OCAM : Le financement freine le déploiement du tiers payant
Face à la menace d’un tiers payant intégral géré par la Cnam, les opérateurs privés mettent en avant les avantages de leur solution technique. Le déploiement du tiers payant complémentaire est entravé pour des questions de financement.
Le tiers payant fait encore parler de lui sept ans après la tentative de Marisol Touraine, alors ministre de la Santé, de le rendre obligatoire. En 2016, les médecins libéraux avaient organisé une levée de boucliers contre le tiers payant intégral et obtenu la censure du Conseil constitutionnel sur sa généralisation sur la part complémentaire.
Malgré l’initiative des organismes complémentaires de créer l’association Inter AMC afin de simplifier les échanges, peu de médecins proposent la dispense d’avance de frais sur la part complémentaire. En dentaire, 14,3% des prestations ont été facturées en TP complémentaire en 2021, d’après l’Unocam. Le taux grimpe à 70,6% en audiologie et à 78,5% en optique.
Les pouvoirs publics s’impatientent et les acteurs privés se renvoient la balle. La tentative d’instaurer un tiers payant Cnam géré uniquement par l’Assurance maladie n’a pas abouti dans la LFSS 2022, mais pourrait revenir sous une autre forme législative ou règlementaire.
Selon nos informations, le sujet a été mis sur la table par Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie, dans le cadre des négociations conventionnelles entre les médecins libéraux et l’assurance maladie. La convention médicale n’ayant pas abouti, ce n’est que partie remise, selon plusieurs observateurs.
Levée de boucliers des OCAM
Les organismes complémentaires sont vent debout contre l’idée de permettre à la Cnam de pratiquer le tiers payant intégral puis de réclamer la part de la complémentaires aux OCAM. Les porteurs de risque veulent garder la main sur le TP complémentaire afin de maintenir la relation avec les assurés, pouvoir proposer des services et mener des actions de lutte contre la fraude. Les médecins libéraux n’en veulent pas non plus et se disent prêts à travailler davantage avec les organismes complémentaires pour déployer leurs solutions. Malgré l’accord conclu en septembre 2022, médecins et complémentaires n’ont pas encore lancé de chantier commun pour accélérer sur le déploiement du TP complémentaire.
Certains voient dans cette idée de tiers payant géré par la Cnam un retour du scénario de Grande Sécu évoqué par le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM). « Un tiers payant opéré par la Cnam ce serait une régression pour les patients car il ne prendrait pas en considération les dépassements d’honoraires. Cela fait partie de l’arsenal de mesures qui visent à mettre les OCAM en remorque du régime général. Il faut continuer à montrer que ce que l’on fait fonctionne bien et qu’il n’y a pas besoin de monter une usine à gaz », renchérit un dirigeant du secteur.
Les solutions de tiers payant fonctionnent
Dans un communiqué du 27 mars, les opérateurs de tiers payant, prennent la parole pour défendre leur solution. « Une gestion plus intégrée entre l’assurance maladie obligatoire et l’assurance maladie complémentaire ferait peser sur le dispositif la complexité inhérente à l’organisation même des régimes obligatoires et entrainerait de nombreux rejets. Ce qui serait préjudiciable au succès de la généralisation du tiers payant, et par conséquent, à un meilleur accès aux soins », écrit la 3AS. L’Association des Acteurs pour l’Accès aux Soins (3AS) fédère les principaux opérateurs de tiers payant : Almerys, Actil, Cetip, Korelio et Viamedis. « Nous avons ramené le taux de rejet en pharmacie de 2 à 3% à 0,1%. Cela a mis 10 ans. Quand on fait du contrôle des droits en ligne, cela fonctionne de façon fluide. Pensons aux solutions existantes plutôt que d’inventer de nouvelles solutions », commente un opérateur de tiers payant.
Qui paye ?
Opérateurs de tiers payant et éditeurs de logiciels veulent être davantage associés aux travaux menés par les fédérations d’organismes complémentaires et les syndicats de médecins.
Selon certains observateurs, la clé du déploiement réside dans le financement. Il faudrait intégrer les solutions de tiers payant complémentaire directement dans les logiciels de facturation des médecins. Qui va financer ces mises à jour ? Les éditeurs de logiciels et l’Inter AMC se renvoient la balle. Les OCAM refusent de payer et pensent que ce sont les médecins et les éditeurs qui doivent financer ces mises à jour.
« L’État a investi 2 milliards d’euros sur le Ségur numérique et a fait bouger le paysage des éditeurs de logiciels. Les organismes complémentaires doivent se poser la question du financement s’ils veulent garder la relation avec les professionnels de santé », rétorque un éditeur de logiciel. A suivre.
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