Gaëtan Levieux (AMIG) : "La décision de l'ACPR nous a semblé saine et logique"
INTERVIEW - Pour News Assurances Pro, Gaëtan Levieux, le directeur général d’AMIG fait un point détaillé de la situation de la mutuelle d'assurance. Entre travaux de mise en conformité, reprise de contrats ou arrivée d'un administrateur indépendant, la société Assurance Mutuelle d'Illkirch Graffenstaden réfléchit également à de nouvelles perspectives de développement.
Pour éviter les confusions et les fantasmes autour d’AMIG, pouvez-vous me décrire en détails comment est constitué votre portefeuille à fin 2022 ?
À fin 2022, nous comptons 2.000 sociétaires sur notre activité historique – majoritairement de la MRH et de la PNO, avec une trentaine de petits contrats MR Pro pour des commerçants - pour un volume de primes encaissées de 700.000 euros. A cela s’ajoutent 3.000 contrats Dommages Ouvrage, pour un volume de primes d’environ 6,5M d’euros.
Depuis juillet dernier, l’ACPR vous a temporairement interdit toute souscription, estimant que vous ne respectiez plus les exigences de solvabilité en matière d’assurance construction. Comment l’expliquez-vous ?
Si l’on fait un retour en arrière, nous avons débuté notre activité DO en janvier 2020 avec un démarrage en douceur, autour de 500 contrats. En 2021, notre développement s‘est fortement accéléré sur cette activité ce qui a conduit AMIG à dépasser le seuil de 6,2M d’euros de chiffre d’affaires, ce dernier ayant presque triplé.
Selon le code des assurances, il nous fallait alors un fonds de garantie de 1,9M d’euros de fonds propres que nous avions tout juste, mais qui restait trop fragile. Nous avons alors initié une augmentation de fonds propres mais l’opération, très chronophage, tout comme l’est aussi la structuration interne, s’est révélée insuffisante pour nous permettre de continuer à augmenter nos volumes sur cette branche.
Cela a donc entraîné ensuite l’arrêt de la souscription pour AMIG, un coup de frein nécessaire pour nous mettre à jour avant de reprendre (je l’espère) un développement d’activité. La décision nous a semblé saine et logique, sans incidence sur le suivi de nos clients et du portefeuille actuel.
Qu’en est-il de ces contrats DO aujourd’hui, de leur gestion et du paiement des sinistres ?
Dès la mise en place du programme DO, ces contrats, ont été gérés par notre intermédiaire Leader Insurance et c’est toujours le cas aujourd’hui. Il n’y a donc pas de sinistres non payés, ni d’assurés sans contrat. Nous n’avons aucun sujet de pérennité sur ce programme.
Quid de vos réassureurs en la matière ?
Nos réassureurs ne souhaitent pas être cités mais pour notre activité historique, notre réassureur français* est le même depuis plusieurs décennies. En dommage ouvrage, nous disposons aussi d’un programme de réassurance stable, le même depuis le démarrage du programme. Les résultats techniques sont satisfaisants et il n’y a aucun souci dans le suivi actuel du portefeuille.
Nos réassureurs nous accompagnent dans cette transformation, et nous travaillons activement sur une reprise du portefeuille DO. Nous avons initié des contacts auprès de compagnies traditionnelles ou des acteurs spécialisés en "run off". Mais notre petit volume reste un frein pour certains.
Qu’en est-il aujourd’hui de la mise en conformité d’AMIG ?
Face à notre rapide croissance, nous souhaitons aujourd’hui nous concentrer sur cette mise en conformité en étroite collaboration avec le régulateur. Nous travaillons d’une part sur les exigences réglementaires conditionnelles à la reprise de notre activité et d’autre part à la structuration de notre contrôle interne et notre gouvernance.
Sur ce point, nous sommes aujourd’hui prêts à accueillir un administrateur indépendant si cela peut nous aider à accélérer le rétablissement de notre situation et à prouver que nous souhaitons collaborer et sommes transparents et proactifs dans nos démarches.
