Sénat : Les OCAM justifient les augmentations de tarifs
Auditionnés par la mission d'information au Sénat, France Assureurs, la Mutualité Française et le CTIP ont tenté de justifier les augmentations tarifaires des complémentaires santé et avancé quelques propositions.
La mission d’information sur les complémentaires santé poursuit ses auditions au Sénat. Après Dominique Libault, ce fut au tour des représentants des ocam de répondre aux questions des sénateurs.
Pour l’exercice, France Assureurs, la Mutualité Française et le CTIP avaient organisé les prises de parole dans une répartition des rôles bien rodée. Florence Lustman, présidente de France Assureurs, a insisté face à la présidente Marie-Claire Carrère-Gée afin de pouvoir dérouler les interventions des trois familles comme prévu.
Face aux sénateurs, elle a fait de la pédagogie sur la manière dont les organismes complémentaires élaborent leurs tarifs. La présidente a détaillé le rythme budgétaire des assureurs qui décident des augmentations en juin pour l’année suivante, alors qu’ils n’ont pas de visibilité sur les mesures prévues dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale.
"Un équilibre technique à peine atteint"
Sur les augmentations de 2024, Florence Lustman a fait état d’une forte augmentation des dépenses de santé en 2022 et 2023. Elle a également évoqué de nouvelles mesures intégrées en cours d’année 2023 : des mesures de nature conventionnelle (règlement arbitral), règlementaire (augmentation des tarifs à l’hôpital), légale (transfert de charges entre le régime général et complémentaire porté de 300 à 500M d'euros, imposé par voie règlementaire). Puis, Florence Lustman a rappelé : « Nous ne pouvons pas perdre systématiquement de l’argent. Nous sommes dans une situation tangente. Les ocam ont enregistré en 2021 et 2022 un équilibre technique à peine atteint. Car nos prestations peuvent évoluer plus vite que celles prévues dans l’ondam ».
Marc Leclère, président de l’Unocam a défendu le dialogue conventionnel « qui gagnerait à avoir une concertation accrue avec les complémentaires ».
Ensuite, Eric Chenut, président de la Mutualité Française s'est inquiété de l'évolution des dépenses et a insisté sur la nécessité de regarder les dépenses de santé dans leur globalité. Le président mutualiste propose de travailler sur l'« efficience » du système. Par exemple, il a proposé de déployer des outils d’aide à la prescription médicale.
Le président des mutuelles a également partagé ses craintes à propos la revue des dépenses engagée par le gouvernement sur les affections de longue durée. Eric Chenut a exprimé son opposition à une éventuelle révision des pathologies couvertes aussi bien qu’à l’introduction d’un ticket modérateur ou une augmentation du reste à charge des ménages. D’autant plus que les personnes en affection de longue durée affichent un niveau de prestations complémentaires plus élevé que les Français en bonne santé, malgré la prise en charge à 100% par le régime obligatoire de la base de remboursement de l’assurance maladie.
Le prix de la complémentaire pour les seniors
Les sénateurs ont interpellé les complémentaires sur les prix des complémentaires pour les seniors. Éric Chenut s’est chargé d’expliquer que depuis l’ANI de 2013 il n’y avait plus de solidarité entre les actifs et les seniors. Par ailleurs, « en raison des périmètres de prise en charge par l’AMO et les ocam, et du fait de la mise en place du forfait hospitalier, la part des dépenses des retraités est proportionnellement plus importante aujourd'hui qu’il y a 20 ans. Les retraités ont plus de risque à assumer collectivement », a soulevé Éric Chenut. Les retraités sont également pénalisés sur le plan fiscal car comme ils paient une cotisation plus élevée, ils paient plus de taxes. La Mutualité a donc remis sur la table sa proposition « d’appliquer un taux de TSA réduit à 7,04% sur les contrats non aidés pour limiter cet effet ».
Denis Laplane, vice-président du CTIP, a indiqué que les cotisations santé prélevées par l’ensemble des institutions de prévoyance ont augmenté de 6% en 2023, à un niveau inférieur aux prestations.
Frais de gestion controversés
Après leur exposé bien rodé, les sénateurs ont demandé aux organismes de revenir sur les frais de gestion des contrats. Eric Chenut a dit que « les coûts de gestion qui nous sont reprochés de manière caricaturale » ne peuvent pas se comparer avec ceux de l’assurance maladie. « A périmètre égal, nous gérons à 3% quand nous, on gère à 4%, ce qui montre que l’on ne doit pas être si mauvais et qu’on ne fait pas si mal les choses », a-t-il déclaré
Puis, le président mutualiste a expliqué que ces frais servent à maintenir un réseau d’agences de proximité, à accueillir les bénéficiaires de la C2S qui ont besoin de plus d’accompagnement, à maintenir des plateformes d’accueil téléphonique en France, à mettre en place le tiers payant afin d’éviter le renoncement aux soins… Il a également cité les services d’action sociale et de prévention. Le président a demandé « une clarification sur ce que l’on estime relever de la gestion pure des contrats et les coûts d’acquisition ». Il a également demandé de sortir du décret qui définit les frais de gestion des prestations en nature et service afin de permettre une meilleure comparabilité entre les contrats.
Florence Lustman a soutenu que les frais de gestion permettaient d’adapter les garanties suite à une analyse des besoins. Elle a cité la directive sur la distribution d’assurance (DDA) qui impose un devoir de conseil dont le coût se retrouve ensuite sur les frais de gestion.
La lutte contre la fraude au "point mort"
Pour agir sur la dynamique des prestations santé, Eric Chenut propose de réinterroger le périmètre du contrat solidaire et responsable. « Si on veut retrouver des latitudes de choix, il faut trouver de la modularité ». Et au président de la Mutualité de proposer de concentrer le contrat responsable « sur les soins essentiels » et de garder une place pour ajouter des garanties en plus. Eric Chenut a dit que ce travail était nécessaire car « un certain nombre d’acteurs préfèrent proposer des contrats non responsables d’entrée de gamme taxés à 20% pour des gens modestes. C’est une vraie problématique ».
Les échanges avec les parlementaires ont également permis d’aborder la collaboration entre l’Assurance Maladie et la Sécurité sociale. Dominique Bertrand, président du CTIP, s’est dit « déçu d’un Cdoc qui n’a rien donné » et dont « la dernière séance a été catastrophique ». Sur la lutte contre la fraude, les travaux de collaboration avec l’Assurance maladie sont « au point mort », a regretté Florence Lustman. Sur ce chantier comme sur la prévention, Florence Lustman a demandé : « Nous avons besoin d’avoir accès à un peu plus de données pour mener des actions plus ciblées ».
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