D’un côté, les entreprises d’assurance peinent à recruter et de l’autre côté, les jeunes de banlieue ont des difficultés pour trouver du travail. Il est donc possible de croiser ces deux mondes aux besoins convergents et de faire d’une pierre deux coups.
C’est l’idée de l’école d’assurance Ifpass, qui a lancé un partenariat avec Impact Partenaires et plusieurs sociétés d’assurance pour permettre aux jeunes de quartiers défavorisés de suivre une formation en alternance. Le partenariat s’inscrit dans le cadre du programme Quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV), promu par le gouvernement. Près de 3 jeunes sur 10 habitant en QPV ne sont ni en emploi, ni en étude, ni en formation (NEET). 40% de la population de ces quartiers est inactive et le taux de chômage dans ces quartiers atteint presque 25 % en 2017. Lorsque leurs habitants ont un emploi il est souvent précaire (intérim, apprentissage et CDD). Ainsi, un quart des salariés des QPV occupent des emplois précaires, contre 13% dans les autres quartiers.
L’ambition du programme lancé par l'Ifpass est de recruter 100 jeunes en alternance d’ici la fin de l’année. Macif, Covéa Axa, Malakoff Médéric Humanis et Natixis ont accepté d'y participer.
Promouvoir l'égalité des chances
« Certains jeunes ne pensent pas spontanément au secteur de l’assurance car ils en ont une image assez inatteignable, explique Laurent Arachtingi, le directeur général de l’Ifpass. D'autres encore ont des appréhensions ou difficultés à dépasser le stade de l’entretien d’embauche car ils n’ont pas les codes de savoir-être ou de développement personnel alors qu’ils ont les compétences. Nous leur proposons une formation individualisée qui peut aller de 70 à 300 heures qui les prépare à l’alternance. Nous organisons ensuite des job dating avec des acteurs de l'assurance pour augmenter leurs chances de décrocher un contrat en alternance ». Pour Laurent Arachtingi, cette formation permet à ces jeunes d’avoir les mêmes chances de réussite académique que les autres apprenants. « Ces jeunes ont beaucoup de potentiel. Il suffit de bien les accompagner pour qu’ils développent leur confiance en eux ». L’Ifpass s’est appuyé sur des associations comme la Fondation Agir Contre l’Exclusion ou l’association Pierre Kohlmann pour aller sourcer des jeunes dans les quartiers prioritaires de la ville.
La Macif a recruté 32 jeunes alternants qui ont rejoint les équipes en charge de la relation client en septembre 2019 dans les régions Île-de-France et Sud-Est. Justine a rejoint le groupe Macif en tant que chargée de clientèle pour occuper un poste de téléconseillère appel entrant. Elle a déjà travaillé chez Allianz en alternance en tant que gestionnaire santé prévoyance et souhaite maintenant s’orienter vers des métiers à vocation commerciale. « Ce n’est pas ce qui manque, du travail dans l’assurance », considère-t-elle. Justine habite à Nanterre, à deux pas du quartier d’affaires de la Défense. Sa mère est comptable dans une grande entreprise et son père est sans emploi. Un membre de sa famille qui travaille chez Axa lui a mis la puce à l’oreille. « Si vous voulez un emploi stable, l’assurance c’est un bon choix car les gens y restent 40 ans », affirme-t-elle. Après son Bac Pro, elle a poursuivi ses études en BTS commercial. En septembre, elle redouble sa deuxième année, compte valider les quelques matières qui lui manquent et enchaîner avec une licence à l’Ifpass. Ce qui lui plaît dans l’assurance c’est que « c’est un secteur très divers, avec une partie technique, de la fiscalité, du juridique et de la relation client. Il est facile de trouver une alternance. Décrocher un CDI est en revanche plus compliqué. Dans une grande entreprise, j’ai plus de chance de rester après mon alternance », dit-elle.
Dans le secteur de l'assurance, les taux de transformation de l’alternance en CDI oscillent entre 70% pour les Bac+2 et 95% pour les plus qualifiés, selon l'Ifpass.
Diba, jeune femme Indo-Pakistanaise de 24 ans habite à Garges-lès-Gonesse, en banlieue parisienne. En juin, elle a participé à un job dating organisé par l’Ifpass au cours duquel elle a rencontré plusieurs entreprises. Après deux entretiens supplémentaires, elle a obtenu un contrat en alternance à la Macif pour découvrir le métier de conseiller en agence, « pas en plateforme téléphonique. Mon but est d’être en contact direct avec le client », précise-t-elle. Après une première tentative malheureuse, elle a eu son BTS en candidat libre. Elle a ensuite débuté dans la comptabilité, puis elle a travaillé en CDI dans un cabinet de courtage en tant qu’assistante commerciale pendant 2 ans. « Je suis arrivée dans l’assurance par hasard. J’ai eu de la chance parce que j’ai trouvé du travail sans avoir d’expérience, mais je voulais poursuivre mes études en licence pour avoir un bon poste et plus de perspectives professionnelles », affirme-t-elle. Son objectif d'ici 5 ans : évoluer dans une compagnie d'assurance ou, pourquoi pas, ouvrir sa propre agence ou cabinet de courtage.
Le programme QPV est piloté par l’Ifpass. De son côté, le groupe Macif prend en charge financièrement le salaire des alternants. C’est aussi un investissement pour former les tuteurs et leur permettre d’avoir du temps au quotidien pour les étudiants. La formation à l’Ifpass est quant à elle financée dans le cadre des contributions réglementaires et obligatoires des entreprises.
« Au sein de notre groupe, chaque jeune est accompagné par un tuteur et bénéficie d’un suivi personnalisé pour lui permettre de développer ses compétences tout au long de son parcours, précise la Macif. Par exemple, à Paris, la Macif aura 6 jeunes qui seront accueillis dans la même équipe. Un manager supplémentaire a été recruté pour pouvoir les accompagner ».
À voir aussi
J.P Dogneton : "Sur les tarifs 2025, c’est le brouillard"
Jean-Philippe Dogneton : "15 millions de Français sont privés de mobilité"