Lutte anti-fraude en santé : Le PLFSS 2025 sera-t-il le bon ?
Les fédérations d’organismes complémentaires espèrent que le prochain PLFSS permettra de renforcer l’arsenal juridique afin d'améliorer la collaboration avec la Cnam en matière de lutte anti-fraude. En attendant le projet de loi, la Cnil doit donner prochainement son avis.
Pour tenter d'améliorer leurs résultats techniques, les organismes complémentaires sont fortement mobilisés sur la lutte contre la fraude. De son côté, la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) a mis également des moyens et affiché des objectifs ambitieux. Même combat donc pour les assureurs privés et l’Assurance maladie. En revanche, sur le plan opérationnel, chacun travaille de son côté et les échanges sont difficiles. En mai 2023, la feuille de route nationale de lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques présentée par Gabriel Attal, alors ministre des Comptes publics, prévoyait le renforcement de la collaboration entre la Cnam et les Ocam (mesure 32). Mais depuis, le sujet n'a pas avancé. En cause, le cadre juridique actuel qui ne permet pas d’échanger des données détaillées en cas de suspicion de fraude.
Aujourd'hui, les Caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) peuvent, en cas d’ouverture d’une enquête pour suspicion de fraude, alerter l’organisme complémentaire concerné. À condition d’avoir cette information. En revanche, le cadre juridique actuel ne permet pas de dévoiler le contenu de l'enquête ni les actes concernés. En plus, lorsque c’est un professionnel de santé qui est à l’origine de la fraude, elle implique plusieurs assurés et organismes complémentaires. Faute de moyens, rien n’est aujourd’hui mis en place pour lancer une alerte collective. Preuve de ce travail en silos, les organismes complémentaires ont l'habitude d'apprendre par la presse les cas le plus retentissants de fraude de masse.
Renforcer l’arsenal juridique
Pour avoir accès au détail des suspicions de fraude, Mutualité Française, France Assureurs et CTIP ont essayé de changer le cadre juridique. Lors de l’examen du dernier projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2024), les fédérations ont soumis un amendement aux députés afin de modifier l’article L114-9 du code de la Sécurité sociale. L’idée était de faciliter la transmission de données détaillées entre les services de lutte anti-fraude de la Cnam et des complémentaires. Le texte prévoyait également le circuit inverse, à savoir la possibilité pour les OCAM de transmettre leurs alertes à la Cnam.
L’amendement au PLFSS n’a finalement pas été adopté en octobre dernier. Pendant les débats à l’Hémicycle, le ministre de la Santé de l’époque, Aurélien Rousseau s’est dit favorable sur l’objectif, mais à condition de sécuriser d'abord le cadre légal d’échanges de données.
Au cours de l’année 2024, les fédérations ont échangé avec la Direction de la Sécurité sociale et réussi à démontrer l’intérêt de faire évoluer le cadre légal au regard du principe de proportionnalité du Règlement européen de protection de données (RGPD).
Un avis de la Cnil décisif
Les arguments du secteur ont fait leur chemin et la Direction de la Sécurité sociale a travaillé sur une modification du code de la Sécurité sociale et saisi la Cnil. Le 5 septembre dernier, la Commission nationale informatique et libertés a étudié cette proposition en séance plénière. L’avis de la Cnil est très attendu par le secteur et pourrait être une étape importante.
Les organismes complémentaires souhaiteraient que la première version du PLFSS 2025 contienne ces évolutions juridiques. Mais en l’absence de gouvernement, difficile de dire si le prochain ministre de la Santé sera sensible sur le sujet. Le secteur de l’assurance santé retient son souffle.
La modification de l’article L114-9 du code de la Sécurité sociale n’est qu’une première étape. Reste ensuite à savoir comment, d’un point de vue opérationnel, Cnam et OCAM vont partager les données de façon automatisée et sécurisée. Le choix du point d’entrée unique risque de faire l'objet de débats. Faut-il centraliser les échanges au niveau de l’Agence de lutte contre la fraude à l’assurance (Alfa), de la Cnam ou bien au niveau de l’Inter-AMC ? "Avant de rentrer dans les détails sur la tuyauterie, le premier objectif est de faire évoluer le cadre juridique", commente, prudent, un connaisseur du sujet.
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