Franck Devulder : "Ouvrons les chakras de l’assurance complémentaire"
La CSMF et Avenir Spé-Le Bloc proposent d’autoriser les dépassements pour les médecins de secteur 1 et de mettre les complémentaires à contribution.
L’ensemble des syndicats de médecins libéraux ont annoncé une grève reconductible ce vendredi 13 octobre. Une situation inédite en France qui risque de perturber davantage un système de santé à bout de souffle.
Parmi leurs revendications, les libéraux demandent la réécriture de la loi Valletoux et « une réouverture des négociations conventionnelles avec l’assurance maladie obligatoire et l’assurance maladie complémentaire. La deuxième partie de la phrase est aussi importante que la première », a déclaré Philippe Cuq, président du Bloc, en conférence de presse. Au moins deux des six syndicats de médecins sont favorables à une participation plus importante des OCAM dans le cadre de la future convention médicale.
Pour Franck Dévulder, président de la CSMF, « le système de santé s’essouffle et n’a jamais été aussi mal en point. Le principe de 1945 selon lequel chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins ne marche plus. Aujourd’hui c’est plutôt chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon son réseau, selon son lieu d’habitation ou selon ses relations avec le corps médical… ».
Crainte sur le sous-Ondam
Et Franck Devulder de s’inquiéter sur le sous-Ondam de 3,5% pour les soins de ville, prévu dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024, alors que l’inflation devrait atteindre 5,5%. Et que l’Ondam pour 2023 a été révisé à la hausse. Le médecin évoque par ailleurs les 3.000Mds d'euros de dette publique et « la crainte légitime des pouvoirs publics de voir la note de la France dégradée, ce qui coûterait 50Mds d’euros au pays ».
Le représentant des médecins est soucieux. Le vieillissement de la population et l’augmentation des maladies chroniques vont peser davantage sur les dépenses de l’Assurance maladie obligatoire, qui est aujourd’hui le principal financeur du risque lourd. « Je suis favorable à une participation plus importante de l’assurance maladie complémentaire sur les risques lourds, par exemple sur le suivi des patients diabétiques. Plutôt que de rembourser certains exercices mystérieux avec un niveau de preuve douteux, laissons les complémentaires intervenir davantage sur le risque lourd », considère le médecin.
L'inquiétude des médecins
Le président de la CSMF s’inquiète par ailleurs de l’évolution de la démographie médicale. « Il faut mettre le paquet sur l’attractivité du métier de médecin libéral. Nous étions 55.000 il y a quelques années, nous sommes aujourd’hui 44.000. Les conditions d’exercice ne sont pas à la hauteur. Aujourd’hui, un médecin salarié a une file active de 300 patients tandis qu’un médecin libéral en a 1.100. En Allemagne, le médecin libéral voit 2.500 patients, grâce à la délégation de tâches », partage Franck Devulder.
Conscient de la capacité financière limitée de la puissance publique pour investir sur le système de santé, Franck Devulder conclut : « Il me paraît logique d’ouvrir les chakras des assurances complémentaires ».
Optam pour tous
La CSMF propose donc de mettre en place « une option pratique tarifaire maîtrisée (Optam) pour tous les médecins avec un espace de liberté tarifaire encadré et solvabilisé tout ou partie par l’assurance maladie complémentaire ».
Concrètement, la proposition s’adresse aux médecins de secteur 1, qui représentent les trois quarts des médecins français. Leurs tarifs sont aujourd’hui encadrés et ils ne peuvent pas appliquer des dépassements d’honoraires. L’Optam leur permettrait de pratiquer des dépassements, à certaines conditions. « Avoir plus de ressources est une condition indispensable pour mieux s’organiser et pouvoir déléguée davantage de tâches », soutient F. Devulder.
Par ailleurs, la CSMF ne souhaite pas toucher aux conditions d’exercice du secteur 2. Aujourd’hui, uniquement les médecins de secteur 2 peuvent appliquer des dépassements d’honoraires. Ils représentent 25% des médecins et la moitié des spécialistes.
Le syndicat de médecins a présenté sa proposition le 6 octobre dernier dans le cadre de son université d’été, en présence de Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale d’Assurance Maladie (Cnam), d'Aurélien Rousseau, ministre de la Santé et de la Prévention et d’Eric Chenut, président de la Mutualité Française.
L'Assurance Maladie émet des réserves
Thomas Fatôme a émis des « réserves » et rappelé que toute participation supplémentaire des organismes complémentaires se traduirait en augmentation de cotisations. « Si on augmente de 8% les cotisations des mutuelles tous les ans, on va mettre la France à genoux, concède Franck Devulder. Nous proposons de réécrire le pacte social avec les complémentaires, pour que le système soit plus protecteur pour les plus fragiles grâce à l’assurance maladie obligatoire et plus responsabilisant pour les autres via les complémentaires. Les évolutions de tarif des complémentaires devraient faire l’objet d’une discussion entre l’État, les complémentaires et les médecins, sans aller jusqu’à l’encadrement tarifaire ».
La CSMF souhaite également que « l’Unocam joue un rôle plus important dans le cadre de la future négociation conventionnelle, sans lui donner pour autant la possibilité d’exercer un droit de veto », indique Franck Devulder.
Parmi les autres syndicats de médecins, Avenir Spé-Le Bloc a manifesté son soutien au projet de la CSMF de travailler davantage avec l’Assurance maladie complémentaire. Des représentants du secteur de l’assurance des complémentaires devraient participer à une manifestation que le syndicat organise en novembre. En revanche MG France, principal syndicat de médecins généralistes s’y oppose farouchement. Pour sa présidente, Agnès Giannotti, l’effort financier doit venir de l’État.
Par ailleurs, la CSMF a un partenariat en cours avec Klesia avec qui ils ont mis en place des consultations de prévention pour les salariés de la branche du transport. Franck Devulder balaie les critiques de certains médecins qui craignent que les complémentaires mettent en place des réseaux de soins de médecins réservés à leurs assurés. « C’est une ligne rouge infranchissable. Il n’est pas questions d’avoir des réseaux de soins fermés », conclut F. Devulder.
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