MNT : "La prévoyance doit être au cœur de la réforme de la PSC"
INTERVIEW – Alain Gianazza, président de la MNT, et Laurent Adouard, directeur général, demandent une participation conséquente de l’employeur à la couverture prévoyance des agents de la fonction publique territoriale.
Êtes-vous satisfaits de la réforme de la protection sociale complémentaire qui se prépare ?
Alain Gianazza : Nous sommes satisfaits pour les agents territoriaux. Depuis des années, les fonctionnaires attendaient une participation obligatoire de l’employeur au financement de leur protection sociale. C’est une question d’équité avec le secteur privé.
Est-ce que cette réforme est une bonne nouvelle pour la MNT ?
Alain Gianazza : Cette réforme peut être une opportunité ou une difficulté pour la MNT. La participation obligatoire sera facilitatrice de la mutualisation des risques. Les deux dispositifs alternatifs qui s’appliquent à notre marché, à savoir la labellisation et la convention de participation, ont fait leurs preuves et montré leur intérêt.
Quels sont vos principaux points de vigilance concernant cette réforme ?
Alain Gianazza : Aujourd’hui, nous rencontrons des difficultés à mutualiser le risque prévoyance. Un agent sur deux n’est pas assuré et ce sont souvent les agents les plus jeunes qui renoncent à la couverture prévoyance, alors que ce sont ceux pour qui le risque peut s’avérer le plus grave. Nous demandons donc une prise en charge conséquente de l’employeur sur la couverture prévoyance des agents territoriaux.
Quel type de couverture prévoyance ont aujourd’hui les agents territoriaux ?
Laurent Adouard : Aujourd’hui, les employeurs peuvent participer à la couverture prévoyance de leurs agents, mais ce n’est pas obligatoire. Nous espérons que cette réforme va rendre la participation prévoyance obligatoire dès 2022. Cela concerne très peu de collectivités car 78% des collectivités participent déjà à la couverture prévoyance de leurs agents. L’obligation concernera donc peu de collectivités, principalement des communes de moins de 10.000 habitants pour lesquelles la part des centres de gestion est relativement importante. L’effort à fournir pour généraliser cette prise en charge n’est pas énorme.
Aujourd’hui, la participation moyenne de l’employeur s’élève à 12,20 euros par mois et par agent, en moyenne. Cela équivaut à 20% de la cotisation d’un contrat indemnités journalières et invalidité pour un salaire brut de 2.000 euros.
L’enjeu repose sur une mutualisation des risques. Rendre la participation employeur obligatoire c’est bien mais c’est déjà quasiment le cas puisque la majorité des collectivités participent déjà. Nous souhaitons aller plus loin. Par exemple, en rendant l’information obligatoire pour les agents des collectivités ou en créant des listes d’émargement. Rendre l’adhésion obligatoire pour l’agent est également un moyen, si la participation est significative, supérieure à 50%
Est-ce que le projet d’ordonnance en cours de discussion est en phase avec ces objectifs ?
Alain Gianazza : Le plancher qui est envisagé dans un premier temps est un financement de l’ordre de 20% de la couverture prévoyance alors que, pour la santé il est fixé, à terme, à 50%. C’est fort dommage parce qu’autant sur la santé, les agents sont déjà majoritairement couverts, en prévoyance, en revanche, la moitié des agents qui sont couverts le sont uniquement au premier niveau de risque. En effet, très peu d’agents sont couverts contre le risque d’invalidité et du complément de retraite. Si on voulait avoir une couverture prévoyance plus complète, il faudrait que l’incitation à souscrire soit plus forte. 20% de prise en charge par l’employeur c’est insuffisant. Or, la légitimité d’obligation n’est possible que si l’employeur prend en charge au moins 50% de la couverture.
S’achemine-t-on vers une obligation d’adhésion en prévoyance ?
Alain Gianazza : Les organisations syndicales auront du mal à accepter une obligation d’adhésion si l’employeur ne finance que 20% de la couverture. Laurent Adouard : Par ailleurs, on peut rendre les dispositifs obligatoires sans passer par un contrat collectif. Le projet d’ordonnance pourrait ouvrir aux collectivités la possibilité de souscrire des contrats collectifs mais n’exclut pas les autres dispositifs.
Quel dispositif pourrait permettre de bien couvrir les retraités ?
Alain Gianazza : Évidement, nous souhaitons que les retraités bénéficient du futur dispositif. L’ANI ce n’est pas forcément un modèle à suivre pour la prise en compte des retraités, sur la santé. Les dispositifs actuels dans la fonction publique permettent aux retraités de bénéficier d’un encadrement sur la progression des cotisations. Les retraités bénéficient donc indirectement de la participation des actifs.
