100% santé : La DGCCRF épingle 514 opticiens et audioprothésistes
Absence de présentation des équipements, dénigrement de leur qualité, devis normalisés incomplets, présence de reste à charge… la DGCCRF a épinglé 514 opticiens et audioprothésistes. Un quart des anomalies concerne des freins au déploiement du 100% santé.
Opticiens et audioprothésistes jouent-ils le jeu du 100% santé ? Comment se fait-il qu’en 2021, uniquement 14% des montures et 16% des verres remboursés sont issus du panier A ? En optique, ce faible taux de recours aux offres sans reste à charge pourrait laisser penser que les équipements du 100% santé n’ont pas été suffisamment mis en avant ni mis en valeur par les opticiens. Dans le bilan de l’enquête de la DGCCRF que nous avons pu consulter, le comportement des opticiens est qualifié d’ « opposition passive » à la mise en œuvre de la réforme.
Parmi les raisons de ce maigre succès, les opticiens avancent plusieurs arguments comme la faible qualité des équipements et notamment l’absence de traitement anti-lumière bleue des verres. Mais également le choix limité des montures ou encore l’existence de réseaux de soins grâce auxquels les clients disposent déjà d’offres sans reste à charge. Les professionnels évoquent par ailleurs le manque de confiance de la clientèle à l’égard de produits qui reviendraient à 0 euros ou encore la faible marge de ce type de produits pour l’opticien.
Mille contrôles
Pendant 13 mois, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a mené un millier de contrôles dans 16 régions auprès de 710 établissements auditifs et optiques. 72% d’entre eux présentaient une non-conformité dont presque un quart était en relation directe avec le 100% santé et 40% en lien direct ou indirect avec la réforme.
L’enquête ne se limitait pas au 100% santé et évaluait également la conformité des professionnels en matière de l’information du consommateur, des dispositions contractuelles et de l’absence de pratique déloyale.
A l’issue de l’enquête, la DGCCRF a formulé 384 avertissements sur un millier de non-conformités. Ces « suites pédagogiques » représentent 71% des suites. Pour les cas les plus graves, la DGCCRF a prononcé 123 injonctions, soit 23% des suites, et 31 suites répressives (6% des suites), dont 15 procès verbaux pénaux et 17 procès verbaux administratifs.
Les montures bien cachées
Dans les boutiques optiques, les enquêteurs ont épinglé 36 opticiens, soit 7% des professionnels contrôlés, pour avoir insuffisamment présenté les montures du panier 100% santé. Le nombre de montures exposées était soit insuffisant soit les lunettes étaient absentes des rayons, stockées dans un tiroir.
Parmi les autres types d’anomalies, les enquêteurs ont repéré des enseignes qui présentent les équipements de manière confuse, sous l’intitulé « low cost », « panier A » ou bien « attitude santé » et parfois avec un prix affiché supérieur à 30 euros. Certains opticiens proposent les montures du panier A dans leur offre de 2ème paire offerte ou celles de l’offre économique.
Devis normalisé non-conforme
La DGCCRF indique que 15% des professionnels contrôlés présentent une non-conformité au niveau du devis normalisé. Sur ce document, certains opticiens ont renseigné un reste à charge au niveau des équipements du 100% santé. D’autres ont omis de renseigner les niveaux de prise en charge sur l’offre du 100% santé alors que les champs sur l’offre du panier libre étaient bien remplis.
La DGCCRF signale que sur les logiciels des réseaux de soins, « il semblerait que les complémentaires limitent le nombre d’interrogations possibles par les opticiens pour connaître le niveau de prise en charge. Ceux-ci privilégieraient donc l’offre à prix libre ». Ce défaut de renseignement du devis sur les équipements 100% santé concerne 20% des audioprothésistes contrôlés et 21% des opticiens contrôlés. Pour les professionnels concernés, si le consommateur ne se montre pas intéressé par une offre du panier 100% santé, il n’est pas utile de renseigner cette partie dans le devis.
Certaines enseignes ont remplacé le modèle de devis normalisé par un autre devis plus simple aux couleurs de leur enseigne. Dans de nombreux cas, le modèle de devis a été modifié et dans 60 contrôles, le devis n’était pas signé.
Dans certains commerces, l’opticien renseigne le devis après que le consommateur ait choisi sa monture et verres du panier B. Certains professionnels « semblent même ignorer que l’offre du panier A doit être systématiquement complétée », écrivent les enquêteurs dans leur bilan.
Pour justifier ces anomalies, certains professionnels ont dénoncé « des défauts ou des incompatibilités » de leurs logiciels avec leurs obligations. Par exemple, un logiciel indiquerait un reste à charge systématique pour l’offre 100% santé, et un autre ne produirait pas de devis normalisé pour les paires supplémentaires. « La DGCCRF interviendra auprès des éditeurs concernés afin de corriger les anomalies le plus en amont possible », selon le bilan de l’enquête.
Dénigrement de l’offre
La technique du client mystère a permis aux équipes de la DGCCRF de constater que l’offre 100% santé est dénigrée par certains professionnels qui emploient « des propos dévalorisants dans leur discours commercial ». Dans certains devis, il est écrit noir sur blanc « basique » ou « bas de gamme ». Dans une enseigne optique, les enquêteurs ont recueilli un document interne qui donne au personnel l’argumentaire commercial pour orienter les clients vers le panier B. Parmi les arguments contre le panier A, il y a des informations inexactes comme « le fait que les verres du panier A sont uniquement anti-reflets ». Une société commercialisant des audioprothèses a également diffusé un argumentaire commercial en faveur des offres du panier libre et au détriment des offres de classe 1. Cependant, « seuls 4% des audioprothésistes ont tenu devant les enquêteurs un discours dévalorisant les offres du 100% santé fondé sur la qualité des équipements », selon le bilan de l’enquête.
Dans certains cas, la DGCCRF parle de détournement de l’offre 100% santé, qui est présentée comme une offre propre à l’enseigne et non une offre réglementée. Enfin, certains audioprothésistes présentent les aides auditives comme si elles étaient « offertes » par le professionnel.
Face à l’ampleur des anomalies, la DGCCRF a proposé de reconduire l’enquête car le suivi des mesures est en cours et toutes les corrections n’ont pas été effectuées.
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