus de 0,6M d’euros. Cette économie pour les entreprises justifierait donc de revoir la répartition du taux de prise en charge des indemnités par l’assurance maladie. Ce taux pourrait ainsi passer à 45% du salaire brut, contre 50% aujourd’hui. Cela permettrait à l’Assurance Maladie d’économiser 200M d’euros.
Nul doute que toutes ces propositions auraient un impact pour les régimes de prévoyance complémentaire que la Cour des Comptes n'a pas analysé.À voir aussi
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