Laurent Adouard : Tous les dispositifs de contrats collectifs à adhésion obligatoire sont un échec en termes de solidarité intergénérationnelle. Le seul dispositif qui avait fait ses preuves c’est le contrat d’adhésion facultative proposé par la Mutualité, qui couvrait de la naissance au décès un collectif, une entreprise. Dans le champ de la fonction publique territoriale, pour que la solidarité intergénérationnelle puisse marcher à plein régime, il doit couvrir le plus grand nombre possible de personnes. C’est pourquoi la participation de l’employeur doit être importante pour que les agents couverts par les dispositifs du conjoint reviennent dans les conventions de participation et les contrats labellisés. contrats de labellisation. S’ils sont aspirés dans les contrats de leurs conjoints, la solidarité intergénérationnelle ne fonctionne pas pour les retraités de la fonction publique.
Pensez-vous que cette réforme va attirer davantage d’acteurs sur votre marché ?
Laurent Adouard : Le marché de la protection sociale complémentaire des agents territoriaux est déjà ouvert. Je ne suis pas convaincu qu’il y aura plus de concurrents, la concurrence est déjà très présente.
Pensez-vous qu’une plus grande mutualisation du risque permettra de baisser le coût des couvertures ?
Laurent Adouard : Si l’adhésion devient obligatoire, nous bénéficierons d’une sécurisation dans la tarification et d’une stabilité dans les prix. Aujourd’hui, quand on remporte un appel d’offres, nous n’avons pas de visibilité sur le nombre de personnes qui souscriront finalement la couverture. On pourrait penser qu’une couverture plus large des agents pourrait faire baisser la sinistralité, mais nous n’avons pas de garantie absolue.
Allez-vous proposer des sur-complémentaires en plus de la couverture de base ?
Alain Gianazza : Nous ne souhaitons pas reproduire les erreurs de l’ANI et nous retrouver avec une couverture de moins bonne qualité que l’actuelle. Si l’obligation d’adhésion devait se justifier, elle se justifie sur la prévoyance.
Laurent Adouard : Nous militons pour que le contrat de base soit suffisamment couvrant. Nous avons observé ces dernières années une bascule dans l’état d’esprit des décideurs, qui considèrent la protection sociale complémentaire, non plus comme un avantage pour le salarié, mais comme un atout pour la collectivité. C’est pour ça que 76% des décideurs sont favorables à cette participation obligatoire de l’employeur. C’est un sujet de performance.
Comment s’est passé l’année 2020 pour la MNT ?
Laurent Adouard : Nous avons un plan de marche qui a été respecté, malgré la crise. Les résultats sont conformes à nos prévisions. La crise n’a pas d’impact significatif ni dans un sens ni dans l’autre. Tous les emplois et toutes les activités ont été maintenus. Nous avons bénéficié d’une stabilité des revenus car les encaissements n’ont pas chuté. La différence constatée sur la consommation médicale pendant le confinement a été compensée par la taxe covid.
Cela a été une année contrastée entre les difficultés humaines, la disparition de proches, et une capacité à s’organiser et franchir des obstacles. Nous avons constaté une mortalité supérieure chez nos adhérents. Parmi nos inquiétudes pour 2021, nous avons vu la consommation médicale repartir en flèche. Nous souhaitons que cette période de baisse de la consommation médicale, par exemple sur le dépistage du cancer, n’aura pas d’impact sur le long terme sur la santé de nos adhérents. La France a sauvé des vies mais j’espère qu’elle n’a pas réduit l’espérance de vie de certaines personnes. Nous sommes donc inquiets sur les conséquences à long terme, concernant les pathologies mentales et les difficultés d’accès aux soins.
Où en sont les discussions entre Intériale et le groupe Vyv concernant un éventuel rapprochement ?
Alain Gianazza : Nous sommes un groupe mutualiste qui a vocation à se développer. Si des entités ont envie de rejoindre, elles sont les bienvenues, dans le cadre des règles qui existent aujourd’hui. Cela fait deux ans que l’on discute avec Intériale. Ils ont des préoccupations différentes, mais on est en contact très cordial. La balle est dans le camp d’Intériale.
Alain Gianazza, vous atteignez la limite d’âge cette année. Votre successeur à la présidence de la MNT est-il connu ?
Évidemment, la mutuelle réfléchit à la suite. Cette réflexion est en cours au sein du conseil d’administration. Pour que le consensus perdure jusqu’à la décision finale, je ne donnerai davantage d’indications. Cela se prépare dans la sérénité. Le nom du successeur sera connu lors de notre assemblée générale, le 10 juillet prochain.
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