Agents généraux : Le déconfinement sous le signe de la défiance
Touchés indirectement par les critiques lancées à l’endroit des assureurs, les agents généraux ont repris lundi le chemin de leurs agences. Entre défiance des clients, retours progressifs des collaborateurs et nouvelles règles sanitaires, certains font preuve d’initiative pour se relancer.
A mesure que le déconfinement s’amorce sur le territoire, les agents généraux réinvestissent leurs agences, chacun à son rythme. Alors que la quasi-totalité des réseaux est restée active à distance durant la crise, certains agents sont aujourd’hui présents physiquement dans leurs points de vente, quand d’autres ne peuvent pas encore rouvrir au public.
« Nous anticipons une reprise par graduation et nous privilégions les rendez-vous fixés à l’avance avec les clients pour prévenir au maximum les risques en agence. Nous devrons faire preuve de bon sens et cette période nous pousse également à réfléchir à de nouveaux modes ou outils de communication à distance avec nos assurés », explique Christophe Caille, président de Mag3, le syndicat des agents généraux d'Allianz France.
Aidés par leurs mandantes, par Agéa ou encore par les réseaux de fournisseurs de certains agents, la plupart des boutiques devraient être opérationnelles en fin de semaine, « sous réserve de réception de gel, de masques, visières, plexiglass, etc », nous indique-t-on chez Réussir, le syndicat des agents Axa France.
Faire face à la défiance
Pour d’autres, l’ouverture des agences au public varie surtout en fonction des disponibilités des salariés. « Depuis le 11 mai, les ouvertures des agences sont globalement une réalité avec des variations pouvant être liées notamment à la présence physique des collaborateurs. Parfois, les locaux de petites surfaces ne se prêtent pas forcément à la distanciation sociale et il y a encore de l'inquiétude chez certains collaborateurs. J’ajoute que l’efficacité du télétravail au sein du réseau Gan depuis près de deux mois peut inciter à ne pas revenir tout de suite au bureau. Nous sommes nécessairement dans une phase transitoire », indique de son côté Jean-Luc Vidal, président du Snagan, le syndicat des agents Gan Assurances.
« Nous avons tous besoin de retrouver du lien, une proximité visuelle, mais je pense qu’une grande prudence va demeurer pendant un certain temps, que ce soit du côté des clients ou même de certains collaborateurs. A nous d’apporter de la tranquillité et de la sécurisation dans nos agences », ajoute Christophe Caille.
Sous le feu des critiques
Mais les agents doivent surtout faire face aux réclamations de certains assurés devant les communications parfois dissonantes de certaines mandantes, notamment sur le sujet sensible de la perte d’exploitation sans dommage.
« Nous ne comptons pas nos heures de travail et nous devons faire face aux critiques alors que nous sommes depuis le début de la crise sur le terrain. Quand de grandes enseignes mutualistes ou bancaires annoncent des ristournes à leurs sociétaires à grand renfort de communication, beaucoup oublient que les agents généraux proposent eux aussi des remises à leurs clients impactés et qui peuvent aussi ponctuellement être tout à fait significatives. Surtout nous sommes au contact de chacun de nos clients pour les aider de nos connaissances, par exemple sur le fonds de solidarité, et leur expliquer en transparence la réalité de la situation assurantielle. L’ambiance générale et la méfiance autour de l’assurance n’aide pas les réseaux alors que ce sont eux qui sont en première ligne pour aider les clients. Il est important de le rappeler », indique Jean-Luc Vidal.
« Contrairement à ce qui a été dit, les assureurs ont fait de gros effort pour soutenir ces entreprises depuis le début de la crise et les agents généraux sont en première ligne pour venir en aide à leurs clients. La bataille ne fait que continuer », ajoute pour sa part Christophe Caille.
Reprise en main
Face à cette situation, l’appel du président d’Agéa aux agents à reprendre en main leur communication, a fait naître plusieurs initiatives. Parmi elles, celle de Xavier Bourhis, agent Generali en Bretagne, qui vient de créer son propre fonds de soutien doté de 120.000 euros.
Sollicité par News Assurances Pro, ce dernier explique :« ce fonds de solidarité est destiné aux artisans et commerçants assurés auprès de mes agences, soit environ 1.500 à 2.000 de mes clients. Je l’ai constitué avec mes commissions, un prêt garantie par l’État et avec la part qui revient à mes 6 agences issue du budget que Generali France a alloué aux agents pour aider leur action sur le terrain en cette période de crise. Il s’agit d’un geste temporaire pour venir en aide à mes clients les plus en difficulté. Si certains ont réussi à se réinventer et à résister pendant cette crise, d’autres, à métiers comparables, n’ont plus rien ».
Pour être éligible à cette aide - qui peut aller jusqu’à 1.600 euros – l’agent a ainsi mis en ligne un questionnaire. « J’ai besoin d’y connaître le chiffre d’affaires de l’entreprise, ses revenus, ou encore les mesures qu’elle a mise en place durant la crise. Ensuite, j’ai constitué un collectif de clients entrepreneurs venant d’horizons et de territoires différents - je gère 6 agences sur 3 départements - pour m’aider à prendre une décision. Ne pouvant accorder une aide à tous mes clients pro, ce collectif a pour vocation que les décisions d’allouer une aide soient objectives. Une fois qu’une entreprise est éligible, nous lui versons cette aide en 'one shot', l’enveloppe globale étant à notre main », précise-t-il ensuite.
« Si nous, agents d’assurance, voulons être audibles dans cette crise, je pense que nous devons agir sur notre territoire. L’idée n’est pas d’entrer en bagarre avec qui que ce soit sur le marché, mais d’aider mes clients à redémarrer. Je suis moi aussi entrepreneur, j’ai une activité commerciale à mener et comme beaucoup, mon développement est à l’arrêt depuis plusieurs semaines. Je veux que mes clients sachent que j’ai été là pour eux dans ces moments difficiles », conclut Xavier Bourhis.
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