C’est aussi dans cet objectif que nous avons confié nos contrats multirisques habitation, multirisques non occupants et multirisques professionnelle à la Caisse Meusienne d'Assurance Mutuelle (CMAM) qui a resouscrit ces derniers au 1er janvier 2023 (voir question ci- dessous).
Dans cet objectif de mise en conformité, des travaux sont en cours afin de valider les fonds propres que nous estimons toujours à 1.9M en plus de notre travail pour la reprise du portefeuille DO. En termes de timing idéal étant donné tous ces éléments, nous espérons pouvoir retrouver notre autorisation de souscrire entre le 1er juillet et le 1er septembre 2023.
Un rapprochement ou un arrimage avec un autre acteur a-t-il été envisagé pour vous soulager ?
Nous avons discuté avec le Gamest et UniRé, ainsi qu’avec des mutuelles d’assurance de notre taille pour envisager de fusionner, mais l’ensemble de nos échanges étaient là encore conditionnés au transfert de notre portefeuille DO car la plupart de ces acteurs n’étaient pas positionnés sur cette activité.
De plus, intégrer une Sgam nous aurait obligé à verser un ticket d’entrée conséquent, difficile à mobiliser dans notre situation. Par ailleurs, nous avons également initié des contacts avec des différentes acteurs exerçant en Dommages Ouvrage, sans suite à ce stade.
Vous avez annoncé le 1er janvier dernier le transfert de votre portefeuille à la CMAM. Cette dernière vous a demandé des garanties, où en êtes-vous de vos discussions ?
Je rappelle d’abord que les contrats DO ne sont pas concernés par cette resouscription à la CMAM. Il n’en a d’ailleurs jamais été question, ces contrats n’étant pas renouvelables annuellement. Pour nos activités traditionnelles, la CMAM nous a effectivement demandé un audit de notre portefeuille et nous finalisons actuellement les modalités pratiques de « transfert ».
Techniquement, notre société de courtage AMIG Assurances va resouscrire ces contrats à l’identique auprès de la CMAM qui portera le risque et nous en garderons la gestion. Si certains contrats ne sont pas conformes aux attentes de la CMAM, Monceau Assurances, qui connait parfaitement notre portefeuille, fait également partie des éventuels repreneurs.
J’en profite d’ailleurs pour préciser que ce changement a été transparent pour les clients concernés, AMIG restant l’intermédiaire de ses derniers pour l’ensemble des opérations et l’agence d’Illkirch l’interlocuteur pour tous renseignements ou acte de gestion. La priorité ayant été, par cette opération, de sécuriser la parfaite continuité de garanties pour nos sociétaires.
Quelles sont vos perspectives de développement aujourd’hui ?
Là encore je fais un retour en arrière. Nous sommes une petite mutuelle qui opère avec des agréments en branche 8, 9 et 16. Historiquement, nos activités en branche 13 (ndlr : Responsabilité Civile) étaient portées par plusieurs acteurs dont Covéa qui s’est finalement retiré il y a quelques années, car notre volume de primes était là aussi trop faible.
Notre objectif avec la DO était donc de pouvoir atteindre progressivement les minima réglementaires pour obtenir notre agrément branche 13. J’insiste sur le fait qu’il est difficile pour une petite mutuelle qui évolue sous Solvabilité 1 de grandir et de rester indépendante tout en demeurant pérenne. Nous avons énormément appris ces derniers mois et travaillons pour avancer sur la bonne voie.
Une fois notre situation clarifiée, nous souhaiterions reprendre notre plan de développement et nous engager de manière contrôlée sur notre activité historique, les assurances MRH et propriétaires non-occupants, ainsi que sur de nouvelle solutions en multirisques églises et lieux de cultes - très présents dans notre région -ou sur les petites collectivités pour l’assurance de leurs biens immobiliers.
*Selon les informations de News Assurances Pro, il s’agit de la MCR (Mutuelle Centrale de Réassurance - groupe Monceau Assurances)
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