Laurent Belhout : « Aon France vise des acquisitions de niches ou de spécialités »
INTERVIEW – Laurent Belhout, directeur général d'Aon France, fait un tour d'horizon de l'actualité – chargée - du courtier, entre croissance organique, projets d’acquisitions, processus d'appels d'offres et recrutements.
Quel regard portez-vous sur la récente offre de rachat formulée par Aon sur Willis Towers Watson ?
Je ne sais pas si il y a eu offre de rachat, la presse parle de discussions. L’hypothèse d’un rapprochement serait une excellente nouvelle pour Aon, et notamment pour Aon France. D’un point de vue macro-économique, les synergies entre nos deux groupes sont assez évidentes. Dans l'Hexagone, Gras Savoye WTW est très peu présent sur les grands comptes mais bénéficie d'un important maillage régional. Il n'y a donc pas de redondance avec nos activités et cette opération, si toutefois elle se finalisait, pourrait donc être très complémentaire et nous permettre de devenir le premier courtier européen.
Pouvez-vous revenir en détails sur votre exercice 2018 ?
À fin 2018, Aon France enregistre une croissance organique de 10% pour un chiffre d'affaires qui s'établit à 333M d’euros, ce qui représente la meilleure progression des filiales européennes du groupe. Toutes nos lignes de business ont performé durant l'année. L’auto ou la construction ont par exemple enregistré des progressions au-delà de 20% et seule l’activité affinitaire, malgré une croissance de 5% sur l'exercice, progresse moins rapidement.
Ce métier demande des investissements technologiques conséquents et du temps de développement. Le récent rachat de Chapka Assurances (7M d'euros de chiffre d'affaires annuel), qui enregistre une croissance de 30% de son activité au premier trimestre 2019, va nous permettre de monter rapidement en puissance sur l’affinitaire avec pour objectif d’atteindre à fin 2019 une croissance de 10%.
A l'échelle du groupe, Aon France (dont dépendent les entités luxembourgeoises, belges et marocaines) est aujourd'hui en Europe la troisième filiale derrière l’Angleterre et la Hollande, au même niveau que l’Allemagne, l'Espagne et l'Italie. Au global, nous devrions de nouveau enregistrer une dynamique organique de +10% en 2019, en nous orientant désormais vers de la croissance externe.
Justement, quels sont les objectifs d'Aon France en termes d'acquisition ?
En France, nous visons des acquisitions de niches ou de spécialités, c'est-à-dire des cabinets de courtage avec peu de chiffre d'affaires mais avec des activités structurantes et stratégiquement cohérentes avec notre positionnement. Si demain nous décidons de nous implanter en région, le bassin lyonnais du courtage nous semble intéressant. Nous n’y avons pour l'heure pas d’opportunité et partir « from scratch » sur ce marché mature semble difficile. La région Est nous paraît également porteuse, mais avec les mêmes problématiques évoquées précédemment.
Quelle analyse faites-vous sur la situation tarifaire actuelle du marché ?
Le marché répond aujourd'hui de manière sensiblement différente à ce que l’on pouvait voir ces dernières années. Les tarifs ont tous une limite technique et cette limite est aujourd’hui atteinte. La période qui consistait à prendre des parts de marché en faisant du dumping tarifaire est donc derrière nous pour l’instant. En dommages, les ratios combinés des assureurs, sauf quelques exceptions, sont tous repassés au-dessus de la barre des 100% et les tarifs ne baisseront pas à court terme.
Sur les grands appels d'offres, quelle est votre politique de sélectivité ?
En termes de sélectivité il faut être rationnel. Au vu de l’investissement que représente la participation à un appel d'offres, un courtier responsable ne va pas concourir à une affaire dont les probabilités de gains ne sont pas élevées. De même, perdre des comptes structurellement déficitaires est de notre obligation de bon gestionnaire responsable. Aujourd'hui, 70% de nos acquisitions se font hors appels d’offres et nous enregistrons à fin 2018 un taux de rétention à 97%. Voilà pourquoi nous avons la confiance de nos actionnaires.
Sur ce sujet, comment fonctionne votre processus de Go / No Go ?
C’est une décision très collégiale qui implique nos commerciaux, nos techniciens et moi-même. Ce qui génère un go, c’est d'être certain qu’Aon France a une valeur ajoutée sur le dossier. Sur notre dernier appel d'offres, la multinationale n’avait pas de programme d'assurances international. En lui proposant de lui construire une solution de toute pièce, notre valeur ajoutée et notre expertise ont été structurantes pour ce client. Si nous n’avons pas cette perception de valeur ajoutée dès le départ, c'est un no go !
Les récents mouvements de concentration chez certains porteurs de risques vous inquiètent-ils ?
Le regroupement d'Axa et d'XL ne permettra évidemment pas de disposer de deux fois 400M d’euros de capacités sur le marché. Néanmoins, tant qu'il n'y a pas de raréfaction de la capacité sur le marché, je n'ai pas d'inquiétude. D'autant que l'arrivée possible d'autres acteurs en Europe comme Berkshire Hathaway, est une bonne nouvelle compte tenu de sa capitalisation boursière.
De plus, certains acteurs adeptes du « stop & go » et retirés du marché du dommages depuis quelques années pourraient eux aussi faire leur retour, en sachant que la capacité n’est pas plus chère qu’hier car la réassurance n’a pas augmenté, sauf sur le risque de catastrophes naturelles.
Quelle est aujourd'hui votre politique de recrutement ?
Nous n'avons pas de case à remplir mais dès que nous repérons un talent sur le marché, nous nous efforçons de le faire venir à nos côtés, que ce soit pour la partie commerce ou la partie expertise. Les talents doivent être chez nous.
Lorsque l'on recrute un broker, un partner, un senior partner ou un executive partner (selon son niveau de compétences), c'est que nous considérons qu'il est talentueux, et de fait, la compétence ainsi que le travail attirent souvent les clients et les affaires.
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