Maurice Ronat : "Toute somme non remboursée sous forme de prestation sera reversée"
INTERVIEW - Maurice Ronat, président de l'Union nationale des organismes complémentaires d'assurance maladie (Unocam) et d’Eovi-Mcd, ainsi que vice-président du groupe Aésio, commente l’impact du coronavirus sur les organismes complémentaires, l’avis de la Cnil, le Ségur de la Santé et le cinquième risque de Sécurité sociale.
Quelle est la réaction de l’Unocam suite à l’avis de la Cnil sur la transmission des codes détaillés aux organismes complémentaires ?
La réaction des membres de l’Unocam est assez complexe. La Cnil a fermé l’accès des complémentaires aux codes détaillés sur les actes du 100% santé. Il y aurait une ouverture sur les actes hors 100% santé. L’Unocam n’a pas pris de position ferme sur le dossier. Elle est en train d’étudier toutes les conséquences avec un avocat spécialisé. La Mutualité Française s’est exprimée dans un communiqué de presse, tandis que les autres familles ne se sont pas prononcées.
Le gouvernement a annoncé la création d’un cinquième risque de la sécurité sociale pour prendre en charge les dépenses liées au grand âge. Pensez-vous que c’est une opportunité pour les acteurs de l’assurance dépendance ?
Nous sommes l’arme aux pieds en attendant que le gouvernement précise son projet. Le dossier n’a jamais été abordé au sein de l’Unocam car il est porté directement par les fédérations. La Mutualité Française a déjà formulé sa proposition de création d’une assurance dépendance généralisée et obligatoire dans le cadre de la complémentaire santé. Les cotisations alimenteraient un fonds qui serait géré conjointement par les organismes complémentaires.
Est-ce que cette proposition a des chances d’aboutir ?
Elle a des chances. Il reste à définir l’âge auquel on commencerait à cotiser. Plus on commence tôt, moins la cotisation est chère. Dans le contexte actuel, augmenter la cotisation santé de quelques euros tous les mois peut être compliqué pour les Français les moins favorisés. Personnellement, je serai pour une cotisation la plus basse possible qui pourrait débuter lors du premier emploi de la personne.
Pensez-vous que le CTIP, jusqu'à présent réfractaire, soutiendra cette proposition portée par la Mutualité Française et la fédération française de l’assurance ?
Je pense que quand les discussions auront avancé, le CTIP suivra.
Pensez-vous que les organismes complémentaires vont être mis à contribution dans le cadre du Ségur de la Santé ?
Aujourd’hui, je pense que Nicolas Revel distribue beaucoup d’aides aux professionnels de santé touchés par la crise, aux hôpitaux, aux assurés, avec la téléconsultation prise en charge à 100%... Les hôpitaux vont recevoir des recettes dans le cadre de la T2A, mais seront privés des recettes complémentaires issues de la chambre particulière, du forfait hospitalier ou des actes avec reste à charge. Les hôpitaux n’ont pas perçu ces recettes pendant deux mois. Personnellement, je pense que Nicolas Revel va avancer l’argent mais un jour ou l’autre, il va nous demander de payer.
Pensez-vous que la Mutualité Française devrait faire des propositions ?
Je pense que la Mutualité Française devrait être force de proposition. Thierry Beaudet avait proposé de prendre en charge une partie des aides destinés aux professionnels de santé, mais sa main tendue n’a pas été saisie.
Comment les organismes complémentaires pourraient contribuer ?
Je pense que les organismes complémentaires devraient aider l’hôpital sur la partie des recettes complémentaires.
Comment les organismes complémentaires ont été impactés par le coronavirus ?
Environ 80% du personnel a continué à télétravailler pendant le confinement. Nous, chez Eovi-Mcd, nous n’avons pas de demandes de prise en charge en stock. Nous avons pris contact avec les entreprises et accepté des reports d’échéances. Les agences vont commencer à rouvrir cette semaine. Nous avons constaté une large diminution des prestations versées depuis deux mois. Nous avons versé entre 50 à 55% des prestations par rapport à ce qu’on avait payé l’an dernier. L’hôpital ne nous a pratiquement pas envoyé de demandes de prise en charge depuis des semaines. J’ai personnellement une inquiétude sur les reports de soins. Nous allons faire le point précis sur chaque dépense et, en fin d’année, toute somme qui n’aurait pas été dépensée en prestation sera reversée aux adhérents d'Eovi-Mcd, en fonction des cotisations qui auront été payées.
Les audioprothésistes ont demandé d’avancer le calendrier du 100% santé en audio. Qu’en pensez-vous ?
Si au 1er septembre, on nous dit d’avancer de quelques mois l’échéance du 1er janvier 2021, il faudra que les audioprothésistes baissent également leur prix limité de vente et que l’assurance maladie augmente sa base de remboursement, comme prévu au 1er janvier prochain. Si le 100% santé s’avance de quelques mois, cela aura une incidence sur les prestations des organismes complémentaires en 2020 car, pour chaque personne malentendante, cela va nous coûter 1.400 euros pour les deux oreilles.
Je suis plus inquiet pour les dentistes, dont l’activité ne représente que 70% en ce moment par rapport à la normale. Je pense que le poste qui va souffrir le plus est le dentaire. Les dentistes demandent de revoir la convention dentaire. Quand nous aurons des discussions avec Nicolas Revel, si on nous demande d’augmenter les prestations, il y aura une incidence sur la cotisation.
Concernant Aésio, quelles sont les raisons du départ du directeur général Emmanuel Roux ?
J’ai embauché Emmanuel Roux et il a bien fait son travail de rapprochement des trois mutuelles. Emmanuel va refaire sa carrière ailleurs. Patrick Brothier est en train de décider le nom du cabinet qui va nous accompagner pour recruter son successeur. En attendant, le conseil d’administration a nommé Olivier Brenza comme directeur par intérim. Le futur directeur d’Aésio Mutuelle sera également directeur de l’UMG santé que nous créons cette année avec Macif. Concernant la gouvernance, Macif sera toujours à la tête de la Sgam et de la Sam Macif.
Aésio a perdu 100.000 adhérents en 2019, selon le rapport SFCR. Comment expliquez-vous cette baisse d’adhérents ?
Dans un groupe qui protège 2,7 millions de personnes, 100.000 personnes représente un flux habituel. Cela pourrait s’expliquer par les dispenses d’adhésion des conjoints couverts par un contrat collectif. Quand vous êtes leader sur un marché, vous êtes attaqué.
Comment vont se tenir les assemblées générales de fusion des trois mutuelles (Eovi-Mcd, Adréa et Apréva) ?
Chez Aésio, vu l’âge moyen de nos délégués, qui sont basés aux quatre coins de la France, nous avons préféré organiser les votes des assemblées générales par correspondance. Cette semaine et la prochaine, j’ai prévu de rencontrer mes 13 conseils territoriaux, pour répondre aux questions des délégués. Le 23 juin, un huissier va dépouiller les votes des AG d’Eovi-Mcd et d’Adréa. Le 26 juin, Apréva devrait décider de l’absorption des deux autres mutuelles et élire le nouveau conseil d’administration d'Aésio Mutuelle. De son côté, le groupe Macif a décidé d’organiser ses assemblées générales de fusion en présentiel, en septembre prochain. L’UMG Aésio Macif sera donc créée en septembre.
Quel sera votre rôle dans le futur groupe Macif Aésio ?
Je reste président d’Eovi-Mcd jusqu’au 31 décembre 2020. J’aimerais également rester administrateur d’Aésio jusqu’à juin 2021. Et ensuite, j’irai aux champignons.
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