Les Français portent un regard très sévère sur la retraite, selon le baromètre annuel du Cercle de l'épargne et d'Amphitéa. Le sentiment de baisse de rentabilité de leur épargne s'accompagne d'une préférence pour les produits d'épargne individuels et d'un regard critique sur la flax tax.

La quatrième édition du baromètre « Les Français, la retraite et l'épargne » publié par Le Cercle de l'Epargne et l'association d'épargnants Amphitéa, en partenariat avec AG2R La Mondiale illustre la défiance des Français vis-à-vis de la retraite. Le sentiment de disposer d'une pension suffisante pour vivre correctement recule chez les Français, passant de 29% à 26% en un an. Chez les retraités ce sentiment recule de 11 points, passant de 50% à 39%, à cause notamment de la hausse de la CSG.

Le nombre d'épargnants en baisse

L'étude révèle que l'effort régulier de l'épargne retraite est en baisse. Seulement un Français sur quatre affirme épargner régulièrement pour sa retraite, ce qui s'explique par une tension du pouvoir d'achat. « L'effort d'épargne des classes moyennes inférieures, qui gagnent entre 2.000 et 3.000 euros a baissé de 11 points entre 2016 et 2018. Leur comportement d'épargne se rapproche de la classe populaire », souligne Jérôme Jaffré, directeur du Centre d'Etudes et de Conaissance sur l'Opinion Publique.

Les Français jugent sévèrement la rentabilité de leurs produits d'épargne. Interrogés sur les produits les plus rentables, 30% des Français ont répondu « aucun » et cette réponse est en hausse de 8 points par rapport à 2016. L'assurance vie est en recul de 16 points depuis 2016 et le fonds euros a connu également une dégradation de 14 points.

La propension à la prise de risques progresse

Pour compenser la baisse de rentabilité, 39% des Français se disent prêts à prendre plus de risques. Parmi ceux qui épargnent régulièrement pour la retraite, 51% se disent prêts à souscrire des produits plus risqués.

Les choix fiscaux du gouvernement sont très contestés par les Français. La mise en place du prélèvement forfaitaire unique est considérée par 73% comme une mauvaise mesure. 44% des épargnants le jugent ni utile ni néfaste pour l'économie. « La flat tax cumule deux critiques contradictoires : le taux de 30% peut être jugé excessif pour les produits d'épargne, mais le même taux peut être considéré insuffisant s'agissant des dividendes des actionnaires », explique Jérôme Jaffré.

Les produits d'épargne retraite à la traîne

Le système actuel de retraite est perçu comme injuste et inefficace par 71% des Français. « Les Français jugent le système des retraites en fonction du montant de leur propre pension. Ce qui signifie qu'aucune réforme des retraites ne satisfera pleinement l'opinion publique sur la question de l'injustice ou l'inneficacité car les Français sont inquièts avant tout du montant de leurs revenus », pointe Jérôme Jaffré.

Les Français souhaitent majoritairement (53%) un régime unique de retraite avec une caisse unique. Cette promesse électorale d'Emmanuel Macron pour un système plus égalitaire rencontre donc l'adhésion des Français.

Pour préparer la retraite, 65% des Français préfèrent être propriétaires de leur logement. Les produits d'épargne de long terme comme l'assurance vie ou le PEA sont en perte d'attractivité, avec 31% des réponses, en recul de 5 points par rapport à 2015. En queue des choix, les produits d'épargne spécifiques pour la retraite ne sont cités que par 20% des répondants.

L'épargne individuelle au détriment de l'épargne collective

58% des Français pensent que pour développer l'épargne retraite à l'échelle de la France, il faut privilégier les solutions d'épargne individuelle (assurance vie, Perp ou Prefon), contre 42% pour l'épargne collective. Cette préférence pour les produits individuels s'accentue chez les jeunes de moins de 25 ans (61%). En revanche, une majorité des ouvriers (53%) préfèrent l'épargne collective, voyant peut-être la promesse d'un abondement des employeurs. Lorsqu'on les interroge pour eux-mêmes, 68% des Français préfèrent l'épargne individuelle, contre 32% l'épargne collective.

L'assurance dépendance ne séduit qu'un Français sur dix, notamment les plus de 70 ans, un âge trop tardif pour souscrire ce type de produit.

Le commentaire d'AG2R La Mondiale

Les conclusions de ce baromètre ne sont pas pour plaire AG2R La Mondiale, acteur majeur de l'épargne retraite collective. « Cette préférence pour l'épargne individuelle est une tendance assez lourde de l'Homus nombrilicus », a ironisé André Renaudin, directeur général d'AG2R La Mondiale, qui a comparé cette tendance avec la fin des clauses de désignation dans le domaine de la santé.

Le patron du groupe de protection sociale a également rappelé l'engagement su secteur de l'assurance pour favoriser une sortie en rente. « Si en 2008, nous avions proposé une sortie en capital à nos assurés, ils auraient vu leur épargne réduite de 40%. Comme c'était l'assureur qui portait le risque, nous avons provisionné 450 millions d'euros pour dépréciation durable et les assurés ont été préservés. Mais bon, le lissage a forcément un coût », a affirmé André Renaudin, sans cacher sa déception sur le projet de réforme de l'épargne retraite que prépare le gouvernement et qui sera proposé le 2 mai en Conseil de Ministres.