Florence Tondu-Mélique : "Nos primes de captives ont progressé de 36% chaque année depuis 2017"
INTERVIEW – A la tête de Zurich France depuis 2017, Florence Tondu-Mélique revient pour News Assurances Pro sur l’activité et les perspectives de développement de la compagnie dans l’Hexagone. Entre renouvellements, risques cyber et captives d’assurance, la PDG évoque aussi les envies de croissance de l’entreprise sur le marché du particulier.
Comment se porte l’activité de Zurich France aujourd’hui ?
Depuis la transformation de la compagnie engagée en 2017 lors de ma prise de poste, le volume d’affaires de Zurich France a crû de 30% sur l’ensemble des métiers et des lignes d’activité. L’année 2021 se présente avec une dynamique plus forte encore que les exercices précédents. Nous avons retrouvé une profitabilité technique avec un ratio combiné inférieur à 95% depuis deux ans maintenant.
Ces résultats illustrent notre engagement auprès de nos clients dans la durée et notre capacité à nous renouveler, tant d’un point de vue technique qu’opérationnel, après ces 18 derniers mois de crise. Aujourd’hui, 98% de nos clients et partenaires se déclarent très satisfaits de notre qualité de service, notamment en gestion et en indemnisation.
En accompagnement de cette dynamique, nous avons recruté depuis quatre ans quelques 125 collaborateurs et nous continuons à investir significativement sur l’ensemble de nos métiers pour attirer des talents. Très engagés sur les sujets de diversité et d’inclusion, nous avons pour objectif de réaliser 80% de nos recrutements d’alternants et de stagiaires chez des candidats issus de milieux défavorisés, de minorités ou en situation de handicap.
Sur quels segments performez-vous aujourd’hui ?
Notre cœur de métier historique est celui des grands risques sur le segment des entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 50M d’euros. Notre priorité est de continuer à nous y renforcer, en mettant au service de nos clients notre expertise technique et notre capacité à les accompagner à l’international.
Pour les entreprises, la prévention est désormais un enjeu crucial. En complément de notre activité de transfert de risques et de souscription de polices, nous nous inscrivons dans une logique d’accompagnement de nos clients en anticipation de certains périls (Cat Nat, supply chain, cyber, parmi d’autres). Cette activité de conseil dans laquelle nous continuons d’investir, notamment à travers l’exploitation de la data et l’usage des nouvelles technologies, a plus que doublé depuis 2017 chez Zurich France.
En parallèle, notre plateforme Klinc qui fête ses un an ce mois-ci, a marqué le retour de la compagnie sur le marché des particuliers. Avec une offre 100% digitale, à la demande, et spécialement conçue et pensée pour les nouvelles mobilités et tendances de consommation, Klinc a grandi rapidement sur le marché BtoC. Nous souhaitons désormais accélérer son développement dans une logique de partenariat BtoBtoC, avec la possibilité d’enrichir notre offre dans le temps en termes de produits et de services.
Comment s’est passée la période des renouvellements 2020 ? Quelles ont été les difficultés rencontrées avec les clients mais aussi les courtiers ?
Dans un contexte économique et sanitaire qui a été difficile pour tous, nos équipes ont su faire preuve d’une agilité et d’une mobilisation, que je tiens à saluer, afin d’assurer la résilience de nos activités. Nous sommes satisfaits de la campagne de renouvellements menée en fin d’année dernière. Elle nous permet d’afficher une croissance à deux chiffres de nos primes en 2021 et une performance en ligne avec les résultats du Groupe publiés à mi-année.
L’industrie des grands risques a été profondément bouleversée ces derniers mois avec une hausse de la sinistralité et une détérioration de la profitabilité de certaines branches.
En RC, nous observons un point d’inflexion du marché avec un ajustement des termes et conditions et davantage de recherche de structure en co-assurance. Cette tendance devrait se poursuivre en fin d’année avec une hausse des primes et une révision des textes des contrats par les opérateurs. Sur les risques cyber et D&O, nous avons observé une recrudescence d’activité avec un volume d’opportunités qui a poussé les acteurs à repenser l’équilibre des portefeuilles. En construction, le constat est plus nuancé, avec d’une part un durcissement des conditions pour les programmes internationaux et d’autre part une continuité sur le domestique.
Ces bouleversements nous ont paradoxalement ramenés à l’essence de notre métier : travailler à une meilleure mutualisation des risques et à une plus grande transparence des politiques de souscription. Cette situation invite plus que jamais au dialogue, à l’écoute, à une approche factuelle revenant à des fondamentaux techniques avec la recherche d’un équilibre pour l’ensemble des parties. Notre taux de rétention, supérieur à 90%, montre notre capacité à trouver des solutions adaptées à nos clients.
Concernant le cyber justement, quel est aujourd’hui votre appétit sur ce risque ?
Nous constatons une évolution exponentielle de ce risque avec une professionnalisation de la cybercriminalité qui s’institutionnalise, parfois appuyée par des états. Le développement de la menace avec une hausse du nombre de sinistres et de leur intensité provoque des changements structurels dans les solutions apportées (limites, types de couvertures, conditions) et dans l’appétit du marché.
Notre approche sur ce risque protéiforme s’oriente vers un renforcement de la prévention en amont et de la gestion en aval des incidents. Elle s’appuie sur une approche technique rigoureuse pour construire des portefeuilles pérennes. Pour ce faire, nous avons internalisé notre expertise d’ingénierie prévention et nous nous appuyons sur des experts qui viennent nourrir nos réflexions. Nous nous sommes par ailleurs dotés d’outils dédiés pour mieux comprendre les vulnérabilités de nos clients.
