Révision de solvabilité 2 : L’ACPR lance un appel aux assureurs
La révision de Solvabilité 2 entre dans sa dernière ligne droite. Afin de préparer au mieux sa mise en œuvre, l’ACPR sollicite les assureurs afin de cerner les impacts de cette revue. Mais aussi d’apprécier « la sensibilité aux différents paramètres techniques qu’il reste encore à fixer ».
L’entrée en vigueur de la nouvelle mouture de Solvabilité 2 approche. Elle doit intervenir dans le courant de l’année 2026. Un délai qui laisse le temps aux assureurs et à l’ACPR d’appréhender les changements à venir. L’essentiel du texte est en effet désormais connu. Le trilogue se mettait d’accord sur une version commune le 13 décembre dernier. Et le Comité des représentants permanents (Coreper) du Conseil adoptait le texte le 24 janvier.
Place maintenant aux consultations alors que se profile l’élaboration des textes dits de niveau 2 et 3. Les premiers recèlent les normes techniques RTS (Regular technical Standard) et ITS (Implementation Technical Standard). Les textes de niveau 3 regroupent les orientations. C’est justement sur ces points que l’ACPR sollicite les assureurs. Le régulateur cherche à « obtenir une première estimation des impacts de la revue et apprécier la sensibilité aux différents paramètres techniques ». À cet égard, huit points figurent dans son collimateur.
Courbe des taux et engagements
En premier lieu, la revue sur l'extrapolation de la courbe des taux. Le cadre actuel fixe à 20 ans la période pour laquelle les données de marché sont jugées suffisantes pour construire le courbe des taux. Au-delà de ces deux décennies, les méthodes d’extrapolation permettent de faire converger la courbe des taux vers un point ultime. Mais force est de constater que cette extrapolation divergeait trop souvent des points de marché. Cela conduisait trop souvent à une surévaluation de la courbe. Et par conséquent à une sous-évaluation des engagements des assureurs. Pour contourner ces difficultés, la révision prévoit de tenir compte des données de marchés disponibles au-delà des 20 ans pour affiner l’extrapolation. Les textes de niveau 2 doivent définir la vitesse de convergence entre l’extrapolation des assureurs et les données de marché afin de réajuster la courbe des taux. Et par conséquent de mieux calculer les engagements des assureurs.
Le deuxième point d’attention de l’ACPR concerne la revue du choc des taux. La première mouture de Solvabilité 2 ne prenait pas en compte l’anomalie d’une période de taux négatifs. Une situation qui faussait le calcul des ratio SCR des assureurs. Les RTS et les ITS doivent revoir la méthode de calcul afin de calibrer le choc à la baisse des taux lorsqu’ils passent en territoire négatif. Le régulateur prévient que ce calibrage ne doit pas être « irréaliste ». Il serait dès lors de bon ton de définir un niveau plancher de choc. Et d’introduire une période transitoire de 5 ans au plus pour lisser l’impact.
Différencier court terme et long terme
En troisième lieu, l’ACPR en appelle aux assureurs pour avoir leur retour sur le calcul de la marge pour risques. Il s’agit-là d’un point crucial. Cette marge reflète en effet le coût du capital immobilisé par les assureurs pour faire face à leurs engagements. En d’autres termes, elle représente la part des provisions techniques permettant de s’assurer que le niveau des provisions techniques est suffisant pour honorer les engagements.
Aujourd’hui, elle est calculée en multipliant les exigences de capital futures par un coût en capital (CoC) fixé à 6%. Et ce, quelle que soit la durée des engagements. La révision souhaiterait justement définir un multiplicateur différent selon que ces exigences sont à court terme ou à long terme. La revue prévoit de réduire le CoC à 4,75% et d’ajouter un paramètre « lambda » pour les exigences de long terme. Ce dernier doit être défini dans le cadre des textes de niveau 2.
Toujours sur le volet technique, l’ACPR sollicite le secteur sur l’ajustement de calcul de la correction pour volatilité. Pour rappel, le volatility adjustement sert à compenser l’impact sur la solvabilité des assureurs des variations de leurs actifs obligataires en cas de mouvements de spread. Car lorsque le spread d’une obligation augmente, sa valeur de marché diminue. Et inversement. Actuellement le VA est calculé sur la base d’un portefeuille obligataire étalon de l’Eiopa. La révision adoptée en janvier dernier introduit trois nouvelles notions. Un ratio de sensibilité au spread. Un ratio d’ajustement. Et un « macro VA ». « Il est extrêmement difficile d’anticiper l’impact de ces changements pour le marché français, mais il devrait être relativement limité dans la mesure où le VA y était relativement bien adapté », estime l’ACPR.
Plus de proportionnalité
Dans la partie technique du texte, l’ACPR attend les assureurs sur la nouvelle mouture du régime de proportionnalité. Le futur cadre introduit trois gradations. Il prévoit tout d’abord d’augmenter les seuils d’exclusion de Solvabilité 2. Il ajoute un régime applicable « de manière (quasi)-automatique » lorsque certains critères sont atteints. Ils ouvriraient alors le droit de mettre en place des mesures spécifiques. Enfin, les entreprises ne bénéficiant pas de ce deuxième niveau pourraient demander d’y être intégrées.
Les trois derniers sujets sur lesquels l’ACPR sollicitent les assureurs sortent du champ technique de la directive. Ils concernent notamment la mise en place d’un cadre de supervision macro-prudentielle. Ce denier vise à conférer aux autorités publiques de nouveaux pouvoirs en cas de crise de solvabilité ou de liquidité. Des pouvoirs proches de ceux dont disposent l’ACPR et le HCSF en France. Enfin, le régulateur français souhaite avoir l’opinion du secteur sur deux mesures qui pourraient faire l’objet d’une future révision. En premier lieu, l’introduction d’un nouveau cadre prudentiel destiné à soutenir l’investissement à long terme dans l’économie et la finance durable.
Encore deux ans de travaux
Le calendrier prévoit une adoption définitive du texte par le Parlement à l’automne prochain. La directive s’appliquera alors 20 jours après sa publication au Journal officiel de l’Union européenne. Les travaux d’élaboration des textes de niveau 2 et 3 démarreront dans la foulée. Les États disposent de 24 mois pour transposer la directive révisée après son entrée en application.
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