Portrait : Thomas Blanchette, droit au but
PORTRAIT – Thomas Blanchette a été élu président d’Harmonie Mutuelle le 6 juillet. Il fait partie de la nouvelle génération de dirigeants mutualistes, discret et pragmatique, toujours partant pour une partie de pêche à la mouche.
Fin de journée, Thomas Blanchette sort d’une « interrégionale », un moment intense qui a réuni les élus et la direction d’Harmonie Mutuelle sur un plateau TV pour certains et en visio-conférence pour d'autres. Vêtu d’un simple gilet noir, il s’exprime devant son écran, confortablement installé dans son fauteuil de bureau. Sur son crâne lisse, il porte un casque muni d'un micro, stratégiquement placé sur une seule oreille. Derrière lui, un tableau blanc accroché sur un mur en liège, avec quelques annotations au coin. Pas besoin de faire un cours pour revenir sur son parcours.
Thomas Blanchette est franco-canadien, fils d’un militaire canadien et d’une commerçante. Enfant de mai 68, il est né à Ontario neuf mois plus tard. A l’âge de 4 ans, sa famille s’installe en France et Thomas passe une partie de son enfance dans les Ardennes. Les attaches avec le monde rural ne l’ont jamais quitté. Ses engagements mutualistes l’obligent à faire la navette Toulouse-Paris 5 fois par an, mais « venir à la capitale c’est toujours une forme de souffrance. Je déteste la ville pour faire simple », résume-t-il.
Thomas Blanchette habite près de Carcassonne, dans un havre de paix, à quelques mètres d’un lac. « J’ai la chance de dormir avec les fenêtres ouvertes sauf quand les grenouilles ou les grillons font trop de bruit », sourit-il en regardant par la fenêtre. Les périodes de confinement, il les a traversées sans encombre, même si le contact humain lui a manqué.
Pêcheur à la mouche, il a toujours eu besoin d’être à proximité d’un cours d’eau, d’aller communier avec la nature. La marche à pied, le golf ou la pêche sont ses passe-temps préférés. « A quelques générations près, on était amérindiens dans la famille », justifie-t-il.
Fan du travail à distance
Rester éloigné du cœur de l’entreprise ne le dérange pas car il est attaché à cette « césure complète » entre sa vie personnelle et ses engagements. « Je suis un adepte du travail à distance depuis un certain temps, j’essaie d’économiser du carburant et du temps. J’ai toujours organisé ma vie de cette façon ». Et de citer le nantais Stéphane Junique comme modèle de cette culture de décentralisation chère à Harmonie Mutuelle. « On doit pouvoir concevoir qu’une partie du travail puisse se faire au domicile et imaginer des lieux de collaboration, où on peut travailler, un bureau près de chez soi, recréer du collectif et de la citoyenneté dans des zones résidentielles. Il y a du temps humain à récupérer. On doit pouvoir imaginer ce type de lieu », insiste-t-il.
Après des études techniques, Thomas Blanchette se fait embaucher par la société de production de caoutchouc automobile Trelleborg en 1991. Dans une usine de 250 salariés, il découvre la réalité et la dureté de l’industrie. Il côtoie des populations « exploitées », des nord-africains, des asiatiques principalement. Il se dit heurté « face à cette forme d’exploitation de l’homme par l’homme derrière la machine. C’étaient des métiers très pénibles, avec du bruit, des odeurs et de la saleté ». Frappé par les inégalités et les injustices, il créé une section syndicale dans son entreprise et rejoint la section chimie et énergie de la CFDT. « J’ai eu à engager des grèves, avec des problématiques de garde d’enfants, d’horaires de travail, de restauration, d’alimentation, de qualité de vie, de sommeil... la vraie vie ! Quand on parle de ça en mutualité, certains l’ont découvert dans les livres, moi je l’ai vécu pendant 18 ans, jusqu’en 2009 », se vante-t-il.
Piqué par le virus de l’engagement, il reprend des études sur le droit du travail en cours du soir au Cnam, devient un spécialiste de la protection sociale. Presque au-même moment, en 1997, il fait son entrée en Mutualité, devient administrateur de la mutuelle Mutinter, une des 10 mutuelles régionales qui contribuera à la construction d’Harmonie Mutuelle.