Notre portefeuille cyber a significativement crû entre 2020 et 2021 avec comme préoccupation centrale de bâtir dans la durée. Nous restons donc présents sur cette ligne en gardant une politique de souscription cohérente et une discipline de sélection des risques prenant en compte la maturité des organisations de nos clients.
Sur ce point, nous serions favorables au développement de standards minimums et à un partage plus systématisé des données avec un recensement des incidents. Nous souhaitons également davantage de dialogue associant les pouvoirs publics pour une meilleure sensibilisation et coordination des actions.
Zurich est un des acteurs historiques concernant les captives. Que pensez-vous des discussions actuelles sur le sujet en France ?
Zurich gère un peu moins de 300 captives dans le monde, la plupart en Europe et aux Etats-Unis. Nous souhaitons poursuivre notre développement sur cette activité. C’est un domaine où nous avons une expertise de longue date que la crise sanitaire a fait émerger comme solution pertinente face à l’élévation du niveau et du coût des risques. Les primes de captives portées par Zurich France ont progressé de 36% chaque année depuis 2017. Nous mettons également à disposition nos savoir-faire en matière de techniques de transfert de risques alternatives comme la location de captives (Protective Captive Cell) qui permettent de bénéficier des avantages sans en avoir les contraintes.
Les captives ont pâti ces dernières années d’un manque de lisibilité de leur cadre juridique. Avec l’émergence des grands risques, le contexte change. Nous avons été partie prenante des réflexions menées par l’AMRAE et la FFA, conjointement avec le Ministère des Finances, sur ce sujet en début d’année. Nous saluons à ce titre les décisions prises par le gouvernement avant l’été, tant pour simplifier les exigences règlementaires, que pour faire évoluer le provisionnement de ce type de structure. Cela en facilitera l’implantation et la démocratisation en France. Les exemples récents de Seb et de Bonduelle, qui portent seulement à neuf le nombre de captives en France, devraient se voir suivis par d’autres dans les prochains mois.
Quel est votre regard sur l’accélération des opérations de rapprochement chez les courtiers ?
Nous observons en effet une vague de consolidation dans le métier du courtage. Zurich reste un partenaire important auprès des grands courtiers internationaux et européens qui représentent une part significative du marché et de la croissance. Ce phénomène n’est donc pas nécessairement un point de préoccupation au regard de notre empreinte géographique et de la taille de notre activité d’assurance commerciale.
J’ajoute que nous nous plaçons avec nos courtiers dans des relations de long terme que nous souhaitons constructives, avec réciprocité et partage. Lors de la dernière campagne de renouvellements, nous avons valorisé en particulier l’effort collectif mené avec nos partenaires pour harmoniser et rendre plus lisibles encore nos polices pour les clients.
Faites-vous face à des difficultés avec d’autres opérateurs en co-assurance ? Sur ce point, quelle est votre politique en matière d’apérition ?
Nous notons une baisse significative des parts d’apérition, de 30 à 40%, parfois même en deçà. Il n’a pas été rare de voir ces derniers mois sur un même texte une dizaine d’opérateurs travailler de concert, ce qui est assez nouveau sur le marché. Pour nous inscrire en continuité avec notre politique de souscription établie en 2017, nos deux maîtres mots en la matière sont communication et anticipation.
Nous restons un apériteur sérieux sur nos lignes principales et nous privilégions ce type de placement quand nous avons une bonne connaissance du client et de son risque sous-jacent. Au-delà, nous restons attentifs dans la capacité qu’ont nos partenaires apériteurs à gérer leurs programmes internationaux, à assurer la remontée et la répartition des primes avec les autres co-assureurs.
Le sujet de la prévention semble revenir avec insistance dans les programmes grands risques. Les clients sont-ils plus ouverts dans une période où les budgets vont se contraindre ?
Nous faisons le constat d’une réelle demande de nos clients pour davantage de prévention, dans une perspective plus globale de gestion de leur budget de risques. Bien évidemment, sur certaines polices, il peut y avoir de la part de nos équipes d’ingénierie des recommandations, mais l’essentiel reste à la demande des industriels. Nous sommes convaincus qu’avoir une équipe dédiée est essentiel et mettons à disposition de nos clients les 700 ingénieurs Zurich en France et à travers le monde.
Quels sont les segments de marché que vous souhaitez investir dans les 12/18 prochains mois ?
Avant toute chose, nous souhaitons continuer à nous établir comme un acteur incontournable sur le segment des moyennes et des grandes entreprises, en apportant notre expertise technique notamment sur les captives et en ingénierie prévention. Nous allons également poursuivre le développement de notre activité sur le marché des particuliers. Notre expérience en la matière pourrait ainsi nous accompagner demain sur les très petites entreprises dont les comportements et attentes en matière d’assurance sont proches, même si cela n’est pas aujourd’hui un sujet d’actualité.
En outre, nous avons pour objectif d’accélérer notre transformation technologique et de faire un usage plus pointu de nos données au service de notre expertise technique. L’arrivée récente de Mathieu Pauwels, précédemment Directeur digital, robotique, automatisation & technologies pour le Groupe, comme nouveau COO, doit nous y aider, et nos 17 équipes agiles travaillent elles-aussi à des améliorations de nos modes de fonctionnement, dans la perspective de réallouer des ressources et de fluidifier nos processus au bénéfice de nos équipes et de nos clients.
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