Indemnités journalières : 800M d’€ de versements injustifiés
La Cour de Comptes estime à 800 millions euros le montant annuel des indemnités journalières versées de façon injustifiée suite à des erreurs dans l’attribution et le calcul des prestations ou bien des durées d’indemnisation anormalement longues.
Dans son rapport annuel sur l’application des lois de sécurité sociale, la Cour de Comptes se penche sur les indemnités journalières (IJ), qui s’élèvent à 14,5Mds d’euros en 2017, dont 8Mds d’euros pour cause de maladie. Les sages estiment que 5,5% des IJ sont injustifiées ou potentiellement évitables. A partir des données communiquées par la Cnam, la Cour chiffre la dépense injustifiée à 800 millions d’euros par an, dont 300M d’euros au titre des erreurs dans l’attribution et le calcul des prestations et 485M au titre de l’allongement anormal de certaines durées de versement. La Cour souligne en plus que « les informations transmises par la Cnam ne permettent pas de chiffrer la totalité des anomalies ».
Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce dérapage : « délais souvent élevés de mise en paiement des indemnités, dématérialisation partielle de l’acquisition et du traitement des données nécessaires à leur attribution, maîtrise insuffisante de la réglementation au stade de la liquidation des prestations et discontinuités des processus de gestion de l’indemnisation des arrêts de travail et d’autres situations d’inactivité », écrivent les sages de la rue Cambon.
300M d’euros d’erreurs de calcul
Un test national de recalcul des indemnités journalières est effectué tous les ans sur un échantillon de 1.000 prestations versées au titre des trois risques (maladie, maternité et accident du travail-maladie professionnelle). 12% des indemnités nouvellement attribuées comportaient une erreur de portée financière en 2018. Le montant des erreurs atteint 3,9% du montant global des prestations, soit 538M d’euros d’erreurs, dont 414M d’euros au détriment de l’Assurance Maladie et 124M d’euros au détriment des assurés et des employeurs. Le coût net de ces erreurs pour la Cnam atteint 300M d’euros.
« L’ampleur des erreurs de liquidation des indemnités journalières résulte du manque de contrôles automatisés de cohérence sur les données déclarées par les employeurs et les assurés », indique la Cour.
485M d’euros sur la durée d’indemnisation
De son côté, la Cnam avance que les 485M d’euros correspondant à des durées d’indemnisation trop longues « seraient ramenés à 215 M€ quand des mesures de refonte des systèmes d’information du système médical auront fait sentir leurs effets, et pourraient être quasiment annulés si des mesures réglementaires venaient soutenir l’évolution des pratiques de gestion ». Les améliorations apportées aux processus de gestion de l’indemnisation des arrêts de travail auraient permis de ramener ces dépenses potentiellement évitables de 825 M€ à 485 M€.
La Cour souligne que les délais de versement des indemnités journalières pour un premier arrêt maladie se réduisent « lentement » : 27,7 jours en 2017, après 28,8 jours en 2015 et 34,4 jours en 2013, lorsqu’il n’y a pas de subrogation (maintien de salaire par l’employeur en attente du versement des IJ).
La DSN représente 55% des attestations dématérialisées
Ces délais s’expliquent en partie à cause de la dématérialisation encore partielle de l’acquisition et des données nécessaires à l’indemnisation des arrêts de travail. Ainsi, 14% des attestations de salaire sont envoyés en papier. La déclaration sociale nominative (DSN), obligatoire pour les salariés du privé depuis 2017, ne représente que 55% des attestations dématérialisées, contre 45% pour l’outil mis à disposition par la Cnam.
« La dématérialisation des avis d’arrêt de travail est encore moins avancée », écrit la Cour des Comptes. En juillet 2019, 47% des avis de travail ont été transmis par voie dématérialisée par les médecins prescripteurs, contre 22,6% en 2016. D’ici 2021, la prescription par voie dématérialisée des arrêts de travail sera obligatoire, ce qui « devrait permettre de réduire les délais d’acquisition et traitement des avis de travail ».
Le délai de convocation avec le médecin conseil est passé de 31 jours en 2015 à 23 jours en 2019. 60% des assurés sont désormais reçus par le service médical dans les 15 jours. La Cnam a pour objectif de réduire le délai moyen à moins de 8 jours en 2020.
La Cour appelle également à surveiller la durée moyenne des temps partiels thérapeutiques (TPT) qui permettent de majorer d’un an le délai maximal de trois ans pendant lequel l’indemnité journalière est maintenue.
Par ailleurs, le délai entre le moment où le service médical constate que l’arrêt n’a pas lieu de se poursuivre et la reprise du travail a été ramené à 18 jours en 2019, contre 24 jours en 2014. La Cnam chiffre à 55M d’euros les économies réalisées et estime à 50 M€ les économies potentielles.
D’autres anomalies concernent des salariés hors ALD qui ont été indemnisés plus de 360 jours en trois ans, au-delà de la période maximale d’indemnisation. Ainsi, « 166.000 assurés hors ALD ont été indemnisés plus de 360 jours au cours de la période 2015-2017 et 153.000 au cours de la période 2014-2016 », souligne la Cour.
D’autres problèmes de gestion surviennent de l’articulation des arrêts de travail avec d’autres dispositifs d’inactivité (invalidité, chômage et retraite). Ainsi, « 48% des assurés dont l’invalidité a été reconnue en 2017 avaient été indemnisés au titre du risque maladie pendant au moins 400 jours dans les trois ans avant cette reconnaissance et 10% pendant au moins 600 jours ». Par ailleurs, « le délai de prise d’effet de l’invalidité dépassait encore 45 jours après l’avis médical dans 29 % des cas, contre la totalité en 2014 ».
Les caisses primaires d'assurance maladie peuvent consulter les informations de Pôle Emploi pour identifier le cumul injustifié d’IJ et d’allocations chômage, mais le contrôle se fait au cas par cas. « L’assurance maladie ne suit pas le nombre de bénéficiaires d’allocations chômage concernés par un arrêt de travail, ni le montant des indemnités correspondantes », souligne La Cour. Concernant les retraités, « le service médical de l’assurance maladie ne reçoit pas les informations utiles de la CNAV pour cibler les contrôles, vérifier que les arrêts de travail sont justifiés et s’assurer que les assurés concernés demeurent aptes au travail ».
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