AG2R La Mondiale Matmut : Philippe Dabat détaille sa stratégie en assurance de personnes

mercredi 13 mars 2019
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INTERVIEW - 100% santé, CMU-C contributive, prévention, maîtrise des arrêts de travail, assurance santé individuelle, Philippe Dabat, membre du comité de direction générale d'AG2R La Mondiale Matmut en charge des assurances de personnes, détaille ses prochains chantiers opérationnels.

Vous êtes en charge des assurances de personnes au sein d'AG2R La Mondiale Matmut. Quelle est votre feuille de route ?

La gouvernance politique et opérationnelle d'AG2R La Mondiale Matmut a été définie. Chaque membre du Comité de Direction Groupe doit proposer sa feuille de route, métier par métier. Pour ma part, je travaille sur la partie assurances de personnes pour proposer une vision stratégique et organisationnelle globale.

Quelles sont les synergies et points d'achoppement en santé individuelle ?

Le Groupe compte deux mutuelles nationales : Ociane de Matmut et Viasanté d’AG2R La Mondiale. Nous sommes dans une logique de coopération et de recherche de synergies. Par exemple, nous travaillons ensemble sur les aspects règlementaires (100% santé, CMU-C contributive, lisibilité des contrats...), tout en poursuivant les actions de développement spécifiques à chaque mutuelle.

Allez-vous distribuer la CMU-C contributive à partir de novembre 2019 ?

Ociane distribue l’offre ACS dans le cadre d'un consortium avec la Mutualité Française. Viasanté le fait en partenariat avec Macif et Apivia. Dans le cadre du futur dispositif CMU-C contributive, le prix de la couverture et le niveau de prestations sont définis. Reste à savoir quel niveau de frais de gestion sera attribué aux organismes complémentaires. Nous n'avons pas encore arrêté notre position. Le choix sera fait avant le mois de juillet en cherchant à avoir une position cohérente pour Ociane et Viasanté.

La maîtrise des arrêts de travail est également un sujet d'actualité, suite à la publication du rapport Bérard Outric Seiller. Où en êtes-vous ?

Comme tous les acteurs de la prévoyance, nous nous intéressons à l'exploitation de la DSN (dénomination sociale nominative) pour pouvoir avoir une connaissance beaucoup plus fine du risque. Nous allons pouvoir croiser des données démographiques (âge, sexe, zone géographique...) avec les données assurantielles. En 2018, la qualité des données démographiques n'est pas très probante pour l’instant car il nous faut un peu plus d'historique. Au fil du temps, nous aurons une profondeur de données de plus en plus intéressante qui nous permettra de mener des actions de prévention ciblées en contextualisant les données d'une entreprise par rapport à la sinistralité moyenne au niveau de sa branche ou d’un groupe d’entreprises équivalentes.

Quelles actions pourront être mises en place suite à l'analyse des données ?

Nous travaillons d'ores et déjà avec la société Didacthem sur plusieurs branches pour aider les entreprises à faire leur propre diagnostic des risques via une plateforme en ligne. Cela ne coûte que quelques euros par salarié et par an et permet ensuite de proposer des actions de prévention ciblées. Nous investissons 2 millions d'euros sur 3 ans dans le programme de prévention « Branchez-vous santé » autour de l'hygiène bucco-dentaire, par exemple, avec la prise en charge de deux examens bucco-dentaires systématiques à 35 et 55 ans. Ou encore sur la récidive du cancer, avec des interventions non médicamenteuses pour une prise en charge estimée entre 300 et 1.000 euros par personne selon la durée. Les branches qui le souhaitent pourront inscrire ces actions de prévention dans leurs accords de branche.

Vos concurrents pensent que ces actions de prévention sont trop spécifiques et donc difficiles à reproduire. Que répondez-vous ?

Un concurrent m'a appelé quand nous avons mis en place la garantie « 1.000 premiers jours » à destination des jeunes femmes enceintes, dans la branche de la boulangerie. Cette garantie prévoit un suivi spécifique par un infirmier, une sage-femme, un diététicien et un pédiatre pendant les premiers 1.000 jours à partir de la conception de l'enfant et sans reste à charge pour l'assurée. Elle s'adresse aux jeunes femmes, afin de leur apprendre les bonnes pratiques en matière d'alimentation, d’hygiène de vie et de prévention santé pendant la grossesse puis les premières années de leur enfant. La garantie a été intégrée dans le tableau de garanties de l'accord de branche et tous nos concurrents doivent rembourser intégralement ces soins. C'est une garantie pertinente, demandée par les partenaires sociaux. Si c'était un gadget, elle n'aurait pas eu de succès et le concurrent n'aurait pas appelé.

Sur Branchez-vous santé, nous avons beaucoup travaillé pour trouver des organismes capables de déployer le dispositif partout en France. Si le programme de prévention est inscrit au niveau des garanties de l'accord de branche, nous aurons un temps d'avance sur nos concurrents.

Est-ce que le succès de ces actions de prévention peut avoir un impact sur le tarif ?

A ce jour, ces actions n'ont pas encore montré un impact suffisamment important sur la sinistralité au niveau global pour nous permette de réduire la cotisation. Le vieillissement de la population et la hausse régulière de la consommation médicale dépassent en termes de prestations les bénéfices de la prévention.

Comment préparez-vous l'arrivée du 100% santé ?

Il reste encore beaucoup d'incertitudes concernant le taux de recours au dispositif 100% santé. Il faudra attendre 2020-21 pour en mesurer tout l'impact. Nous pensons qu'il faudra piloter et mutualiser l'impact éventuel du 100% santé sur les dépenses. Pour les grandes entreprises qui ont des régimes spécifiques, les marges de manœuvre sont plus faibles : celles qui avaient des contrats haut de gamme seront peu impactées. En revanche, celles avec des contrats d'entrée de gamme (de type panier de soin ANI) devront éventuellement puiser dans les réserves.

Quel sera l'impact du 100% santé sur les réseaux de soins ?

Les réseaux vont devoir s'adapter et se réinventer. A mon avis, ils auront un rôle important à jouer dans le contrôle du respect des prix limites de vente par les professionnels de santé sur les prothèses dentaires et auditives. Par ailleurs, ils continueront à exercer des actions de lutte contre la fraude. Nous les attendons également sur les actes hors nomenclature comme les médecines douces, le paramédical ou l'accompagnement du parcours d'hospitalisation. Nous avons besoin d'offrir des solutions sur la France entière à nos assurés, et pas uniquement dans les grandes villes, avec des normes de qualité et des tarifs négociés.

Avez-vous décidé avec quel réseau de soins vous allez travailler au sein d'AG2R La Mondiale Matmut ?

AG2R La Mondiale travaille avec Itelis et Ociane avec Opthystia / Audhystia. La mise en place d’un éventuel dispositif commun n’est pas notre priorité à court terme.

Que pensez-vous du renforcement du contrôle pour lutter contre les arrêts de travail ?

Les partenaires sociaux sont très réticents à introduire des actions de contrôle des arrêts de travail au niveau des branches. Cela pose des problèmes d'acceptabilité. Ce sont eux qui sont décideurs de ces éventuelles mesures dans le cadre du pilotage des régimes. Nous mettons ensuite en œuvre les décisions qu’ils prennent.

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