INTERVIEW - Nicolas Gomart est directeur général du groupe Matmut. En cette rentrée, il fait le point, pour News Assurances Pro, sur la crise du coronavirus et ses conséquences. Il revient également sur le rapprochement avorté avec Solimut et le développement des partenariats de la mutuelle rouennaise.
Comment se porte l'activité du groupe depuis le déconfinement ?
Sur la période, nous avons doublé le flux purement digital de souscription de bout en bout, en auto et en habitation. Cela reste des taux encore relativement modestes. Mais, nous avons connu des pics au-dessus des 10% des affaires nouvelles en MRH. C'est la concrétisation du fait que la crise a été un accélérateur de l'utilisation des canaux digitaux. Pour autant, nous avons évidemment connu une forte chute de l'activité pendant le confinement. Depuis le déconfinement, nous connaissons une reprise très forte. Ainsi, à fin juillet, nous observons une croissance de nos portefeuilles assez sensible. D'une année sur l'autre, nous avons près de 80.000 sociétaires supplémentaires, pour près de 200.000 nouveaux contrats. Par ailleurs, les flux sur les affaires nouvelles sont supérieurs à ceux que nous avions connus, par exemple, en 2018.
Au-delà de la reprise économique, ces chiffres s'expliquent également par le fait qu'une partie de nos collaborateurs était revenue en agences, dès le mois d'avril, sur la base du volontariat. Enfin, en assurance santé, le constat est identique, notre portefeuille croit de plus de 6% depuis l'année dernière, avec une production en hausse de 6% également par rapport à 2019. Ainsi, la dynamique commerciale du groupe est bonne."Malgré le contexte actuel, notre solvabilité devrait rester stable"
Comment évolue la sinistralité depuis la fin du confinement ?
Nous constatons une reprise de la sinistralité en dommages – en auto naturellement, avec la reprise du trafic routier - bien qu'elle soit relativement stable en MRH d'une année sur l'autre. En santé, c'est très variable selon que l'on se situe en collectif ou en individuel. En collectif, les entreprises paient à terme échu. Dès lors, le point de vigilance se situe moins sur la hausse des prestations que sur la diminution des cotisations. En santé individuelle, nous notons une reprise assez forte en dentaire, de l'ordre de 10%, en y intégrant la période du confinement. Dans ce cas précis, c'est clairement lié au 100% Santé. Globalement sur les soins, l'effet rattrapage est indéniable. Il devrait se poursuivre dans les prochains mois.
La solvabilité du groupe a-t-elle été secouée par la crise financière ?
Nous sommes particulièrement vigilants sur nos portefeuilles en vie, car ces modèles sont très volatils. Pour autant, le groupe a une solvabilité autour de 200% et malgré la situation actuelle, notre ratio devrait rester stable. Nous avons un portefeuille modeste en assurance vie et nous avions pris des mesures dès l'année dernière. Il est certain, et c’est dommage, que la crise de ces derniers mois nous pousse à une plus grande sélectivité dans nos investissements en actions. Cette prudence vis-à-vis de la gestion de notre solvabilité nous incite à moins investir que ce que nous souhaiterions sur les marchés actions, alors que la France a un réel besoin d'investissement dans l'économie.
Faut-il revoir le modèle de Solvabilité 2 ?
Il serait intéressant de réviser les exigences en fonds propres pour les investissements répertoriés par l'Union européenne en catégories dites « vertes ». J'y vois deux avantages. Cela favoriserait l'investissement en actions d’une part et la transition écologique d’autre part.
Cette crise vous incite-t-elle à revoir votre gestion RH ?
La période a été particulièrement intense sur le plan du dialogue social et de la négociation d’accords d’entreprise. Immédiatement après le déconfinement, nous avons ouvert des discussions sur le télétravail avec les organisations syndicales. Elles devraient aboutir dans les prochaines semaines. Les bases de l'accord, qui reste à finaliser, prévoient 2 jours par semaine de travail à distance et la capacité à faire du télétravail à plus grande échelle en cas de crise, qu'elle soit locale ou nationale. Sans oublier notre accord innovant sur les congés solidaires, un dispositif qui a très bien fonctionné auprès des collaborateurs.
Vous avez transformé AMF Assurances en Matmut & Co pour y loger les partenariats. Où en êtes-vous sur ce point ?
Matmut&Co est en effet une structure désormais dédiée aux risques spécifiques et à des partenariats. La période de crise Covid que nous vivons n’est naturellement pas la plus favorable pour le développement de certains d’entre eux comme celui mis en place avec avec Attijariwafa Bank.
En revanche, concernant Cardif Iard, notre joint venture avec BNP Paribas, l'activité se poursuit de façon satisfaisante. Le portefeuille continue de progresser régulièrement, sous l'effet de la migration des contrats logés chez Natio Assurance et grâce aux affaires nouvelles.
Autre type de partenariat, celui avec Cdiscount, qui fonctionne bien. Comme annoncé au moment du lancement en 2019, il y aura une nouvelle étape en 2020, avec une offre d’assurance santé développée spécifiquement.
Le projet de rapprochement avec Solimut est stoppé. Que s'est-il passé ?
Selon la définition de l'ACPR, entrer dans une Sgam c'est reconnaître l'influence dominante des instances de contrôle de la Sgam sur la vie des affiliés. Concrètement, un certain nombre de décisions nécessitent l'approbation préalable de la Sgam. Sans en contester la légitimité, dans le cadre de ce que je viens de décrire, Solimut n'a pas souhaité que certaines décisions soient soumises à validation par la Sgam, notamment la nomination des dirigeants effectifs en cas d'exercice de la solidarité financière. Pour des raisons qui leur sont légitimes, ils ont préféré ne pas poursuivre les discussions. Pour autant, les relations restent très bonnes. De fait, Jean-Paul Benoît, président de la Fédération des Mutuelles de France, dont Solimut est très proche, reste censeur au sein du Conseil d’administration de Matmut.
"On ne peut pas être certain aujourd'hui que le régime Catex verra le jour"
Quelles seront les orientations tarifaires du groupe ?
Comme nous l'avons annoncé, en automobile, il n'y aura aucune hausse tarifaire en 2021. Certains sociétaires pourront même voir leur tarif baisser, sous l’effet de l’ajustement de zoniers… En habitation, nous n'avons pas encore décidé. Mais s'il doit y avoir une augmentation, elle sera extrêmement modeste. Malgré, par exemple, les coûts de la sécheresse, nous sommes bien conscients que la période que nous venons de vivre a été compliquée pour la plupart de nos sociétaires et que nous devons faire un effort. En santé, c'est plus flou. L'impact du 100% Santé est encore difficile à évaluer. Puis, le gouvernement a décidé de taxer les complémentaires santé. A cela s'ajoute l'arrêt des remboursements en homéopathie. Mais là encore, nous tâcherons d’avoir une approche modérée, pour tenir compte du contexte.
Le régime Catex verra-t-il le jour ?
Rappelons-nous que ce genre d'évènements est très difficilement assurable. On évoque un montant de 12Mds d'euros, dont les deux premiers milliards seraient pris en charge par les assureurs et les réassureurs… Le reste serait à la charge de l'État. Ce dernier est réticent… Les réassureurs estiment qu'il y a trop de périls… Les petites entreprises craignent que les primes se renchérissent sensiblement... On le voit, l'équation est particulièrement complexe. C’est pourquoi, même si les assureurs se sont fortement mobilisés en sa faveur et souhaitent que ce régime voie le jour, on ne peut aujourd’hui en être totalement certain.
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