HCAAM : Quel avenir pour la complémentaire santé et la prévoyance ?
Le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie doit rendre un avis à l’été 2021 sur la place de la complémentaire santé et la prévoyance en France. Un premier document de travail avance des pistes, entre encadrement de la prévoyance et transfert des garanties à la sécurité sociale.
L’HCAAM a publié le 7 janvier un document de travail de 43 pages qui dresse un bilan très intéressant sur l’état de la protection sociale complémentaire en France. Le document revient sur les réformes successives du secteur : de la loi Evin à la réforme sur le reste à charge zéro, en passant par la généralisation de la complémentaire santé.
Grâce à une approche pluridisciplinaire, le texte pose plusieurs constats : la dépendance de la qualité de la couverture santé et prévoyance au statut d’activité professionnelle (salariés du secteur privé, avec de fortes différences selon le secteur et la stabilité de l’emploi ; fonctionnaires ; travailleurs indépendants ; chômeurs ; retraités).
Les disparités en matière de couverture sociale pèsent particulièrement sur les ménages les plus précaires, pour qui le taux d’effort pour financer une couverture complémentaire reste très élevé, malgré la création de la complémentaire santé solidaire, comme pour les personnes âgées.
« Faut-il privilégier la résorption des inégalités de couverture complémentaire, en particulier en faveur des catégories les moins bien couvertes ou supportant les plus lourdes charges ? Faut-il maintenir le degré actuel d’encadrement des garanties, le renforcer voire pour certaines les intégrer à la couverture de base ou donner de nouvelles marges de manœuvre aux acteurs et, si oui lesquelles ? Les modalités de participation des organismes complémentaires à la gouvernance du système de santé sont-elles satisfaisantes ? Faut-il accorder une plus grande attention à la diffusion des garanties en matière de prévoyance ? », s’interroge le HCAAM.
Les auteurs constatent une polarisation des remboursements de l’assurance maladie publique en faveur des assurés ayant les dépenses les plus élevées, ainsi qu'une augmentation en valeur des restes à charge qui peuvent être particulièrement importants, soit du fait de dépassements d’honoraires ou de prestations à tarifs libres, soit de dépenses hospitalières.
Par ailleurs, le texte fait état d’un encadrement progressif des garanties qui conduit à une normalisation de la couverture ainsi qu’à une préférence donnée à la couverture collective de certaines catégories d’actifs.
« En outre, ces réformes ont été conduites pour la plupart sans lien explicite avec les catégories du droit de l’Union européenne, qui s’avèrent pourtant structurantes pour appréhender la nature des activités exercées », indique le texte.
La soutenabilité du système pose question
Les auteurs s’interrogent sur la question de la soutenabilité des dépenses de santé à la charge des ménages, notamment des plus âgés et des plus modestes et soulèvent un "risque de désaffiliation" de certains assurés.
« Par ailleurs, à trop contraindre la couverture du risque santé, n’obère-t-on pas les marges de manœuvre pour la couverture du risque prévoyance, risque dont les modalités et les contenus de couverture ne sont pas réglementés, alors que la survenue d’un évènement lié à la prévoyance laisse des montants restant à couvrir après l’intervention de la sécurité sociale très conséquents en comparaison aux frais de soins, risque qui en outre est moins bien couvert que le risque santé ? », écrivent les auteurs.
Le transfert des charges de l’assurance maladie à l’assurance complémentaire conduit à une augmentation du prix de la couverture et donc, de ricochet, à un « alourdissement des dépenses de santé à la charge des ménages dont on peut se demander si le poids dans le revenu à terme sera acceptable a fortiori à la suite de l’actuelle crise sanitaire ».
L’HCAAM aborde plusieurs sujets épineux sur le secteur des complémentaires qui sont souvent abordés dans le débat public : le « défaut de lisibilité des contrats qui ne facilite pas les choix », « les charges de gestion administrative induites par la multiplicité des organismes » et « le rôle des assurances maladie complémentaire dans l’orientation des patients », notamment via les réseaux de soins. L’HCAAM finit par aborder la « question de la soutenabilité du point de vue du pilotage des dépenses de santé et d’un modèle combinant au cas par cas l’AMO et les AMC ».
Quel avenir pour l'assurance complémentaire ?
Alors, faut-il mettre un terme à l’assurance complémentaire ? L’HCAAM doit rendre son avis a l’été. Entre-temps, le haut conseil écrit : « L’hybridation peut être une force si elle permet de bénéficier des vertus de chaque système : l’universalité et la solidarité pour l’assurance obligatoire, l’adaptation aux besoins et la stimulation par la concurrence pour l’assurance complémentaire. Mais elle peut aussi induire la confusion des rôles, la redondance et la duplication des frais de gestion qu’elle occasionne par des interventions portant sur les mêmes périmètres et l’incapacité à atteindre les objectifs poursuivis ».
Pour réformer le système, deux possibilités sont avancées : la première consiste à corriger les défauts en maintenant le rôle des organismes privés en complément de l’assurance maladie sur le panier des soins et les prestations qu’elle définit : « libre choix de l’organisme d’adhésion par les particuliers et les entreprises, libre jeu de la concurrence dans le cadre défini par les pouvoirs publics, solvabilisation par les pouvoirs publics pour certaines catégories vulnérables ». Dans ce cas là, pour améliorer l’accès à la couverture, le HCAAM recommande de prendre en compte parmi les conditions d’éligibilité à la C2S un critère d’âge ou le taux d’effort. L'avantage de cette option est de ne pas bouleverser un système qui a déjà connu beaucoup d’évolutions ces dernières années. En revanche, en ajoutant de nouveaux correctifs, le risque serait d’accroître la complexité juridique. Les acteurs s’interrogent sur la « soutenabilité réglementaire » sur ce marché.
L’autre option consisterait à imaginer un nouveau système. Trois scénarios sont avancés : Renforcer l’encadrement des couvertures santé et étendre cet encadrement à la prévoyance. Un deuxième scénario consisterait « à intégrer tout ou partie des garanties offertes par les complémentaires actuelles dans la couverture de base en matière de santé comme en matière de prévoyance ». Le troisième scénario consisterait à « rouvrir une liberté plus grande de définition des niveaux et contenus des garanties proposées par les assurances complémentaires ».
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