Marché : Quand l’assurance construction s’effrite
Les défaillances à répétition dans le domaine de l’assurance construction interrogent sur les dérives de la Libre prestation de service (LPS). Retour sur 12 mois durant lesquels les effondrements de porteurs de risques se sont multipliés.
Depuis près d’un an, l’assurance construction se retrouve sous les feux des projecteurs. La mise en run off du portefeuille d’Elite, assureur basé à Gibraltar, au cœur de l’été 2017, a en effet mis en lumière les dérives de la Libre prestation de services (LPS). Il a également amorcé toute une série de défaillances sur ce segment d’activité, incitant les régulateurs européens à pousser pour une réforme de la LPS.
« Remettre en cause la Libre prestation de services ne résoudra pas le problème, prévient le dirigeant d’un assureur de spécialités. Elle offre une flexibilité à laquelle les entreprises tiennent. Il suffit de voir les inquiétudes qui ont pesé sur la possible remise en cause du passeport européen dans le cadre du Brexit. »
Pour autant, dans le sillage de la défaillance d’Elite, c’est l’affaire SFS/CBL qui faisait les choux gras de la presse professionnelle. Le premier, courtier et mandataire d’assurance, a longtemps distribué les produits de la compagnie basée à Gibraltar. Le second, porteur de risques établi en Nouvelle-Zélande, est le propriétaire du groupe SFS à 71% et le réassureur d’Elite.
Demande d’immatriculation ajournée
La première banderille vient du Luxembourg, lorsque le 21 décembre, le Commissariat aux assurances luxembourgeois sanctionne le groupe SFS pour « exercice illégal d’une activité de mandataire de compagnies d’assurance ». Il est en effet interdit au Luxembourg, pour une même entité, de cumuler l’activité de mandataire et de courtier. L’ACPR réagit immédiatement informant que « SFS Europe S.A. n’est plus autorisée en France à conclure et gérer des contrats pour le compte de partenaires assureurs ».
Dès le lendemain, l’intermédiaire annonce son intention de revenir en France, sous la marque SFS France Courtage pour y exercer comme mandataire. Mais le 12 janvier 2018, l’Orias ajourne sa décision quant à la demande d’immatriculation, exigeant du groupe un complément d’informations sur ses garanties financières.
Des garanties financières qui doivent venir, notamment du groupe CBL, actionnaire majoritaire de SFS depuis, alors un an. Le 29 janvier, dans un communiqué, SFS annonce d’ailleurs s’être mis en conformité avec la législation luxembourgeoise et Peter Harris déclare apporter « son soutien au Groupe SFS dans ses initiatives prises pour poursuivre ses activités conformément aux exigences réglementaires qui lui sont applicables ».
Ce soutien sera de courte durée, puisque le 13 février, dans une note envoyée à l’Australian Securities Exchange Limited, CBL Corporation annonce son intention de se retirer du marché de la construction en France. « Bien que rentable, le marché de l’assurance construction en France consomme un niveau de capital élevé pendant une longue période. Le conseil d’administration considère que le niveau d’estimation et le potentiel d’ajustement présentent un niveau de risque disproportionné pour l’ensemble des activités du groupe », indique-t-il.
Un effet dominos
Mais il fait également savoir qu’il compte engager « tous les moyens légaux pour se retourner contre les vendeurs de SFS ». Une semaine plus tard, la Banque Centrale d’Irlande interdit à CBL Insurance Europe de souscrire tout nouveau contrat d’assurance avec effet immédiat. Une nouvelle fois l’ACPR alerte les intermédiaires en France, les informant qu’il leur est désormais interdit de commercialiser ou renouveler à échéance les contrats de l’assureur d’origine néo-zélandaise.
Les déboires de CBL se poursuivent quand le 23 février dernier, la Reserve Bank of New Zealand annonce la mise en liquidation judiciaire de CBL Corporation.
Comme dans un jeu de dominos, Alpha Insurance, assureur danois opérant en LPS sur le marché de la dommage-ouvrage et de la RC décennale en France, signale, le 4 mars, la mise en run-off de ses activités. Cette décision est la conséquence de la mise en liquidation de CBL, l’un de ses principaux réassureurs. Elle fait également suite à un contrôle mené par le régulateur danois (Danish Financial Supervisory Authority). Ce dernier indique « se concentrer sur la méthode utilisée par Alpha Insurance pour calculer les provisions techniques et calculer le capital de solvabilité requis ».
L’affaire SFS/CBL n’est pas la seule à mettre en lumière les dérives de la LPS en construction. Dans une décision publiée le 22 février dernier, l’ACPR annonce avoir pris des mesures conservatoires à l’encontre de Seagate Insurance.
Ne pas remettre en cause la LPS
Ce courtier opérant en France « a proposé à sa clientèle des contrats d’assurance de responsabilité civile décennale (construction) au nom de la société Ion Insurance, organisme dont le siège social est au Costa Rica, qui ne disposait pas d’autorisation lui permettant de commercialiser des contrats d’assurance sur le territoire français », lit-on dans la décision du collège de supervision de l’ACPR.
Le régulateur a ainsi considéré « qu’il existe un risque sérieux que la société Seagate Insurance n’ait pas replacé les contrats d’assurance auprès d’un assureur autorisé à exercer en France, ni reversé l’ensemble des primes qu’elle a encaissées et qu’ainsi les clients ayant cru souscrire un contrat et ayant versé des primes à la société Seagate Insurance, n’aient pas de contrats d’assurance couvrant leurs risques de responsabilité civile décennale ».
Ces défaillances à répétition ont renforcé le lobbying mené auprès de l’Eiopa pour tenter de mieux encadrer le système de la LPS. « Il ne s’agit pas de la remettre en question. Des acteurs français l’utilisent également pour opérer sur des marchés étrangers. Mais il faudrait que les mêmes règles soient applicables pour tous ou que le contrôle soit partagé entre les différents régulateurs, estime une source. Le sujet est arrivé dans le radar de l’Eiopa, car in fine, ce sont les assurés qui sont perdants ».
Pour autant, « si une partie du segment se retrouve dans cette situation, c’est aussi parce que les assureurs traditionnels l’ont déserté », rappelle un courtier. « Tout le monde n’est pas exempt de tout reproche dans cette histoire. Il y a des commissaires aux comptes qui ont certifié les comptes, des agences de notation qui ont dit que c’était des acteurs de qualité... Tout le monde va devoir faire son examen de conscience », a souligné Arnaud Chneiweiss, délégué général de la FFA, lors d’un point presse, le 15 mars dernier.
Une forme de laisser-faire qui pourrait concerner d’autres segments de marché comme la RC médicale.
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