INTERVIEW – Véronique Jolly, DGA de la Matmut en charge des ressources humaines et des relations sociales et également présidente de la commission des affaires sociales de France Assureurs, partage sa vision sur la politique de rémunération du secteur de l’assurance, le rapport des collaborateurs au travail, l’avenir du télétravail et de la semaine de 4 jours.
En quelle mesure l’inflation a eu un impact sur les NAO cette année ?
Même si l’assurance est un secteur très protégé, l’inflation est un sujet majeur dans les négociations salariales depuis l’an dernier. Je trouve intéressant de partager avec les organisations syndicales que les politiques salariales de notre secteur s’inscrivent dans le temps long et se construisent sur plusieurs années. Pour autant, nous devons prendre en compte la conjoncture. Par exemple la Matmut a reversé en 2022 près de 10% de sa masse salariale à ses collaborateurs, au titre des mesures négociées, intéressement et participation compris. Pour 2023, nous avons maintenu notre effort sur les mesures collectives, avec un niveau d’augmentation générale compris entre +3,5 et +5%.
Quel regard portez-vous à propos de la pénurie de candidats sur certains métiers ?
Il est évident que le comportement des candidats a changé. Chez la jeune génération, il y a une sorte de « tourisme professionnel » avant de décider de se stabiliser. Certains préfèrent rester en CDD et refusent des offres de CDI. Les profils expérimentés, après la stabilité forcée liée à la crise sanitaire, profitent de cette période dynamique et retournent sur le marché où circulent des offres intéressantes.
Il y a eu il y a quelques mois un certain emballement sur les niveaux de rémunération, qui est en train de retomber en fonction des métiers. Là encore, l’attractivité de nos maisons résulte d’une logique globale, elle doit être travaillée et s’adapter aux nouvelles attentes, tout en gardant de la cohérence. Pour la Matmut, nous avons revu notre politique d’embauche sur certains métiers en tension, mais en maintenant le cap sur la cohérence globale des salaires. Il faut savoir rester serein, notamment parce que les politiques d’embauche doivent être cohérentes avec la politique salariale interne. Autrement, cela crée du frottement et de l’incompréhension. Nous devons être sélectifs sur les profils recrutés et raisonnés sur les salaires.
Comment le télétravail va-t-il évoluer dans les prochaines années ?
L’accord de l’UES Matmut prévoit deux jours de télétravail par semaine, mais également un volume de jours volants en fonction du métier et du cadre horaire. Les collaborateurs se sont bien inscrits sur cette organisation et je pense que l’hybridation des organisations du travail s’installe. Nous allons renégocier notre accord en fin d’année. En revanche, nous devons désormais repenser les espaces de travail pour optimiser l’usage des surfaces et les adapter aux nouvelles attentes.
Pensez-vous que le télétravail est compatible avec les métiers commerciaux ?
Nous expérimentons le télétravail dans notre réseau d’agences, le lieu symbolique de la rencontre physique entre l’enseigne et le sociétaire ! Les collaborateurs en agence disposent de 2 à 4 jours de télétravail par mois. Après plus de 18 mois d’observation, nous ne faisons pas la démonstration que cela a un impact sur l’absentéisme ou des éléments de productivité. Les retours des collaborateurs qui en bénéficient sont positifs, même si l’organisation dans les équipes n’est pas simple. En l’état actuel, cela montre que l’on peut insérer une formule de télétravail, en fonction de la taille des équipes, mais que cela reste contraint à la faculté de rendre le service aux sociétaires. Les partenaires sociaux sont conscients que l’univers des agences ne peut pas avoir accès aux mêmes formules de télétravail que les collaborateurs en back-office. Nous travaillons ensemble pour réfléchir au modèle le plus adapté en prenant en compte les contraintes de ce métier. Il faut oser des aménagements spécifiques en fonction des besoin métiers.
Que pensez-vous de la semaine de quatre jours, une demande de la CFE-CGC ?
Certains veulent trois jours de télétravail, d’autres souhaitent une réforme globale sur l’organisation du temps de travail. Certaines organisations syndicales évoquent la semaine de quatre jours. Nous sommes dans un moment où toute entreprise doit réfléchir à son temps de travail, aux modalités de travail et à son efficacité et sa performance collectives. La Matmut est ouverte à la réflexion et à l’innovation sociale. Toutefois avant tout changement d’organisation du travail, nous pensons qu’il faut d’abord l’expérimenter et préserver la réversibilité du modèle. Nous sommes dans un moment très ouvert en termes de choix, mais ces derniers sont très structurants pour l’avenir : pourquoi revenir travailler sur site ? Quid de l’animation du collectif ? Du partage et de la culture d’entreprise ? Quid de la modularité du cadre horaire ? Autant de questions qui se posent aux partenaires sociaux.
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