Son premier dossier en tant que syndicaliste concerne la mise en place d’une mutuelle d’entreprise en 1996. Il n’hésite pas à résilier le contrat en place avec une compagnie d’assurance et signer avec Mutinter. Le président Maurice Ballu, a souhaité rencontrer « ce jeune de 25 ans qui avait le courage de déboulonner une compagnie d’assurance de l’entreprise ».
Un engagement mutualiste c’est avant tout une histoire de rencontres. L’ascension de Thomas, il la doit à la présidente de Mutinter, Éliane Boutal, puis à son directeur général Jacques Garnier. « Être utile, se former, se rendre disponible, être toujours prêt et se mettre au service d’un projet et d’une entreprise », sont les ingrédients de sa réussite. Thomas Blanchette s’inscrit à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne en 2007 et obtient un master en protection sociale en 2009.
Sortir de l’ombre
Jusqu’à présent, Thomas Blanchette était un homme dans l’ombre, un « marginal sécant, quelqu’un qui est a mi-ombre et mi-lumière », commente-t-il. Quand on lui demande de prendre la présidence de la mutuelle Chorum en 2016, il accepte sans vaciller. Depuis 2013, il représente également la Mutualité Française au sein du conseil de la Cnam, un organe consultatif, où il doit se plonger dans les dossiers techniques de l’assurance maladie.
La candidature de Thierry Beaudet à la présidence du Cese accélère la succession au sein du groupe Vyv. Stéphane Junique est appelé à prendre la présidence du groupe mutualiste. Le poste de président d’Harmonie est vacant et Thomas Blanchette se dit prêt à relever le défi. Sa co-équipière Christine Pouliquen-Sina est élue vice-présidente déléguée le 6 juillet.
A 52 ans, le nouveau président d’Harmonie Mutuelle s’inscrit dans un temps long. « Si on m’élit à cette fonction, ce n’est pas pour y faire une brève apparition d’un an ou deux ». Il souhaite consacrer 100% de son temps à la mutuelle. Il ne s’engage « pas pour faire carrière mais pour porter certaines convictions avec une ambition de transformer la société ».
Il souhaite « être un président simple, sobre et sincère, être dans une logique de pilotage et d’anticipation, travailler en partenariat et dialogue avec les parties prenantes, et être proche de ses troupes mutualistes sur le terrain ».
Différent de Stéphane Junique
« Quand Jo Deniaud nous a fait monter en puissance, Stéphane Junique et moi-même l’objectif était de préparer l’avenir », commente-t-il. Avec Stéphane Junique, il entretient des relations « amicales, franches et respectueuses ». Les deux hommes sont différents comme le jour et la nuit. « Je suis parfois qualifié de rugueux, Stéphane est un grand diplomate. Il a les qualités requises pour être un très grand président de groupe. Pour autant, nous avons une vision partagée, quelques fois des écarts de perception, mais aucun écart sur la finalité. Nous partageons un idéal de société, et une aversion pour les inégalités quelles qu’elles soient », explique Thomas Blanchette.
Un professionnel du secteur qui le côtoie depuis des années décrit Thomas comme un homme engagé et pragmatique, au golf comme en Mutualité. « On est dans le concret très vite avec une volonté de fluidité et d’efficacité. Il a une capacité à embrasser rapidement les sujets complexes. Il a cette volonté que le politique reste un politique. Il aime échanger de manière périodique, respecter les enjeux et les contraintes, sur un principe d’égalité », commente-t-il.
Thomas Blanchette prend la présidence d’Harmonie à un moment de changements profonds pour le groupe Vyv, notamment avec l’arrivée du nouveau tandem Delphine Maisonneuve au poste de directrice générale et Stéphane Junique au poste de président. En outre, l’ensemble des présidents de l’UMG auront été renouvelés cette année et la nouvelle équipe aura plusieurs défis à relever. En tête des priorités, le rapport du HCAAM et les débats sur le 100% Sécu ainsi que la réforme de la protection sociale complémentaire des fonctionnaires.
Thomas Blanchette pourrait parler des heures et des heures sur la protection sociale mais c’est l’heure du concert de grillons, et il ne manquerait pas ça pour rien au monde.
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